Face au règne des firmes géantes : la lutte des prêtres sud-coréens

Un cas exemplaire :

SEOUL (médias) - <<  Après avoir combattu la junte dans les années 70-80, les prêtres sud-coréens s'attaquent à ce qu'ils considèrent comme le "dictateur économique" du pays: le tout-puissant groupe Samsung, dont ils accusent les plus hautes sphères de faits de corruption.  Vu le poids de Samsung, qui emploie 250.000 personnes à travers une soixantaine d'entreprises dont les ventes représentent près de 20% du produit intérieur brut (PIB) sud-coréen, seuls des hommes de foi croyant en un pouvoir supérieur pouvaient oser s'en prendre au premier conglomérat du pays, soulignent les observateurs. "Personne ne veut être impliqué dans le problème Samsung car le pouvoir de l'entreprise est très grand" en Corée du Sud, explique Chang Seok-man, chercheur à l'Institut coréen pour la religion et la culture, basé à Séoul. Les prêtres "sont peut-être les derniers à pouvoir défier" le groupe.

Depuis octobre, l'Association des prêtres catholiques pour la justice est à l'origine d'une série d'allégations de corruption contre Samsung, qui est notamment accusé d'avoir versé régulièrement des pots de vin provenant de caisses noires à des hauts fonctionnaires, juges et procureurs. Une enquête indépendante sans précédent a été ouverte sur le conglomérat, qui nie les accusations. Des proches collaborateurs du président de la société Lee Kun-hee et son fils unique ont été interrogés. Les enquêteurs ont également perquisitionné les bureaux de Samsung Electronics, fleuron du groupe.

L'association des prêtres, créée en 1974, s'est attirée le respect des Sud-Coréens pour sa lutte contre la dictature de Park Chung-hee et de son successeur Chun Doo-hwan. A cette époque, dans les années 70-80, ses membres ont souvent mené des grèves de la faim et se sont parfois rasé la tête en signe de protestation contre le régime. La cathédrale Myeongdong à Séoul était un sanctuaire pour les dissidents en fuite. En mai 1987, les prêtres ont mis au jour une tentative du gouvernement de dissimuler le décès d'un étudiant militant torturé à mort. Cette révélation, ainsi que la mort d'un autre étudiant, fut à l'origine d'un soulèvement populaire le mois suivant, qui obligea le régime de Chun à accepter d'organiser une élection présidentielle directe, point de départ de la démocratie dans le pays.

"En principe, la religion et la politique devraient être séparés. Mais le christianisme a toujours résisté lorsqu'il y a de l'injustice et de la corruption dans le secteur public", affirme Kim Sang-keun, professeur de théologie à l'université Yonsei de Séoul, évoquant des mouvements similaires dans d'autres pays.

Après la démocratie, l'association, qui regroupe aujourd'hui une soixantaine de prêtres, a oeuvré pour d'autres causes. Elle a appelé à la réconciliation avec la Corée du Nord, à la protection de l'environnement, à la réforme des médias et à mettre fin à l'implication du pays dans la guerre en Irak. Ses positions sont considérées plutôt à gauche, ce qui provoque l'irritation des conservateurs, qui craignent qu'une fragilisation de Samsung n'ébranle l'économie nationale. Lorsque l'association a fait ses révélations sur le conglomérat l'an dernier, des organisations conservatrices catholiques ont publié des communiqués qualifiant ses membres de "faux prêtres".

Ceux-ci rejettent ces critiques. "L'économie ne se porte-t-elle pas mieux si on attrape un voleur?", demande Kim In-hook, un leader de l'association interrogé par l'Associated Press. Le président de Samsung est "un voleur" et "un dictateur économique", assure-t-il. "Nous aspirons à une société où l'équité et l'amour existent", ajoute-t-il. "La justice est la condition de l'amour." >>

Fin de la synthèse de presse sur l'affaire Samsung.