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14/02/2009

Chaos mondial déchaîné par le libéralisme - Vers un nouveau "modèle de société"

rachat-credit-crise[1].jpgLa crise est bien

plus radicale

qu'on ne le dit.

Et elle dissimule

une révolution

inéluctable:


 

  

Retrouvé par hasard hier soir, ce texte extrait de la préface de Vaneigem  à une réédition du Sur Huysmans de Léon Bloy [1]. Ecrit en 1986, il résonne étrangement en 2009 :

 -

 <<  De dévaluation en dévalorisation, la civilisation de survie poursuit le tourbillon de son anéantissement ; à la même allure, le langage tourne à rien, atteignant par sa nullité le seuil d’une réalité radicalement différente. La vitesse acquise par la pollution généralisée a soufflé la poussière dérisoire des mots jusqu’à dénuder les deux seules vérités qui, dans leur affrontement, vaillent la peine ou le plaisir d’être départagées. La vérité d’une société qui produit pouvoir et profit en épuisant, par une exploitation progressive, la nature de l’homme et son milieu naturel. Et la vérité de ce qui est irréductible à l’économie, la gratuité de la vie comme lieu de création des plaisirs. [2]

Dans l’univers en péril, où la survie appelle au secours, la vanité du langage, perçu comme un dernier message de détresse, ajoute la désespérance de ne plus croire en rien au désespoir de n’avoir jamais cru en soi. Si bien que l’option suicidaire, à laquelle beaucoup se rallient sous le masque de la protestation impuissante, de la lucidité dégoûtée, de l’apathie désinvolte ou d’un optimisme de pacotille lucrative, travaille à perpétuer la vieille confusion entre le monde des vivants et le monde de la marchandise, promis à sa fin.

Le parti de la mort a pour lui la puissance de son inertie. […] Jamais le mensonge travestissant la vie en survie n’a si exactement exprimé sa vérité que dans les maladies qui affectent à la fois les individus et la société : infarctus d’un monde sans cœur, névrose du rôle à soutenir… Pourquoi espérer qu’une humanité qui n’a cessé de survivre contre ce qu’elle a de plus humain prenne la défense de sa survie menacée ? A défaut d’illusions, la décrépitude économique a l’ultime recours de vendre ses désillusions. Elle incite à brûler la survie par les deux bouts et tire trois sous de l’hédonisme consommable où les survivants achèvent de se consumer selon le principe « travailler beaucoup pour gagner peu et dépenser tout pour ne jouir de rien »… >>

  

 

« La décrépitude économique a l’ultime recours de vendre ses désillusions » : c’est ce qui se passe sous nos yeux en février 2009. Devant la catastrophe déchaînée sur le monde par le système ultralibéral, les mêmes camelots médiatiques, qui vendaient du libéral jusqu’à ces derniers temps, retournent leur veste et nous vendent le contraire : il n’est plus question dans les journaux que de « vertiges du libéralisme ».  L'Essai sur la société néolibérale, de Pierre Dardot et Christian Laval, évite de diagnostiquer le vice du système, mais désigne certains de ses effets : « La stratégie néolibérale a consisté et consiste toujours à orienter systématiquement la conduite des individus comme s’ils étaient toujours et partout engagés dans des relations de transaction et de concurrence sur un marché », ce qui a pour effet de « vider le sens des différents métiers », « depuis les chercheurs jusqu’aux policiers en passant par les infirmières et les postiers ». Le néo-libéralisme « réellement existant » (comme on disait « le socialisme réalisé ») a des résultats contraires aux promesses du néolibéralisme théorique : promesses qui paraissent aujourd'hui odieuses ou ridicules et qu'on n’ose plus rappeler  [3].  Mais Dardot et Laval n’en démordent pas : selon eux, le « modèle (!) néolibéral » ne va pas disparaître, quitte à devoir cohabiter provisoirement avec un retour de l’Etat arbitre. Une NEP [4]  à l'envers, en quelque sorte...

 

Beaucoup plus intéressante, dans Le Monde du 9 février, la page du psychosociologue allemand Harald Welzer intitulée  Crise, le choc est à venir  [5]:

 

«  Malgré la débâcle financière et l'urgence climatique, on continue de croire que tout va comme avant. Sans comprendre qu'en réalité nous avons changé d'époque…  Les émissions de gaz à effet de serre vont s'accroître du fait de l'industrialisation globalisée, au point que la fameuse limite des deux degrés au-delà desquels les conséquences des changements climatiques deviennent incontrôlables ne sera pas tenable... La concurrence qui s'accroît de plus en vite autour des ressources pourrait bien dégénérer en affrontements violents pour départager vainqueurs et vaincus... Désormais, c'est l'avenir des générations futures que l'on va obérer, notamment par l'envol de la dette publique et la surexploitation des matières premières... Certes, un objectif tel que l'égalité entre générations remet en question les calculs de croissance à courte vue, aussi bien que l'idée que le bonheur s'obtient par une mobilité ininterrompue et par l'éclairage 24 heures sur 24 de la planète entière. C'est justement en temps de crise qu'on voit ce qui se passe, fatalement, quand une entité politique commune ne procède d'aucune idée de ce qu'elle veut vraiment être. Des sociétés qui se contentent de satisfaire leur besoin de sens par la consommation n'ont [...] plus de filet pour retarder leur chute. Cela tombe au moment où les experts n'ont aucun plan à proposer. Peut-être leur vol à l'aveuglette est-il le signe d'une renaissance. Celle du politique. »

 

Welzer met le doigt dessus : la crise est un basculement. C’est l’effondrement d'un règne de petits messieurs arrogants et vides, diplômés en ultralibéralisme ignorant l’humanité. Le réel prend sa revanche. Elle sera dure, et cette échéance doit être affrontée dans une  perspective révolutionnaire. D'une part, il y a la crise économique. D'autre part, il y a le déclin des ressources d’hydro-carbures sur lesquels reposait notre « modèle » (!) de société.  Or la fin de l’énergie bon marché, c’est la fin de la croissance économique, la fin du productivisme industriel (capitalisme du XXe siècle), la fin de l’Union européenne libre-échangiste, la fin de l’aviation commerciale de masse, la fin de la grande distribution, etc... ainsi que nous le constations fin janvier à Lyon, lors du colloque ouvert par le cardinal Barbarin et organisé par l’association Chrétiens et pic de pétrole ! Refuser de regarder cette échéance et de changer de mode de vie, ce serait préparer l'épouvante : c'est-à-dire des guerres pour le contrôle de ressources de plus en plus rares. Et l'on trouverait  -  hélas -  des gens pour bénir les missiles et  parler de « combat pour la civilisation » (voire « pour la chrétienté »): il y a des Mayol de Lupé en réserve des deux côté de l'Atlantique.

Mais si l’on ne veut pas cet enfer, si l'on veut être à la hauteur de l’enjeu qui est le destin de l'humanité, il va falloir inventer une économie occidentale  sobre, relocalisée, décentralisée, auto-suffisante, par la décroissance de la consommation de matières et d’énergie. Ce qui veut dire : mobiliser la société autour d’une économie solidaire et sociale. Comment y parvenir ? Par une prise de conscience de masse, qui soutiendra le politique. Lequel doit, lui aussi, être réinventé…

    

 

 

 


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[1]  Editions Complexe, 1986. Le Sur Huysmans de Bloy fut écrit en 1893 : un texte féroce (et hilarant) sur la nature non-chrétienne du passéisme, que Bloy nomme « catholicisme de bibelot ». Cela aussi résonne étrangement en 2009.

 

[2]   Vaneigem (1934-2008) est le théoricien du « jouir sans entraves » : Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, 1967. L’idée du « jouir » comme arme contre la société marchande est discutable et fit condamner Vaneigem - pour « utilitarisme » - par Guy Debord. C’était en effet une fausse piste ; la preuve en est que le pauvre Onfray se réclame de cette idée aujourd’hui. Mais le fond du problème est intéressant : le « jouir sans entraves » de Vaneigem vient de sa définition des « plaisirs » comme sens gratuit de l’existence. C’est ce sens gratuit (la vie « affinée ») que Vaneigem voulait en réalité : il se trompait en le réduisant aux plaisirs,  mais  la  gratuité  est l’idée la moins libérale qui soit. Et la plus chrétienne, en fait… On peut regretter qu’aucun intellectuel chrétien, à l’époque, n’ait entrepris d’en parler avec Vaneigem qui se voulait antichrétien ! Il est vrai que les milieux chrétiens étaient occupés à démolir (eux aussi) le christianisme, ou à s’enfermer dans un bunker.

 

[3]  Sauf une poignée de bons jeunes gens incurables de la banlieue ouest de Paris.

 

[4]   NEP : « Nouvelle politique économique », Novaya ékonomitcheskaya politika : mise en œuvre par Lénine en 1921 pour sortir l’URSS du chaos, au prix de concessions provisoires à la libre entreprise.

 

12:44 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : la crise

Commentaires

PROTECTIONNISME ?

> C'est clair. Et ça contredit les gens qui nous parlent d'un "protectionnisme de croissance" : ou alors il faut redéfinir l'idée de "croissance".
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=51605

Écrit par : chtonk | 14/02/2009

CE MONDE DEVAIT S'ECROULER

> Bon sang, enfin des esprits qui prennent conscience de notre débacle!et qui l'écrivent parfaitement!
Voici un langage éclairé, dont la méditation est profonde, et dont la vue est lointaine.
Ce monde doit et devait s'écrouler dans un certain sens, car ce monde transfome dans la réalité, la consommation de masse des choses, en une consommation de masse des hommes : l'enfant en est l'exemple le plus effroyable (mère porteuse, ovocyte, implantation intra utéro, avortement, ect, ect...).
En clair, l'esprit économique de ce libéralisme effrayant, a importé avec lui, cet esprit de réalisme dans le choix de faire vivre tel où tel homme (euthanasie, avortement), cet esprit de nouveauté permanente (divorce, séparation et re-séparation...), bref, a importé cet esprit du kleenex jetable dans tout et pour tout, et donc entre autre chose "chose", la relation désormais "jetable" entre tous les êtres vivants, hommes... jusqu'avec les animaux.
Maintenant, est-ce que beaucoup d'entre les hommes, et les catholiques entre autres, savent combien cette crise est unique dans l'histoire?
très peu le savent, et le comprennent : quand on se félicite des 14 milliards de bénèf de Total (historique!!!!), combien s'inquiètent des 31 milliards de déficits de la RBS (royale bank of scotland)?.....!!!???!!!
Ce n'est pas une crise que nous vivons, cet un désastre où encore de nombreux experts disaient il y a huit jours sur la 5 : " que comme toutes les crises, dans 6 mois, voir dans 1 an, nous en serons sortis."
Ceux là même qui n'avaient pas vus venir ladite crise!
Les déficits étatiques sont abyssaux, les déficits bancaires sont pharaoniques, et en plus, les réserves mondiales n'appartiennent plus aux pays occidentaux....sachez le tous!....les réserves minières ne sont pas sur nos territoires; notre "or" bancaire, on l'a vendu récemment, Mr Sarkozy en tête!
Si les pays du sud comprennent leur chance historique, je vous le dis tel que cela peut arriver : nous sommes morts dans notre modèle de vie;
Reste notre chrétienté, notre catholicité, notre orthodoxie; ceci atténuera peut-être nos maux, si vraiment le scénario catastrophe devait arriver!
je prie pour que dans ce marasme, prévisible depuis longtemps, nous soyons quand même épargné de fléaux inhabituels dans nos contrées.

Écrit par : jean christian | 15/02/2009

AU TOUT DEBUT DE LA CRISE

> ca y est, c'est officiel, le Japon est entré dans la plus grave récession de son histoire....d'après guerre!!! une perte pharaonique de 12,5% de son PIB, en alignement annuel (3,3% sur 3 mois) c'est du jamais vu, c'est du "impensable", c'est du "inimaginable", ....ce nombre est tout simplement "EFFFROYABLE" !!!!!!!!...presque le même qu'aux USA!
bref, c'est affreux en nombre, c'est pitoyable en résultat, mais c'est surtout incompréhensible si on ne matérialise pas ce résultat par une extrapolation de la vie de tous les jours !!!!!
voici un pays qui vient "vulgairement" de manger près de 3 années de richesse accumulée, sachant que sur un rythme annuel comme celui-là, les japonais seraient en train de "bouffer" près de 12 années de gain!!!!!!!
je reste tellement pantois devant ce résultat, que je ne n'y crois pas (noter mon mot "crois pas".....domaine de la foi, que dis-je????)...et pourtant c'est ce que je lis sur les sites économiques avertis.
je reviens sur ce blog dans la journée si vraiment ce nombre (et non pas ce chiffre, je mesure ici en écrivant, l'énormité de l'évènement...."Mon Dieu", mais est-ce qu'un autre spécialiste de l'économie écrit souvent dans ce blog pour comprendre la hauteur de l'évènement, et m'aide à transcrire en mot ce qui se passe sous nos yeux? -rappel : je travaille pour une société financière, et dans la haute sphère de la finance-) se confirme.
pour éclairer encore un peu plus ce résultat, c'est comme si, nous français de 2009, nous revenions au niveau de la richesse de 1997....c'est en gros quelque chose comme cela.
chers amis, accrochez-vous, ça va secouer, on va tous souffrir : cher Patrick Plunkett, vous qui êtes journaliste, pouvez-vous nous donner une interview d'un spécialiste économique dans votre blog, pour vraiment nous dire enfin la vérité sur ce qui se trame vraiment?
sachez tous, que nous sommes au tout début de la crise, et non encore en son centre.
je ne fais pas de catastrophisme, je vous écris la lecture des évènements : c'est tout, et j'en suis désolé pour le coté morbide.

Écrit par : jean christian | 16/02/2009

PETITE BONNE NOUVELLE

> je reviens une dernière fois ce matin dans mon blog favori, pour vous donner en lien, la première des petites bonnes nouvelles que nous "homme de la finance" nous attendions avec impatience, mais cette nouvelle sera t-elle durable, où est ce seulement un sursaut accidentel?
la réponse semble vraiment se trouver dans la suite de l'article :
http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20090212trib000343098/etats-unis-premiere-embellie-pour-la-consommation.html

Écrit par : jean christian | 16/02/2009

EN FAILLITE

> les deux ex-plus grosses entreprises industrielles du monde en faillite???
non vraiment, ça ne va vraiment pas bien dans l'économie aujourd'hui:
http://www.latribune.fr/entreprises/industrie/automobile/20090215trib000344096/depot-de-bilan-possible-de-general-motors-.html
si cela devait arriver, je vous assure que la débacle s'amplifierait tragiquement, et réellement dans notre vie quotidienne!!!

Écrit par : jean christian | 16/02/2009

CLAQUE

> Ohé, les dadais qui disaient il y a deux ans qu'ils en avaient "leur claque" des mises en garde contre l'ultralibéralisme, vous dites quoi maintenant ? Plus rien ? Comme c'est bizarre. Démontrez-nous un peu que les faits ont tort et que vos profs de business avaient raison.

Écrit par : chtonk | 16/02/2009

ZOZOS

> Oui, c'est vrai, on a envie de rire un peu, que les zozos nous redisent que tout est de la faute du méchant socialisme athée totalitaire qui augmente les impôts et voudrait réguler les marchés financiers !!!

Écrit par : Piet Hein | 16/02/2009

VIVRE AUTREMENT

> Oui, c'est bien l'écroulement du capitalisme après celui du marxisme, son complément. Au diable la modernité qui mène le monde à la catastrophe!
Il faudra vivre autrement, se convertir, retrouver les sources chrétiennes, la " communion " des hommes en Dieu, la civilisation du Corps Mystique ou de l'Amour dont " Radical Orthodoxy " nous trace la théologie et l'économie. Alors, si Dieu le veut, il n'y aura plus d'intègrisme ni de progressisme mais une vie en Dieu, tout au long des jours puisque le XXIième siècle sera religieux ou ne sera pas.

Écrit par : Loïc de Bénazé | 18/02/2009

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