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22/12/2007

Dimanche d'avant Noël : convertir "toutes les nations"

Problèmes de lecture des textes aujourd'hui :


 

 

Quatrième dimanche de l’Avent. Paul aux Romains (1,5-6) : « Nous avons reçu de lui grâce et mission d’apôtre afin d’amener à l’obéissance de la foi toutes les nations païennes dont vous faites partie, vous aussi que Jésus-Christ a appelés. » Ce texte fait écho aux autres lectures de ce jour : « Le Seigneur lui-même vous donnera un signe… » (Isaïe 7,14) ; « voici que la Vierge* concevra et elle mettra au monde un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit par : Dieu-avec-nous » (Matthieu 1,23).

 

Le verset 5 de la lettre aux Romains pose-t-il  la question du relativisme, soulevée par la Note sur l’évangélisation (ce blog, 17-18-19.12) ? L’idée « d’amener à l’obéissance de la foi » choque beaucoup de gens aujourd’hui. Certains laissent entendre que cette idée contredit le christianisme, qui repose sur le libre engagement.

 

Mais y a-t-il vraiment contradiction ?

 

Paul n’en voit aucune. Dans sa pensée, l’obéissance n’est pas la condition mais le fruit de la conversion. Dans le langage des deux Alliances, « obéissance » a pris le sens de « confiance » : la confiance de celui qui se sait aimé. Se savoir aimé de Dieu est la découverte de celui qui a entendu et compris l’évangile, pourvu qu’on le lui ait vraiment communiqué. C’est cela, l’évangélisation.

 

 

_____

(*)   On bute aujourd’hui sur une querelle de mots. Matthieu cite Isaïe en écrivant « la vierge » ; mais la traduction officielle française d’Isaïe – depuis trente ans – fait dire au prophète : « la jeune femme ». Matthieu déforme-t-il Isaïe ? Un certain nombre de textes catholiques parapastoraux ont l’air de le sous-entendre. (Sans doute par légitime attachement au dialogue avec les rabbins). Or c’est un faux problème. En effet, les sources juives elles-mêmes indiquent une polysémie du mot almah employé par le texte hébreu d’Isaïe. Ce mot ne veut pas dire seulement : « la jeune femme ». Il veut dire : « la nubile » (traduction Chouraqui). Et la Septante (version grecque de la Bible) traduit carrément par « la vierge » ! Or la Septante a été établie par des savants juifs, très longtemps avant les évangiles… Pourquoi nos interlocuteurs juifs s’offusqueraient-ils d’une traduction qui était déjà dans la Septante ? Et pourquoi des exégètes catholiques s’en offusquent-ils (c’est le monde à l’envers), alors que la traduction de la Septante montre comment des lecteurs juifs interprétaient ce passage d’Isaïe bien avant le Christ ?

 

Commentaires

LE SIGNE

> Dans la traduction "la jeune femme enfantera" où est le "signe" (au sens de "mystérieux, miraculeux, remarquable") ? Une jeune femme qui enfante, c'est ce qui arrive tous les jours, c'est dans l'ordre des choses. Bien sûr c'est chaque fois un événement unique, extraordinaire pour l'intéressée, mais ce n'est pas un "signe" à la face du monde.
Seule la traduction "la vierge" donne tout son sens au texte d'Isaïe. Mais ce "signe" est en même temps caché : il passe inaperçu et n'est découvert que dans la foi et la méditation.

Écrit par : Michel B. | 22/12/2007

CONFIANCE, ECOUTE

> Je partage votre point de vue sur le sens qu’il convient ici de donner au mot « obéissance » ; il n’est pas loin de signifier « confiance ».

Le mot grec qu’emploie saint Paul au verset 5 du premier chapitre de l’épître aux Romains est : υπακοη, un substantif dérivé du verbe : υπ-ακουω.

Dans un sens dérivé, le verbe υπ-ακουω signifie, certes : « obéir ». Mais son premier sens, que l’on comprend, d’ailleurs, de son étymologie, n’est pas sans retenir l’attention. Ce premier sens est : «écouter en baissant la tête ». Le monde grec l’employait, semble-t-il, lorsqu’il voulait parler d’une personne qui prêtait l’oreille, un portier, par exemple, mettant la main à l’oreille avant d’ouvrir.

Écrit par : Sophrone | 22/12/2007

LA JEUNE FILLE OU LA VIERGE

@ la note (*)

> Je suis pleinement d'accord avec vous, mais la difficulté vient du fait que les juifs, et à leur suite les protestants, ne reconnaissent que la Bible hébraïque, alors que nous autres catholiques, et avec nous les orthodoxes, suivons la Bible des Septante.
Le problème subséquent de différence de traduction se retrouve ailleurs, notamment dans la fixation du Canon des Ecritures et le rejet par les juifs (et les protestants) des livres (ou des passages) dits deutérocanoniques.
Ce n'est pas sans importance ; ainsi la foi en la résurrection des morts émerge clairement dans le deuxième Livre des Maccabées (2 M 7, 9), qui ne figure que dans la Bible grecque des Septante.

MG


[ De PP à MG - Certes, mais cela ne change rien au fait que "almah" a plusieurs sens et n'impose pas celui de "jeune femme", ainsi que le montre Chouraqui. Il est un peu dérisoire de voir des commentateurs catholiques tenter de se montrer plus "juif" que Chouraqui, qui sait, lui, de quoi il parle. ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Michel de Guibert | 22/12/2007

> Pardonnez-moi d`aller hors du thème proposé,
mais je voudrais vous signaler un nouveau site fort intéressant :

http://www.h2onews.org/index.php?lang=fr§ion=

Joyeux Noël à tous!

Écrit par : Luisa | 22/12/2007

QUAND

> Merci pour cette note. Certains catholiques veulent tellement être acceptés, compris, par les autres religions (dont principalement le judaïsme et l'islam) qu'ils n'hésitent pas à "gommer" tout ce qui pourrait déplaire ! Quand comprendront-ils que l'on peut affirmer clairement sa foi - et ses différences - et en même temps respecter les autres croyances ?

Écrit par : Flore | 22/12/2007

http://www.h2onews.org/index.php?lang=fr§ion=

J`ai constaté que le le link ne marchait pas j`essaye à nouveau!

Écrit par : Luisa | 22/12/2007

NUBILE ET VIERGE

@ PP

D'après votre note, Chouraqui traduirait Isaïe 7, 14 (cité par Matthieu 1, 23) par "la nubile", ce qui ne signifie pas "vierge" mais seulement "jeune fille en âge d'être mariée".

Plus probante pour notre discussion me paraît l'interprétation des traducteurs juifs de la Septante qui, au IIème siècle avant Jésus Christ, interprétaient eux-mêmes cette prophétie d'Isaïe comme celle d'une conception virginale du Messie.
Matthieu ne fait que citer la prophétie en reprenant le mot grec de la Septante "παρθένος" (parthénos), qui signifie bien "vierge".

Il me semble que l'on a ici l'illustration d'un dévoilement progressif de la Révélation dans la Bible, et que l'on aurait grand tort de ne pas considérer avec attention la traduction des LXX.

Écrit par : Michel de Guibert | 22/12/2007

SENS DES MOTS

> Le vrai sens d'un texte répond à chaque nuance de chaque traduction. L'interprétation littérale est une erreur. Ne faut-il pas dépasser la lettre pour trouver l'esprit ? C'est le débat de Jésus et des Pharisiens. Les nuances exposées perdent beaucoup de leur intérêt quand on considère que les jeunes femmes étaient supposées être vierges jusqu'au mariage. Ne faut-il pas voir dans cette querelle de mots le témoignage d'une misogynie persistante propre à la classe bourgeoise, considérant la femme comme un accessoire ? Ce qui existe toujours. Il suffit de lire le statut de la femme mariée dans le code civil de 1804 et de savoir qu'il a fallu attendre les années 1970 pour que la femme s'émancipe pour comprendre combien l'image de la Vierge peut déranger des consciences où la femme s'efface devant l'homme.

La difficulté que semble poser à nos contemporains le mot "obéissance" vient de l'évolution de son sens.

Le sens de Paul - comme celui du Christ quand il dit "je me donne" - traduit une obéissance consentie, et non contrainte. Il s'agit d'un don, bien faible en échange de ce que l'on reçoit, qui comme le souligne justement Patrice, est de se sentir "aimé de Dieu". Le matérialisme dominant rend cela incompréhensible. Il empêche de voir - ou de ressentir - la meilleure part : celui qui donne, ne donne finalement qu'un peu, mais reçoit beaucoup.

Ce rejet de l'obéissance vient de son sens moderne, lequel renvoi aujourd'hui au rapport de force, au marchandage et à la soumission. Tel est le fonctionnement de la société moderne bâtie sur la loi du marché et la contrainte. La guerre d'Irak en est une illustration. La confusion qui s'installe entre l'ordre et la justice en France témoigne de la proximité du phénomène.

Écrit par : Qwyzyx | 23/12/2007

@ Qwyzyx

> Je ne vois pas pourquoi les discussions exégétiques devraient céder le pas devant des explications sociologiques sur la misogynie vraie ou supposée de la bourgeoisie du XIXème siècle !
Ce serait vraiment se priver de bien des lumières que de refuser d'entrer dans le cheminement du peuple élu tel que nous le révèle la Bible, cette pédagogie divine préparant son peuple qui se traduit par une Révélation progressive jusqu'à la plénitude de la Révélation en Jésus-Christ.
Je signalais ainsi l'intérêt du 2ème Livre des Maccabées pour l'émergence d'une foi plus clairement affirmée des Juifs en la résurrection des morts (2 M 7, 9-14), et on ne peut que regretter que les Juifs d'aujourd'hui, à quelques exceptions près, ne regardent guère les livres dits deutérocanoniques.
A cet égard, la traduction grecque d'Isaïe 7, 14 dans la Septante me paraît intéressante, car elle traduit l'interprétation des traducteurs juifs du IIème siècle avant J.C. ...

Écrit par : Michel de Guibert | 23/12/2007

@ Michel de Guibert

> Il n'y a pas à ce que l'exégèse cède le pas à quoi que ce soit, même si la misogynie, loin d'être un présupposé, est une réalité prise en compte par le législateur actuel quand la religion chrétienne émancipa et protégea la femme romaine (en consacrant le consentement nuptial mutuel) et la femme médiévale (par la création de la dot).

On ne peut pas penser le judaïsme de façon monolithique. Il n'y a pas eu qu'une seule pensée juive. Il suffit de relever les différents courants du judaïsme à l'époque du Christ qui comptait parmi ses disciples des sympathisants esséniens ou zélotes. Il faut donc replacer les traductions par rapport aux courants et aux groupes, et il ne s'agit pas de sociologie.

Joyeux Noël à vous,

Très cordialement

Écrit par : Qwyzyx | 24/12/2007

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