Che Guevara, histoire d'un mythe

"De tu querida presencia..."

9 octobre 1967 : Ernesto Che Guevara, 39 ans, est abattu dans l’école d’un hameau de Bolivie par un sergent nommé Mario Teran. Il avait été capturé la veille avec les restes de son « maquis ». C’était l’échec complet de sa théorie des « foyers » révolutionnaires. Vingt ans après, la chute de l’URSS enterrera les ruines du léninisme. Pourtant, un culte du Che va naître, à partir de deux icônes et d’un cantique. L’une des images est celle de son cadavre, barbu, chevelu, les yeux grands ouverts, entouré des soldats qui viennent de le tuer. L’autre est la célébrissime photo de 1960 (Alexandre Korda) : le Che, de face, avec son béret noir à étoile rouge...

Le cantique sera la très belle chanson lancinante de Carlos Puebla, Hasta siempre :

Aquí se queda la clara,

La entrañable transparencia

De tu querida presencia,

Comandante Che Guevara.

 

Plus tard, les historiens mettront au jour la cruauté froide du Che et  son mépris de l’humain ; mais ces caractéristiques ne lui étaient pas réservées : tous les « révolu-tionnaires professionnels » du léninisme depuis le début du XX^e siècle en étaient plus ou moins porteurs, ça allait avec le métier  – et la vision du monde.*

Aujourd’hui, la question devient : pourquoi le culte du Che persiste-t-il, et avec quelle ampleur ! Toutes les radios, toutes les télés, toute la presse célèbrent le  40^e anniversaire de son exécution. Nos médias oublient que Fidel est devenu leur bête noire, et montrent les cérémonies commémoratives de La Havane. On parle de nouveau de « rêve disparu », etc.  Quel rêve, puisque nos médias adhèrent en bloc à la vision hypercapitaliste ? Il y a là quelque chose d’incohérent, que l’on retrouve lorsque les mêmes médias nous parlent des « théologiens de la libération » (dont ils ignorent tout, mais qui leur servent à brocarder Benoît XVI).

Les millions de t-shirts et de posters à l’effigie du Che qui se vendent sur les cinq continents, surtout en Europe, donnent un élément de réponse. Cette icône de la révolution est devenue un gadget de la société marchande : « DolChe & Guevara » (Dolce & Gabbana), ironise le fils de vingt ans d’un de mes amis. Ceci prouve la prodigieuse capacité du système capitaliste à tout phagocyter et métaboliser, y compris ce qui semble être son contraire ; la messe d’hypermarché des dominicains de Nimègue en donne un autre exemple (ma note d’hier).

Mais n’y a-t-il que cela ? Parmi la foule des jeunes qui arborent la photo de 1960, n’y en a-t-il pas qui invoquent le Che comme un mythe ? Le mythe d’un « autre » univers, celui de l’héroïsme individuel tendu vers une utopie ? «Le droit au romantisme, à l'aventure et au vagabondage » (Paco Taibo) ? Auquel cas il y aurait un germe rebelle au sein même du Guevara-business planétaire ? Ce n’est pas impossible. Même si l’on sait que le Guevara mythique n’eut pas grand-chose à voir avec le Guevara réel ; mais c’est le cas  tous les mythes politiques.

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(*)  Le véritable révolutionnaire doit être "une machine à tuer" (Che Guevara, Message à la Tricontinentale).

 

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