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11/08/2008

USA-Géorgie-Russie : l'Europe prise au piège ?

Il serait temps que l’Union européenne prenne ses distances          d’avec Washington :


 

  

L’étrange agression de Mikheïl Saakachvili contre les Sud-Ossètes se retourne contre lui. Les forces russes ont riposté : non seulement en entrant en Ossétie du Sud pour chasser l’armée géorgienne, mais en chassant aussi les Géorgiens qui occupaient une portion du territoire abkhaze (autre république indépendantiste et pro-russe). Puis Moscou a lancé des frappes aériennes contre des centres militaires ou pétroliers  en Géorgie même, créant une panique dans l’équipe Saakachvili. Pour faire clair,  le ministre russe des affaires étrangères déclarait hier : « M. Saakachvili n’est plus un partenaire. »

Moscou va-t-elle faire tomber le président géorgien, et rétablir ainsi son influence régionale ?

Mais Washington, de son côté, va-t-elle continuer l’exécution de son plan ? Ce plan US paraît aventuré.

Récapitulons :

Début juillet : en Géorgie, manœuvres militaires américano-géorgiennes. Moscou y voit « des préparatifs de guerre ». Tbilissi dément avec hauteur.

Mi-juillet : Condoleezza Rice vient à Tbilissi s’entretetenir avec M. Saakachvili, créature des Etats-Unis (il a été formé à New York).

8 août : la Géorgie attaque l’Ossétie du Sud (70 000 habitants). Villages rasés par des missiles, prise de Tskhinvali par les blindés géorgiens, etc. Plus de 1600 morts (selon les Ossètes), parmi lesquels une vingtaine de Russes de la force de maintien de la paix trilatérale installée par le traité russo-géorgien de 1992.  Dès les premières heures de l’attaque géorgienne, Washington jette le masque en appelant… les Ossètes à « cesser le combat ».

9 août :  la Russie intervient.  Washington s’en prend directement à Moscou :

a) verbalement, en déclarant que l’intervention russe « affectera durablement les relations russo-américaines » ; les diplomates US à l’ONU menacent la Russie, comme si toute cette affaire n’avait pas été déclenchée par… Saakachvili.

b) concrètement, en lançant d’autres Etats pro-américains dans la bataille : l’Ukraine, qui se met à menacer le port militaire russe de Sébastopol (enclave en Ukraine) ; les pays baltes, qui se livrent à des déclarations hostiles à la Russie.

Et l’Europe ? Elle est coincée. D’une part, elle n’imagine pas d’autre politique étrangère qu’ « euro-atlantique », c’est-à-dire américaine : ce qui la met (bon gré mal gré) dans l’engrenage voulu par Bush en direction du pire. Mais, d’autre part, elle voit bien l’artifice de cet engrenage. Elle comprend (sans oser le dire) que toute cette affaire ne sert que les ambitions géostratégiques des USA, nullement les intérêts européens. Au contraire, l’Europe ne peut que souffrir d’être ainsi prise en otage dans une provocation aux conséquences redoutables.

D’où l’attitude embarrassée de la présidence européenne française. Nicolas Sarkozy envoie (à Tbilissi) Bernard Kouchner et ses grands mots : « arrêter la tuerie… » ; mais il veut se rendre lui-même à Moscou voir Poutine et Medvedev… On sent l’UE angoissée à la perspective de se retrouver en conflit avec la Russie pour le compte de la Maison Blanche.

Benoît XVI, ce week-end, appelait à la cessation immédiate des combats et à la restauration du statu quo ante (les accords de 1992) : une Ossétie du Sud autonome de fait, sous la protection d’une force multilatérale. La Russie s’y résoudra-t-elle ? Ou voudra-t-elle pousser son avantage – un avantage que lui a fourni Saakachvili en attaquant les Ossètes ?

Heureuse surprise : la presse française ne se montre pas aussi entièrement atlantiste qu’on ne l’aurait cru. Le Figaro d’aujourd’hui, par exemple, désigne le responsable de ce drame : Saakachvili.

Celui-ci n’étant qu’une marionnette de la Maison Blanche, on voit à qui le crime profite.

Ou plutôt : devait profiter. Tournera-t-il à la confusion du bushisme, autant que l’affaire d’Irak ou celle d’Afghanistan ?  (Ce ne serait d’ailleurs pas la confusion du seul bushisme : Barack Obama s’est précipité dans le piège géorgien en tenant des propos aussi belliqueux que John Bomber McCain).

 

 

PS/ D’ahuris commentateurs parlent de « retour à la guerre froide ». C’est inepte. La « guerre froide » (ou ce qu’il est convenu d’appeler ainsi) était le produit de deux impérialismes planétaires : celui de l’URSS et celui des USA. L’impérialisme soviétique était le produit d’une idéologie à dimension universelle, dont l’URSS prétendait n’être que la base technique. Cela ne correspond en rien à la Russie d’aujourd’hui, qui n’ambitionne pas de conquérir le monde ; elle défend seulement ses intérêts et veut un rôle sur la scène mondiale. Les USA, eux, ont cru – après 1990 – devenir «l’hyperpuissance » et exercer « le leadership planétaire » ; ce rêve est aujourd’hui en lambeaux*. Mais Bush n’admet pas la réalité.  Mme Rice non plus (son diplôme universitaire est en… soviétologie). Washington voudrait que la Russie de 2008 soit celle des années 1990.  Et  que  le pétrole et le gaz du continent eurasiatique  soient  aux  multinationales  US… Il serait temps que l’Union européenne prenne ses distances d’avec Washington, qui réinvente le capitalisme de guerre.

 

 

 

_____

 

(*) Voir le livre de l’économiste et politologue Jacques Sapir, Le nouveau XXIe siècle (Seuil).

 

Commentaires

URGENT

> Une chose me tarabuste. Les USA n'ont pas les moyens d'un nouveau conflit, surtout avec la Russie qui n'a plus rien à voir avec l'URSS (elle à largement modernisé et réorganisé son armée et son équipement cf les déboires des chars israéliens face aux nouveaux missiles que les Russes avaient fourni au Hesbollah libanais par exemple). Alors, les Américains sont-ils inconscient et naïfs ou cherchent-ils sciemment un conflit majeur pour sortir de la crise financière et économique qui a commencé? Oui, il est urgent pour l'Europe de retrouver son autonomie politique mais aussi culturelle vis-à-vis des USA.

Écrit par : Vf | 11/08/2008

UNE FOIS DE PLUS

> Je souscris à votre analyse. Je crains cependant qu'une fois de plus, l'europe s'aligne sur les E.U.

Écrit par : Sebasto | 11/08/2008

ZAPPING

> Selon 'Libération' de ce matin, "la Russie déstabilise la situation dans tout le Caucase", car le soutien russe à l'indépendantisme ossète et abkhaze pourrait rallumer l'insurrection tchétchène ou ingouche contre Moscou... Argument comique de la part de journalistes français qui tous milité pour l'indépendantisme albanais kosovar. À l'époque c'était la Russie qui mettait l'Ouest en garde en lui disant : "Si vous ôtez le Kosovo à la Serbie pour le donner aux Albanais, vous ouvrez la boîte de Pandore dans le monde entier." Mais nos journalistes ont zappé tout ça de leur esprit.

Écrit par : Ratibor | 11/08/2008

SUPER-ZAPPING

> Pour zapper, ils zappent ! Nous sommes le 11 août, et ils ont déjà oublié par qui la guerre a été déclenchée - le 8 août !

Écrit par : Voss | 11/08/2008

SUPER-ZAPPEUR

> Et Dick Cheney (malgré sa responsabilité effrayante en Irak) qui zappe plus vite que son ombre : "L'agression russe ne doit pas rester sans réponse..." Vas-y donc, Dick, on veut te voir répondre.

Écrit par : Maksoud | 11/08/2008

DEPUIS 2002

> Malgré son antipoutinisme primaire et viscéral, Le Monde ne peut pas masquer toutes les réalités. le numéro daté du 12 août en laisse filtrer quelques-unes. Par exemple celles-ci : "Depuis 2002, Washington entretient une présence militaire en Géorgie. En 2005, des marines et des commandos des forces spéciales y ont stationné."

Écrit par : Michel P. | 11/08/2008

UN NEOCON

> Dans le 'Washington Post', le théoricien neocon Robert Kagan, conseiller de John Mc Cain, écrit :
"Les historiens verront le 8 août 2008 comme un tournant, tout aussi significatif que la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. L'attaque russe contre la Géorgie marque le retour officiel de l'histoire, et d'un style presque XIXe siècle de compétition de grande puissance, assortie de nationalismes virulents, de batailles pour les ressources, de luttes de sphères d'influence et de territoires et même de l'utilisation du pouvoir militaire pour attein,dre des objectifs géopolitiques."
Les neocons ne nous décevront jamais.
Si c'est ça le think tank de la droite américaine !
En effet, qu'est-ce que Bush a fait d'autre en Irak que "l'utilisation du pouvoir militaire pour atteindre des objectifs géopolitiques" ? Et qu'une "bataille pour les ressources" ? Et qu'une "lutte de sphères d'influence" ?
M. Kagan joue les intellos géopolitomachin, comme tous ces pseudo penseurs US qu'ils soient venus de l'extrême gauche ou comme feu Buckley de l'extrême droite. Mais ce qu'il profère avec une gravité risible comme "nouveauté" est nul, puisque s'appliquant aussi bien au passé !
Une chose est au moins vraie là dedans : la leçon russe à Saakachvili (qui s'était cru protégé par l'HyperLeadership) consacre l'écroulement du mirage... des neocons de Washington, genre Kagan, qui nous racontaient - avant et après le 11 septembre - le contraire de ce qu'ils se mettent à nous raconter aujourd'hui !

Écrit par : Tchapaïev | 11/08/2008

QUOI

> Si "l'attaque russe contre la Géorgie" marque une date, alors l'attaque géorgienne contre l'Ossétie, elle marque quoi ?

Écrit par : Kafor | 11/08/2008

DE TOUS LES PEUPLES

> le temps de la prière est plus que venu en ce temps "qui est notre temps" affirme clairement notre dame de tous les peuples!
voici la prière qu'elle nous a enseigné, et voici aussi la correction que Benoit XVI a apporté à cette prière, en spécifiant ce qui peut-être dit en public, où en privé :
"Seigneur Jésus Christ, Fils du Père,
répand à présent ton Esprit sur la terre,
fais habiter l'Esprit Saint dans les coeurs de tous les peuples,
afin qu'ils soient préservés de la CORRUPTION des CALAMITES et de la GUERRE,
que ""la Dame de tous les Peuples", qui fut un jour Marie,
soit notre avocate. Amen"
Benoit XVI a corrigé cette phrase de l'apparition par :"que la bienheureuse Vierge Marie, soit notre avocate."
hier, cher PP, vous nous proposiez quelle voie suivre grace à l'évangile de dimanche; prions donc, la voilà la voie !

Écrit par : jean christian | 11/08/2008

"L'EUROPE ! L'EUROPE !"

> Pour rire (quoique) j'ai retrouvé sur le site de l'INA cette petite perle que personne n'a oublié. Ca ne fait pas avancer le débat, je sais... ça le fait même reculer de 43 ans !
http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&from=tl__ogp_int_parcours&num_notice=1&id_notice=I00012536

Écrit par : sombre héros | 11/08/2008

HELICOPTÈRE

> Avez-vous vu sur LCI la séquence montrant Saakachvili terrorisé par le passage d'un hélicoptère russe ? Il est presque accroupi dans la rue, livide, protégé par ceux de ses gardes du corps qui n'ont pas pris la fuite comme des fous au bruit de l'hélico (on voit leur fuite éperdue). Si après ça les Géorgiens gardent ce personnage...

Écrit par : Paul Tava | 11/08/2008

VIETNAM

> "les diplomates US à l’ONU menacent la Russie, comme si toute cette affaire n’avait pas été déclenchée par… Saakachvili."
> Cela me rappelle une chose que j'avais lue au sujet de la fin de la Guerre du Vietnam.
Les différentes parties (Nord et Sud VN, USA) étaient censées avoir trouvé un accord pour finir le conflit. Chacun était censé se mêler de ses affaires et ne plus intervenir chez l'autre.
Seulement, le Nord ne respecte pas l'accord et attaque le Sud (le balaye, même). Réaction des intellectuels français : une pétition pour que les USA et le Sud-Vietnam cessent leur agression contre le Nord !

Mais bon, comme procédé, rien de neuf. Hitler n'accusait-il pas polonais et juifs d'être responsables de la guerre de 39-45' ?

Écrit par : Jan-Pawel | 11/08/2008

"L'EUROPE..." BIS REPETITA

Cette fois-ci j'espère ne pas me tromper de lien.
L'Europe, où en est-on 43 ans après cette petite phrase ?
http://209.85.129.104/search?q=cache:HqZFBIkXUbEJ:www.ina.fr/archivespourtous/index.php%3Fvue%3Dnotice%26from%3Dfulltext%26num_notice%3D2%26full%3Dcabri%26total_notices%3D3+Charles+de+Gaulle+L%27Europe+cabri&hl=fr&ct=clnk&cd=1&client=safari

Pour moi, l'absence d'Europe au sens noble où je l'entends est une si cruelle déception en même temps qu'une si ardente nécessité. Je me résous difficilement à la voir balkanisée, placardisée, remisée au rang de référence historique, placée en appendice du monde exactement comme la Grèce l'est pour l'Europe.
Pour rester optimiste, je reprendrai le mode actif et je dirai qu'elle se balkanise, elle se placardise, elle se place elle-même en marge.
Il est temps de stopper cette machinerie dépressive.

Écrit par : sombre héros | 12/08/2008

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