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21/12/2007

D'une communauté qui évangélise dans une grande ville de France

Etablie dans un immeuble-barre de 10 étages, une membre de cette communauté témoigne de sa tâche :


<<  Le 25 novembre,

en la fête du Christ-Roi

 

Chers amis,

Voilà deux mois que je suis partie pour X... Deux mois déjà que j'essaie de me laisser totalement façonner par le Christ. Mais ce n'est pas évident tous les jours de bien vouloir accueillir tout le bonheur que le Seigneur veut pour nous ! La fâcheuse tendance à vouloir maîtriser sa vie revient sans cesse. La prière de Charles de Foucaud devient donc mon « maître-mot » : je la chante, la prononce, espérant m'imprégner petit à petit des paroles qui sont si belles :

m

Mon Père, je m'abandonne à Toi.

Fais de moi ce qu'il Te plaira.

Quoique Tu fasses de moi,

je Te remercie.

Je suis prêt à tout.

J'accepte tout.

Pourvu que Ta volonté se fasse en moi,

en toutes tes créatures.

Je ne désire rien d'autre mon Dieu !


Je remets mon âme entre Tes mains.

Je Te la donne, mon Dieu,

avec tout l'amour de mon coeur,

 parce que je T'aime et que ce m'est

un besoin d'amour de me donner,

de me remettre entre tes mains sans mesure,

avec une infinie confiance,

car Tu es mon Père.

 

Pour vous présenter le « concret de ma mission », plusieurs choses m'ont marquée depuis mon arrivée :

-  D'abord l'accueil. Certaines familles m'avaient vue cet été et savaient que je devais revenir en septembre. Leur accueil a vraiment été très chaleureux et agréable. Je me suis tout de suite sentie acceptée par le quartier. Leur accueil est toujours impressionnant : la majorité de nos voisins étant maghrébins ou africains, ils nous font prendre conscience du manque de chaleur lors de nos invitations, ou d'un passage d'ami ! Les français n'étant cependant pas en reste !!  ni les « anciens » de la Com', et tous ceux qui tournent autour !

- Quelques jours après mon arrivée, je trouve en descendant dans la rue un groupe de femmes, qui discutaient, comme tous les jours. Mais parmi elles, deux pleuraient. Nous nous approchons, et elles nous expliquent que leurs fils ont été emmenés par la police pour une histoire de voitures volées et brûlées. L'une cherchait à innocenter son fils, mais l'autre, lucide, déclarait simplement qu'elle avait tout fait contre, mais que la rue était venue lui arracher son fils. J'ai ce jour là, pris conscience de la difficulté pour les mamans de protéger leurs enfants : souvent serrés dans les appartements, il est normal que les enfants ne restent pas, au delà d'un certain âge, enfermés chez eux alors qu'ils n'y ont pas d'intimité! Mais s'ils sortent pour aller jouer en bas, ils seront vite rattrapés par la violence et la drogue, si proches! Les mamans sont alors dépassées, et ne peuvent souvent plus rien faire !!

 

Cette difficulté m'est apparue plus grande encore lorsque j'ai découvert les appartements minuscules pour certaines familles : en discutant avec une amie (10 ans), F., elle m'a annoncé qu'ils étaient 13 dans le même appartement, qui ne doit avoir que 4 chambres ! En plus des 9  enfants de la famille, et des parents, ils hébergent la grand-mère, et  le   cousin, garçon simple sûrement rejeté par sa propre famille! En apprenant cela, la question de laisser les enfants sortir me paraît plus évidente encore : ils se marcheraient dessus s'ils devaient rester dans la même chambre, et épuiseraient la grand-mère à jouer autour d'elle!!

 

Dans la cité, les mamans ont souvent la vie dure : elles se démènent pour élever leurs enfants qui le leur rendent parfois bien mal.    Elles se privent de beaucoup, s'occupent de la maison (tout est plus compliqué quand on pense aux cafards qui inondent les gaines d'aération, aux 10 étages à monter souvent sans ascenseur...) et elles mènent parfois cela en tandem avec un métier (souvent difficile) pour remplir le portefeuille familial. Les papas ont parfois des métiers très difficiles aussi (de nuit par exemple), mais une bonne partie, sans travail, se laissent aller à un machisme culturel impressionnant, et n'aident pas leur femme, mais leur demandent au contraire d'en faire pour eux également. Certaines ne peuvent même pas sortir de chez elle ...

 

Toutes ces femmes donnent en tout cas une belle leçon de courage ! Elles sont d'ailleurs souvent bien plus fortes que les hommes, et cela se ressent en particulier chez les jeunes : le nombre de garçons faisant des études est très faible parmi les jeunes de la cité. En revanche, les filles s'accrochent bien plus « pour ne pas se retrouver comme leur mère ». Elles arrivent ainsi en bac-pro, voire en BTS. Les garçons, quant à eux, se sont souvent laissés entraîner dans les trafics de drogues et lâchent parfois l'école dès le collège : pourquoi travailler, alors qu'ils gagnent bien plus en faisant le guet, ou en revendant de tout ...

 

Le moral de toute la cité était descendu très bas après plusieurs reportages télévisés sur les cités : notre quartier a bien souvent été choisi pour montrer la dégradation des cités...  Les habitants du quartier s'abattent alors totalement: la colère, tout d'abord, d'être traité ainsi, puis ils acceptent, par résignation. De nombreux travaux étant en cours, la cité reprend un air plus civilisé, et le moral semble remonter petit à petit.

 

Dans toute cette ambiance, nous cherchons donc à vivre l'esprit de communauté. Etant la seule jeune à avoir choisie de vivre ici « à temps plein », la difficulté était de ne pas y être seule. Depuis mon arrivée, G. est toujours là : il vit ici depuis bientôt deux ans, mais cherche à aller s'installer « dans le centre-ville».  B., en formation pour être éducatrice, a débarqué chez nous un peu plus de trois semaines, le temps de trouver également un logement... En décembre, une jeune vivra ici, car elle a un mois de disponible, et souhaiterait l'offrir à la cité. Enfin, T., qui vient depuis trois ans s'occuper du groupe des garçons (à vélo), a annoncé qu'il viendrait s'installer ici. Il arrivera dès que possible (Noël au plus tard) sachant qu'il a un préavis à finir dans l'appartement qu'il occupe actuellement : le Seigneur aura donc veillé sur moi et ne m'aura pas laissé seule à vivre ici, ce qui pouvait paraître compromis en début d'année.

 

Alors que lorsque la communauté s'est installée à X...., le seul but était de vivre avec les plus pauvres, et de prier avec eux ou pour eux, des activités se sont lancés depuis, pour aider les gens du quartier : tutorat scolaire, groupes de jeunes, soutien aux chrétiens de la cité ... et cela prend pas mal de temps ! Nous essayons d'être tout de même en permanence à l'écoute de chacun, mais il est difficile de ne pas tomber dans un sur-activisme permanent ! Nous avons en particulier pour cela besoin de vos prières !

 

Malgré une grande quantité de musulmans dans la cité, les chrétiens ne sont pas en reste.  Nous avons la chance de pouvoir être un peu plus présents auprès d'eux par le biais de la prière : ils viennent à la messe du mardi soir qui est célébrée chez nous, nous prions également chaque jour le chapelet dans une famille, qui peut ainsi nous confier ses intentions, et participons à des après midi de « chrétiens de la cité ». Enfin, un après-midi par mois est organisé pour un temps ensemble : partage de l'Evangile, activités commune malgré les différences d'âge (fabrication d'icônes, de bougies...)  Nous partageons alors de très beaux moments, et admirons toujours leur foi confiante dans le Christ !

 

Chrétiens et musulmans sont en tout cas touchants par cette foi réellement vécue, et présente dans toutes leurs phrases : Si Dieu le permet (Inch'Allah), Dieu est avec nous ... Et l'autre soir, Z..., maman musulmane  de deux garçons que nous suivons pour le soutien scolaire,  a eu une belle parole : « je n'ai jamais trouvé de mot assez fort pour vous remercier; mais je sais que Dieu, Lui, saura vous remercier là-haut ! »

 

Je me rends compte ces jours-ci que j'ai été très protégée jusque-là de la violence environnante. Je rends grâce au Seigneur de m'en avoir préservée, me permettant de me sentir vraiment en sécurité ici ! Depuis deux mois, je n'ai pas assisté à une seule bagarre, je n'ai rien vu de difficile, le seul événement me rappelant que je vivais dans le fameux quartier de X... étant les voitures qui brûlent régulièrement juste derrière chez nous. Je touche aujourd'hui un peu plus la réalité : J'ai appris que d'autres trafics que la drogue (prostitution) que je ne soupçonnais pas, ont lieu juste à côté de chez nous, et mardi, un jeune garçon a été poignardé dans un bus dans la cité juste derrière chez nous (3 min. à pied)! Un règlement de compte entre jeunes, mais qui fait que le quartier a été de nouveau cité aux infos régionales, et que le quartier sera encore un peu plus marginalisé !

 

Voilà, cette première lettre vous donnera peut-être un bref aperçu de la vie de la communauté.   Je vous remercie encore beaucoup de vos dons mais surtout de vos prières, sans lesquelles je ne peux rien.

 

Je vous garde dans mes prières et vous embrasse tous

Que le Seigneur vous bénisse et vous garde  dans Sa Paix!

 

D.

 

 

Commentaires

JE CONFIRME

> Ayant moi-même passé 10 jours dans cette communauté il y a 4 ans, je ne peux que confirmer ce témoignage.
Cet exemple et celui de l'association le Rocher (de la Cté de l'Emmanuel) dans plusieurs cités, que je connais également, montrent que les chrétiens peuvent avoir un rôle considérable dans ces cités, par la prière ET l'action sociale.
Pendant les 10 jours passés là-bas, nous avons passé 2 heures par jour à repeindre la cage d'escalier la plus délabrée de la barre: les premiers besoins des habitants ne sont pas spirituels mais matériels.
Anecdote: nous discutions avec quelques jeunes de la cité, un soir. Rien que cette image de 4-5 jeunes des Yvelines, plutôt issus de familles aisées, discutant avec ces "jeunes"? est incongrue encourageante.
Dans la conversation, aucun d'eux n'était vraiment au naturel, ils jouaient un rôle, se moquaient un peu de nous.
Mais au moment ou nous nous en allions, un d'eux, connu pour être très impliqué dans les trafics de stupéfiantS nous dit « C'est bien ce que vous faites ici, continuez, il faut les sortir les enfants d'ici »
Ces oasis missionnaires sont hélas encore trop rares.
Prions pour que le Seigneur continue à faire jaillir de son peuple des missionnaires de sa Charité pour nos banlieues.

Renaud

Écrit par : Renaud | 21/12/2007

JE SAIS DE QUOI ELLE PARLE

> J'ai grandi dans les "quartiers nord" de Marseille dans les années 60, avant que les cités ne deviennent ce qu'elles sont aujourd'hui...Je sais de quoi parle cette jeune fille. Ne manquons pas à la prière qu'elle nous demande !

Écrit par : cristiana | 21/12/2007

BRAVO

> Bravo à ces communautés qui osent !!
Si selon l'adage du Christ un peu de levain fait lever toute la pâte ( slogan hélas trop souvent répété par ceux qui se contentent d'un nombre de chrétiens réduits à presque rien), alors ceux-ci sont très attendus ! Les témoignages sur la détresse sociale et tout simplement humaine qui existe là-bas montrent un réel besoin d'un christianisme non "dilué" ni accommodé au monde mais qui est plein de sève nouvelle et apporte salut, réconfort, amour, "guérison", aide.
Deo gratias.

Écrit par : Gégé | 21/12/2007

MAGNIFIQUE

> Tout est dit et c'est magnifique. Juste un avis personnel. Pour avoir passé une partie de mon enfance et de ma vie professionnelle dans ces "quartiers", je pense qu'y travailler et y évangéliser est une oeuvre de célibataire. Il faut s'y engager à fond, totalement et pour cela il faut être libre de toutes charges personnelles, notament affectives et familiales. C'est prenant, voire envahissant et la fatigue morale et nerveuse importante. Pour une famille, c'est une charge difficile. De plus, je ne pense pas que l'on puisse imposer à ses enfants un choix de vie qui est un choix personnel d'adulte. C'est un monde dur et les situations que l'on y rencontre sont lourdes, voire tragiques. Je précise une dernière chose: je parle de célibat, pas de solitude. Il faut être en communauté sinon c'est le suicide assuré.

Écrit par : VF | 21/12/2007

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