10/08/2008
L’évangile de la tempête - et le tambour de Brecht
Sur Matthieu 14, 22-23 :
Commentaire du P. Raniero Cantalamessa (extraits) :
<< … Ce soir-là, ayant renvoyé les foules, Jésus était monté seul sur le mont pour prier […] Ce soir-là, il avait envoyé la barque au large ; maintenant [1] il a poussé l'Eglise dans l'immense mer du monde. Un vent « fort et contraire » s'était levé ; l'Eglise faisait les premières expériences de persécution. Dans cette nouvelle situation, qu'évoquait pour les chrétiens le souvenir de cette nuit ? […] Qu'à présent aussi il ordonnait aux siens d'aller vers lui « en marchant sur les eaux », c'est-à-dire en avançant parmi les vagues de ce monde, en s'appuyant uniquement sur la foi.
[…] Combien de fois notre vie ressemble à cette barque « battue par les vagues à cause du vent contraire » : la barque en difficulté peut être notre mariage, les affaires, la santé... Le vent contraire peut être l'hostilité et l'incompréhension, les revers de fortune, la difficulté de trouver un travail ou une maison. Peut-être, au début, avons nous affronté avec courage les difficultés, décidés à ne pas perdre la foi, à avoir confiance en Dieu ; pendant quelque temps nous avons nous aussi marché « sur les eaux », c'est-à-dire en nous fiant à l'aide de Dieu. Mais ensuite, voyant l'épreuve toujours plus longue et plus dure, il nous a semblé ne pas pouvoir y arriver, perdre pied. Nous avons perdu courage.
C'est le moment de cueillir, de ressentir comme adressée à nous personnellement, la parole de Jésus à ses disciples : « Confiance ! C'est moi, n'ayez pas peur ! ». La phrase par laquelle don Abbondio, dans Les Fiancés [2] justifie ses propres craintes et méchancetés, est célèbre : « Qui n'a pas de courage ne peut se le donner ». C'est précisément cette conviction que nous devons abattre. Celui qui n'a pas de courage peut se le donner. De quelle manière ? Avec la foi en Dieu, la prière, en s'appuyant sur les promesses du Christ.
Certains disent que ce courage fondé sur la foi en Dieu et sur la prière est un alibi, une fuite de nos propres possibilités et responsabilités. Une façon de décharger sur Dieu nos devoirs… C'est la thèse de la célèbre œuvre de Brecht qui se déroule en Allemagne au temps de la guerre de Trente ans et qui a comme acteur une femme du peuple appelée, pour sa volonté et son esprit d'entreprise, Mère courage. Dans la nuit, les troupes impériales […] avancent vers la ville protestante de Halle pour la brûler. Près de la ville, une famille de paysans, dont Mère Courage et sa fille muette Kattrin sont les hôtes, estime ne pouvoir que prier pour sauver la ville de la ruine. Mais Kattrin […] se précipite plutôt sur le toit de la maison et se met à battre désespérément du tambour, jusqu'à ce qu'elle voie s'allumer les premières lumières en ville et comprenne que les habitants se sont réveillés et sont debout. Elle est tuée par les soldats, mais la ville est sauvée. La critique sous-entendue (critique marxiste classique) vise celui qui resterait les mains dans les poches en attendant que Dieu fasse tout lui-même. Mais cela n'est pas la vraie foi, ni la vraie prière, qui sont tout autre chose qu’une résignation passive. Jésus laissa les apôtres lutter contre le vent toute la nuit et faire appel à toutes leurs ressources avant d'intervenir personnellement… >>
Source : Zenit.
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[1] à l’époque de la rédaction de l’évangile.
[2] Livre d’Alessandro Manzoni : célèbre roman historique, œuvre emblématique du romantisme italien. Version définitive 1842. [NDB].
00:00 Publié dans Témoignage évangélique | Lien permanent | Tags : christianisme