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12/08/2008

Contre la Russie, Mikheïl Saakachvili invoque maintenant le « politically correct »

20080812023799521081193[1].jpgEst-il vraiment en position de le faire ?


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Toute guerre est un mal : la guerre russe comme les autres. Mais équilibrons le chœur des médias, qui ont oublié que cette guerre-ci a été déclenchée par M. Saakachvili. Je me permettrais de faire deux observations interrogatives : 

 

1. Le Monde daté d’aujourd’hui veut faire croire que Saakachvili a été attiré dans un piège par Moscou. Mais pas l’ombre d’une preuve à l’appui de cette version... Une autre version (reposant sur des indices) ne serait-elle pas de supposer que Saakachvili a été piégé par Washington, qui l’a laissé croire que l’Ouest l'aiderait à « géorgiser » militairement l’Ossétie du Sud ?  À moins que Bush n’ait carrément monté l’opération avec lui, sans dire que le véritable but était de pousser Moscou à l’erreur, c’est-à-dire à une riposte démesurée à laquelle on aurait pu opposer l’OTAN ? Auquel cas il faudrait conclure que GWB est un fou furieux, capable de fabriquer une guerre Est-Ouest (et de propulser le baril vers les 300 dollars) à trois mois de l’élection présidentielle US... Mais on est réduit aux conjectures pour l’instant.

 

2. Jusqu’à quel point Saakachvili croit-il  ce qu’il raconte ? Hier, il a utlisé  deux  symboles  du  politically  correct. Un symbole visuel : le drapeau européen devant lequel il s’exprimait (bien que l’UE n’encourage guère la candidature géorgienne). Et un symbole verbal : le mot « épuration ethnique », censé déclencher l’arrivée de tous les bombardiers furtifs et de toutes les KFOR. « La Russie nous envahit pour faire une épuration ethnique », a-t-il affirmé. Mais les abracadabras ont des limites. Celui-là se retourne aisément. Jouant aux comparaisons, Moscou peut dire que dans cette affaire :

a) le rôle de Milosevic, fauteur d'épuration ethnique, est plutôt tenu par le nationaliste Saakachvili, envahissant l’Ossétie du Sud pour l’empêcher d’exister séparément de la « mère patrie » géorgienne ;

b) le rôle des Alliés est plutôt tenu par les forces russes : elles sont supérieures aux forces de Saakachvili (comme les forces alliées à celles de Milosevic  lors de la guerre du Kosovo), et elles viennent officiellement au secours d’un petit peuple (les Sud-Ossètes, comme les Kosovars albanais) menacé par un plus grand (les Géorgiens, comme les Serbes).

Evidemment la comparaison est très boîteuse. Mais qui l'a faite le premier ? Saakachvili. Qu'elle lui revienne en boomerang est assez normal. Après tout, c'est lui qui a ouvert le feu...

On va maintenant voir ce que font les Russes. S’ils envahissaient une partie de la Géorgie, comme Saakachvili l’affirme, on sortirait complètement de la comparaison kosovare  - et Saakachvili aurait encore plus tort de l’avoir faite : on serait dans une guerre classique, d’Etat à Etat, menée pour des raisons géopolitiques. A l’ancienne ! Ce serait « le retour de l’histoire », comme dit le neocon américain Kagan, et les théoriciens du « global » seraient bien embarrassés. Va-t-on assister à cela ?

 

 

 

PS/  Contrairement à ce qu’affirme Le Monde, la puissance économique russe en 2008 ne s’explique pas seulement par la hausse des prix du pétrole. Ni par les exportations de matières premières, comme le prétendaient les « experts » américains de la fin des années 1990... Dès mars 1999, la croissance russe atteignait 5,4 %, grâce à des mesures économiques étrangères au néolibéralisme. Puis  d’autres mesures non libérales ont empêché les revenus des exportations  d’aller « atterrir sur quelques comptes secrets des paradis fiscaux », comme le montre Jacques Sapir dans  Le nouveau XXIe siècle (Seuil).  Etc. Ces recettes et leur succès sont-ils la véritable raison de la russophobie des grands médias commerciaux de l’Ouest ?

 

 

Commentaires

KOSOVO ?

> On ne dira jamais assez combien Moscou et Pékin avaient raison dans l'affaire du Kosovo : en imposant l'indépendance de cette province prise à la Serbie, la machine euro-atlantique s'est privée de toute possibilité de s'opposer par exemple à l'indépendance de l'Ossétie du Sud, mais aussi à toutes les revendications d'indépendance partout sur la planète. Je n'ai d'ailleurs toujours pas compris à l'heure actuelle pourquoi il était si important que ça de donner un Etat à la mafia albanaise.

Écrit par : François-Joseph | 12/08/2008

LEUR RELIGION

> > Petite question à M. de Plunkett, que je remercie pour son blog : Les Ossètes sont-ils musulmans, comme je crois avoir lu quelque part sur le oueb ?

Loïc

[ De PP à L. - Aujourd'hui, chrétiens orthodoxes en grande majorité, surtout au Sud - semble-t-il ? Mais de toute façon, la question religieuse ne se pose pas dans le monde "russe", où l'orthodoxie, l'islam et le bouddhisme ont toujours cohabité. La névrose de "choc des civilisations" n'existe que dans l'esprit américain et chez son rejeton tératologique, l'islamisme. ]

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Écrit par : Loïc | 12/08/2008

L'U.E. SE LAISSERA-T-ELLE ENTRAINER ?

> " Les présidents de cinq pays de l'ancienne sphère soviétique --la Pologne, l'Ukraine et les trois Etats baltes-- vont aussi se rendre d'urgence à Tbilissi pour soutenir la Géorgie, selon un conseiller du président polonais Lech Kaczynski.
Le Premier ministre russe Vladimir Poutine s'en est pris avec virulence aux Etats-Unis, accusant Washington de "gêner" les opérations militaires russes en aidant au rapatriement des soldats géorgiens d'Irak. Il a dénoncé le "cynisme" américain et sa "capacité à présenter l'agresseur en victime de l'agression". M. Poutine a comparé les autorités géorgiennes à l'ancien dictateur irakien Saddam Hussein. "

L'U.E. se laissera-t-elle entraîner par ses pays-membres vassaux en réalité des USA (Baltes-Ukraine-Géorgie) dans un conflit qui n'est pas le sien ?

Écrit par : Rico | 12/08/2008

" L'ABSENCE DE CONFLIT...."

> Aux dernières rencontres parlementaires Paix et Défense, le ministre avait indiqué, en substance, que le Livre Blanc se basait (entre autres choses bien sûr) sur une hypothèse qui pouvait paraître plus que raisonnable : l'absence de conflit majeur en Europe d'ici 2020...

Écrit par : Feld | 12/08/2008

UBU

> Saakachvili est un personnage ubuesque. Tout ce qu'il dit depuis le déclenchement des hostilités est faux: les 90 avions russes abattus, la moitié du territoire de la Géorgie occupé, 500 mille Géorgiens chassés d'Abkhasie, le drapeau européen auquel il n'a pas droit. Les chancelleries occidentales le savent très bien. Son immaturité politique est celle des classes dirigeantes de l'ex-bloc soviétique. On l'a vu lors de la guerre d'Irak, nous le voyons dans le cas présent, avec la gesticulation des dirigeants baltes, ukrainiens et du président polonais qui s'est, par le passé, ridiculisé plus d'une fois dans son pays et a beaucoup embarrassé l'UE. Quant à la question religieuse et ethnique, l'Ossétie est composée à 60% d'Ossètes et à 30% de Russes, ils sont en majorité chrétiens orthodoxes, mais il y a une minorité musulmane.

Écrit par : Victor | 12/08/2008

SYMBOLES

> Je suis perplexe. Le Président géorgien utilise deux symboles du "politically correct" ?
Il ne me semble pas stupide de sa part d'essayer d'en appeler aux européens, qui ne me semblent pas devoir se réjouir de voir ainsi la Russie imposer son pouvoir sur tous les anciens satellites de l'ex-URSS.
En outre, vous oubliez que les Russes ne sont pas en reste : dès le 8 août, ils ont accusé les géorgiens de "nettoyage ethnique"
(http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/international/asiepacifique/20080809.FAP9178/la_russie_a_accuse_la_georgie_de_nettoyage_ethnique.html ).
Par ailleurs, où avez-vous vu, de la part de Saakachvili, une comparaison avec le Kosovo ? Faut-il, en outre, se souvenir que la Russie n'est pas spécialement une adepte du droit des peuples à l'auto-détermination ? "Buter les tchétchènes jusque dans les chiottes" n'est pas véritablement une façon de prendre en considération leurs revendications.

koz


( De PP à K. - La Géorgie ne fait pas partie de l'UE : son président n'a aucun titre à arborer le drapeau de l'UE durant ses allocutions télévisées. D'autre part, il a parlé de "nettoyage ethnique": allusion directe au Kosovo, à la Bosnie, etc. Je ne vois pas que l'armée russe ait jamais été impliquée dans un "nettoyage ethnique": on peut lui reprocher bien des choses mais pas ça. (La guerre en Tchétchénie fut très dure mais n'avait rien à voir avec un "nettoyage ethnique"). Enfin il ne faudrait pas oublier que Saakachvili a lancé son armée contre la minuscule Ossétie du Sud afin de la géorgiser par la force des armes ; ça ne vous rappelle rien ?
D'autant que Saakachvili, spécialiste du bourrage d'urnes et du mafiotage politique, haï et méprisé de la moitié de ses propres concitoyens, n'a vraiment rien d'un héros de la vertu démocratique...
Dernier point : si quelqu'un dans cette affaire a voulu écraser le droit d'un peuple à l'autodétermination, c'ets Saakachvili envers les Ossètes. Le fait est là. Il serait malsain de le nier, même si la Russie n'a pas, comme vous le dites, l'humanitaire comme spécialité... ]

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Écrit par : koz | 12/08/2008

2 REMARQUES À PP:

* Votre hypothèse "À moins que Bush n’ait carrément monté l’opération avec lui" est intéressante, mais elle n'a pas plus de preuve que celle du Monde. Si elle était vérifiée, Bush serait vraiment au delà de ce qu'on a pu imaginer.
Mais pourquoi ne pas rester sobre et penser à l'interprétation la plus simple de la guerre classique ?
* Certes comme vous le dites, le choc des civilisations est une théorie d'extrémiste américain ou musulman.
En revanche, dans le cas de la Bosnie ou du Kosovo, il est clair que le conflit a été porté par les intégristes musulmans, au nom du jihad. Et ils ont obtenu gain de cause...

Ludovic

[ De PP à L. :
- Les hypothèses ne sont que des hypothèses, émises au conditionnel, et je souligne que nous en sommes (pour l'instant) aux conjectures faute de disposer d'autre chose que d'indices. Mais ces indices vont tous dans le sens d'une complicité américaine à la source de l'attaque géorgienne du 8 août... Attendons la suite.
- Je ne crois pas au rôle décisif d'intégristes musulmans, ni en Bosnie ni (encore moins) au Kosovo. L'islam bosniaque est très "mou", et la greffe wahhabite n'avait aucune chance de prendre. Quant au Kosovo, il n'y a qu'à regarder Hashim Taçi et l'UCK pour voir à quoi l'on a affaire : l'effrayante mafia albanaise, la plus violente du continent ! C'est du côté de l'économie mafieuse que sont les ressorts de tous ces "Etats" et "mouvements". La religion n'y est quasiment pour rien. Ne soyons pas dupes d'apparences, d'ailleurs plus prégnantes dans nos esprits que là-bas sur le terrain... ]

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Écrit par : Ludovic | 12/08/2008

@ KOZ

> Poutine n'avait pas dit "buter les Tchétchènes", mais "buter les terroristes", ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Aujourd'hui, la Tchétchénie est gouvernée par des Tchétchènes (qui sont d'ailleurs de drôles de gens, mais cela c'est une autre histoire), et c'est bien Poutine qui a mis cette équipe en place.
La politique russe mérite souvent de graves critiques, c'est vrai; raison de plus, sans doute, pour n'en faire qu'à bon escient.
Cordialement

Écrit par : Lukortas | 12/08/2008

MILLIARDAIRES

> Votre commentaire sur les réformes russes est intéressant. Il mériterait d'être développé.
Moscou est la ville qui compte le plus grand nombre de milliardaires (74) devant New-York (71). La fortune moyenne de ces milliardaires est de 2,1 milliards d'euros.
http://www.lefigaro.fr/votrepatrimoine/2008/05/07/05010-20080507ARTFIG00421-les-villes-des-milliardaires.php

Écrit par : Annie | 12/08/2008

À LUKORTAS

> Soit, toutes mes excuses. Mais, êtes-vous certain que Poutine faisait réellement la différence ? A Grozny, par exemple, l'a-t-il faite ? Ou est-ce que finalement, une proportion ahurissante de la population était des terroristes ? Quant à la notion de "terroristes", vous savez qu'elle est bien souvent question de point de vue (pensons à la résistance française, ou irakienne).

Écrit par : koz | 12/08/2008

@ KOZ

> Bien sûr que la notion de terroristes est une question de point de vue! Au moment où il a prononcé la phrase, Poutine faisait référence à la vague d'attentats de l'été 1999, qui a été attribuée justement au terrorisme tchétchène (mais dont les auteurs réels restent inconnus à ce jour). C'était une initiative purement médiatique, destinée à attirer l'attention du public sur un premier ministre d'Eltsine jusqu'alors assez terne. Et ceux qu'il visait était la faction alors au pouvoir en Tchétchénie indépendante. Comme dit P. Tava, la question est très complexe.
Pour en revenir à la situation actuelle, il semble, si les choses continuent comme cela, que la Russie est en train de remporter une brillante victoire, militaire: cela faisait longtemps (depuis 1945, ou j'en oublie?) que les Russes n'avaient pas remporté de succès sur une armée étrangère, et diplomatique: quoi qu'il en soit de l'hypothèse de PdP sur l'implication directe de Bush, c'est de toute façon un échec et même un camouflet pour la diplomatie américaine, qui est prise à son propre piège. (Et la Russie, elle si conquérante et expansionniste dans le passé, apparaît presque à contre-emploi, comme le défenseur des peuples opprimés... Chapeau.)

Écrit par : Lukortas | 12/08/2008

DANS LA PRESSE BRITANNIQUE

> Je viens de lire la presse britannique : le "conservateur" Daily Telegraph et le "progressiste" Guardian. Ce qu'on peut y lire est très différent des articles du Monde ou du Figaro. D'abord, ils ont des correspondants dans les zones de conflit et n'écrivent pas de Moscou ou de Tbilissi, comme les journalistes du Monde qui pourraient aussi bien être à Paris. Le reporter du Telegraph décrit, par exemple, de façon saisissante le vent de panique qui souffle sur l'armée géorgienne à la simple idée d'affronter l'ennemi. Le récit qu'il fait de sa fuite éperdue de Gori, devant un ennemi invisible, car les Russes étaient à deux kilomètres et n'attaquaient pas, est très éloigné et des articles de la presse française, et des fanfaronnades de Saakachvili qui, tel Tartarin, raconte des énormités à longueur de journée. Le journaliste évoque aussi la haine des réfugiés géorgiens pour leur président qu'ils accusent d'être responsable de leur malheur. Il faut s'attendre à des réglements de comptes sanglants à Tbilissi, après la fin des hostilités et de l'union sacrée. A mon avis, une guerre civile n'est pas à exclure, comme celle qui s'est terminée par l'assassinat du premier "président élu" de Géorgie, Gamsakhourdia. Depuis, les deux présidents suivants, Chévarnadzé et Saakachvili, sont arrivés au pouvoir par des coups de force, légalisés ultérieurement à l'aide d'élections douteuses.

Écrit par : Victor | 13/08/2008

LE KOSOVO

> Merci de votre réponse. Concernant le deuxième point, si c'est bien le ressort mafieux qui est prépondérant, alors le fait d'avoir donné l'indépendance au Kosovo est une décision hallucinante. Tout comme celui d'avoir bombardé pour cela la Serbie.

Écrit par : Ludovic | 13/08/2008

COACHES

> Saakachvili ne raconte pas tout à fait n'importe quoi, il récite ce que lui dictent ses "coaches" médias qui sont américains mais également (dit-on) français et proches de certains groupes de presse parisiens. Ce sont ceux-là qui croient qu'il suffit de proférer certaines formules orales magiques ("net-toy-age-eth-nique !" "Af-gha-nis-tan !", etc) pour que la réalité disparaisse, même si elle est grosse comme une montagne. Même si le "nattoyage ethnique" était plutôt le plan géorgien contre les Ossètes !

Écrit par : Flum | 13/08/2008

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