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03/10/2007

Alexis II à Paris – Entre orthodoxes et catholiques, une nouvelle convergence

...sur le terrain du "social" :


Je l’ai dit à 7 h au journal de Radio Notre-Dame : on est frappé d’une convergence nouvelle entre l’Eglise orthodoxe russe et l’Eglise catholique, sur un terrain où les Occidentaux n’attendaient pas les Orientaux : celui du social. Dans son discours de Strasbourg*, le patriarche Alexis II a mis l’accent sur les conséquences du capitalisme-casino qui régente l’Est et l’Ouest : « la fracture entre les riches et les pauvres », « la situation indigente de millions d’honnêtes travailleurs qui côtoient le luxe inouï et le gaspillage de quelques-uns ». « L’homme doit rester un homme et non une marchandise », a souligné Alexis II.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les critiques portées par  le  patriarche  contre les idoles occidentales d’aujourd’hui : le « relativisme dans les moeurs », mais aussi le laïcisme qui prétend au monopole « en Europe et dans le monde ». Car l’un et l’autre sont des effets du matérialisme mercantile : le relativisme  de  masse  est  un  effet  récent,  et  le  laïcisme  est  une  idéologie  ancienne mais recyclée et dopée par la « pensée » marchande. (Celle-ci élimine tous les freins psychologiques à l’hyperconsommation : et la foi chrétienne est l'un de ces freins).

Jusqu’ici les chroniqueurs religieux parisiens nous répétaient que le « spiritualisme » orthodoxe russe, « coupé des réalités économiques et sociales », divergeait d’avec « l’Eglise de Vatican II ».  Ils  ne  pourront  plus le dire**.

Ils ne pourront plus, en outre, accuser l’orthodoxie russe d’être inféodée au pouvoir politique par « sa théologie confondant Dieu et César ». Il faut lire le livre de l’Eglise orthodoxe russe qui vient de paraître (au Cerf) sous le titre :  Les fondements de la doctrine sociale.   L’Eglise russe y condamne  « les théories qui réduisent la foi à un aspect de l’identité nationale » !  Et elle proclame le droit « de refuser l’obéissance à l’Etat » si celui-ci contraint les chrétiens à « accomplir des œuvres dangereuses pour l’âme ».

Autant dire que les orthodoxes et les catholiques vont pouvoir « unir leurs efforts et travailler ensemble »***, comme le disait le patriarche hier à la cathédrale catholique de Strasbourg.

Les chrétiens de l’Ouest ont à apprendre des chrétiens de Russie, sur bien des plans. La beauté de la liturgie, par exemple. Mais aussi la façon de cohabiter avec d’autres religions dans « une société multi-culturelle », ce qui exige des valeurs morales solides et partageables : ce « code de conscience » qui est « un potentiel créateur inépuisable » pour la vie publique autant que pour la vie privée, disait Alexis II devant l’Assemblée parlementaire européenne...

C’est un bonheur et un espoir. J’espère pouvoir le dire de vive voix ce soir au chef de l’Eglise russe.

 

____

(*)  texte publié hier sur ce blog.

(**)  Leur silence sera plus décent, quand on sait par ailleurs leur allégeance au néolibéralisme !

(***) Les propos d’Alexis II devraient aider à réfléchir certains ex-catholiques européens qui se veulent orthodoxes et surenchérissent sur des griefs remontant au Schisme…  Leur zèle amer ne va pas dans le sens oecuménique.  Mais je n’insiste pas.

 

 

 

Commentaires

L'HOMME DEBOUT

> Toutes ces considérations sur la visite d'Alexis II et surtout son allocution à Strasbourg font re-naître chez moi des images vécues grâce à mon épouse orthodoxe. J'ai le souvenir d'un prêtre russe dans une paroisse orthodoxe, rappelant à l'ordre les fidèles non russes (roumains, Bulgares ...) pour qu'ils se tiennent DEBOUT. Il leur martelait (non sans autorité) que le chrétien se tient debout devant son Dieu. Cette contrainte de la liturgie orthodoxe, certes un peu dure, ne reflète-t-elle pas une différence entre la vision de l'homme chez les orthodoxes et les catholiques ? Les propos d'Alexis II sur l'homme sont exemplaires. Qu'en pensez-vous ?

Frédéric Ripoll


[De PP à FR - Je ne me permettrai pas d'émettre un jugement de valeur sur les propos du patriarche. Je constate simplement, avec bonheur, que "les deux poumons de la chrétienté" respirent à l'unisson, ce qui est anatomiquement normal !]

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Écrit par : Frédéric RIPOLL | 03/10/2007

@ Frédéric Ripoll

> Oui, la position debout est l’attitude liturgique la plus fondamentale et la plus usuelle dans la célébration de l’Eucharistie, elle est même la règle dans les Eglises d’Orient qui ne connaissent pas de chaises ni de prie-Dieu dans leurs églises (comme c’était aussi semble-t-il le cas dans nos églises et nos cathédrales depuis la primitive Eglise jusqu’à l’époque médiévale).
L’attitude de l’homme debout a un fondement capital fortement souligné déjà par les Pères, comme notamment Saint Irénée (IIe siècle) et Saint Basile (IVe siècle) : c’est l’attitude de l’homme ressuscité, de l’homme relevé, à l’image du Christ auquel nous sommes conformés par le baptême (par lequel, plongés dans la mort et la Résurrection du Christ, nous sommes libérés du péché et de la mort) ; c’est aussi l’attitude des élus au ciel qui “se tiennent debout devant le Trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main” (Apocalypse 7, 9 ; 15, 2).
C’est déjà l’attitude des Juifs célébrant la Pâque, “les reins ceints, les sandales aux pieds et le bâton à la main” (Exode 12, 11).
Le Concile de Nicée (325) l’avait prescrit, interdisant de s’agenouiller pendant la Cinquantaine pascale et le jour du Seigneur, la célébration dominicale étant la célébration pascale par excellence puisque c’est la Résurrection que nous célébrons tous les dimanches !
C’est l’attitude requise pour les louanges et les acclamations (Gloria, Alleluia, Préface, Sanctus, Anamnèse), pour la proclamation de l’Evangile, pour la profession de foi (Credo), pour les oraisons (prière d’ouverture, prière sur les offrandes, prière après la communion) et les intercessions (prière universelle), et c’est aussi l’attitude qui convient pour la prière eucharistique dominicale.

Écrit par : Michel de Guibert | 03/10/2007

INSISTANCE

> Merci pour votre insistance sur la visite d' Alexis II. C'est sur votre blog que j'ai pris conscience de cette nouvelle configuration des choses...les alliances nouvelles, etc.
Dans cette note, vous avez poussé plus loin que d'habitude votre affirmation, et je prends conscience de ce qui est peut-être la divergence que j'ai avec vous et qui en explique quelques petites autres:
non, je ne crois pas que le relativisme et la crise intellectuelle et morale que nous vivons soit d'abord un effet du matérialisme mercantile, de la "pensée marchande", etc...il me semble que vous accordez trop d' importance à ce facteur, une sorte de primat des causes à l'économie, ou à un refus du social, ou à un égoïsme économique?...ce matérialisme mercantile ( l'expression est excellente) serait plutôt l'un des effets ( avec un côté accélérateur-exponentiel, certes) d' une crise qui remonte plus haut dans les motivations humaines, là où la connexion de la décision sur la foi, sur "l'option fondamentale" ( Saint Thomas), de la décision de céder à la sensualité, etc. se fait....je souligne juste ce point de votre pensée,exprimé aujourd'hui; je me permettrais d'essayer de mieux m'expliquer plus tard si vous le permettez...
Je crois que vous exagérez l' importance de ce facteur, en tout cas.

Vicenzo


[De PP à V. - Je l'exagérerais si j'en faisais la cause unique. Evidemment ce n'est pas le cas : le chrétien sait que les structures sont l'effet de l'action humaine, laquelle est sujette au péché. Mais l'accumulation finit par engendrer des "structures de péché", notion théologique nouvelle, très importante, et qui est à la base d'une saine théologie de la libération (cf textes de J. Ratzinger). C'est le cas du matérialisme mercantile, notion introduite par Jean-Paul II ! Refuser d'en tenir compte, ce serait refuser de comprendre la société actuelle ! Pourquoi s'y refuser ? Parce que nous n'aurions pas "envie" de parler comme des gens de gauche sur tel ou tel point ? Mais pourquoi nous y refuserions-nous ? Ce qui est vrai est vrai.]

Cette réponse s'adresse au commenatire

Écrit par : Vicenzo | 03/10/2007

EN MILIEU HOSTILE

> Les chrétiens de l'Ouest peuvent aussi s'inspirer de l'esprit de résistance de leurs frères (et soeurs) russes qui ont su conserver et transmettre leur foi dans un milieu hostile. En milieu hostile, la résistance peut-être militante, mais tout le monde n'en a pas la force. Elle peut aussi être souterraine et rester efficace.

Écrit par : Elisabeth | 03/10/2007

INSISTANCE

> Peut-être qu'une récente affirmation de Benoît XVI à Mariazell peut éclairer ce que cherche Vicenzo et ce que je cherchais moi-même dans une récente intervention, à savoir un fondement plus radical que le matérialisme mercantile à la crise intellectuelle et morale de l'Occident. Voici ce que disait le pape: « De fait, notre foi s'oppose radicalement à la résignation qui considère l'homme incapable de vérité, comme si elle était trop grande pour lui. Cette résignation face à la vérité est le centre de la crise de l'Occident, de l'Europe. S'il n'existe pas une vérité pour l'homme, alors il ne peut distinguer entre le bien et le mal. … ».

[De PP à P. - Bien sûr. En amont des "structures de péché" (le carcan du matérialisme mercantile avec sa cause : l'hypertrophie de l'économique), il y a la nature humaine blessée par le péché. Nous sommes d'accord. Mais ces deux niveaux ne s'opposent pas : au contraire, le plus originel explique l'autre. Nier le rôle de la structure de péché, reviendrait à dire par exemple que la persécution des chrétiens de Russie sous Lénine et Staline n'était pas de la faute du régime politique, mais qu'il fallait chercher "une cause plus radicale" ! Comparaison objective : le matérialisme mercantile cherche à éradiquer la foi religieuse comme le matérialisme soviétique le cherchait, et pour la même raison : la foi freine la mise en oeuvre du système artificiel que l'on veut imposer à l'homme... Si l'on veut dire ensuite que ces deux formes successives de matérialisme, celui de l'Ouest après celui de l'Est, ont leur cause profonde dans le péché originel qui pousse à fuir la vérité, certes. Mais tout cela va ensemble. Ne disjoignons pas ce qui est lié.
Sur le plan historique : la chute de la foi chrétienne en Europe occidentale coïncide exactement avec le triomphe de la vision matérialiste mercantile du monde, à la fin du XXe siècle. Ce n'est pas un hasard. Il y a eu d'autres vagues de déchristianisation dans le passé (1793, cf. analyses de Jean de Viguerie p. ex.), mais celle-ci est bel et bien la nôtre, celle de notre temps, l'âge du Veau d'or. Je ne vois pas comment on pourrait ne pas prendre cela en compte.]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Pierre | 05/10/2007

> Michel de Guibert a écrit :

"Oui, la position debout est l’attitude liturgique la plus fondamentale et la plus usuelle dans la célébration de l’Eucharistie (...) et c’est aussi l’attitude qui convient pour la prière eucharistique dominicale."

Vous donnez dans l'archéologie liturgique. La tradition latine implique de se mettre à genoux durant la prière eucharistique, au moins au moment solennel de la consécration. C'est ce que prescrivent encore les rubriques aujourd'hui.
Dans "L'esprit de la liturgie", l'ex-cardinal Ratzinger n'hésitait pas à écrire : "une liturgie qui ne connaîtrait plus l'agenouillement serait intrinsèquement malade" (p. 153. Tout le développement est à lire).
A lire aussi l'ouvrage du Père Sinoir aux éditions Téqui "La prière à genoux dans l'Ecriture Sainte".

Cordialement en Jésus +,

- VR -

Écrit par : VexillumRegis | 10/10/2007

A Vexillum Regis

> L'accusation de donner dans l'archéologie liturgique est devenue classique dès lors qu'on cherche à remonter aux sources pour examiner le bien-fondé de telle ou telle tradition et retrouver le sens de la grande Tradition au-delà des rubriques.
Je ne dis pas que la position à genoux n'a aucune justification, je dis que se tenir debout est l'attitude normale du chrétien ressuscité.
L’agenouillement trouve sa justification dans la fin de l’hymne paulinienne (Philippiens 2, 10) : “afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse et toute langue proclame”, et revêt une double signification.
C’est une attitude d’humilité et de pénitence au début de la messe lorsque l’on se reconnaît pécheur en disant le Confiteor (“Je confesse à Dieu”) ou avant la communion lorsque l’on dit la prière du centurion (“Seigneur je ne suis pas digne”), ou encore une attitude de prière et de supplication intense, comme dans la grande prière universelle du Vendredi Saint ou dans les litanies.
Et c’est aussi une attitude de respect devant l’autel et d’adoration devant le Corps du Christ, pendant la consécration, les épiclèses ou la doxologie qui conclut la prière eucharistique, ainsi qu’au moment de communier.
C’est encore l’attitude qui convient pour recevoir la bénédiction.
La génuflexion peut être remplacée par une inclination profonde, qui a un sens analogue.
Mais je maintiens que la position debout est l’attitude de l’homme ressuscité, de l’homme relevé, à l’image du Christ auquel nous sommes conformés par le baptême.

Écrit par : Michel de Guibert | 11/10/2007

DEBOUT

Merci vf pour votre mot amical ; vous pouvez retrouver quelques articles sur la liturgie à la page "documentation"
sur le site internet de notre chorale liturgique :
http://scholasaintmartin.free.fr/

Je ne saurais vous dire de façon précise à quel moment s'est perdue cette position debout (dans notre Eglise catholique latine, car cela n'a pas été le cas dans les Eglises orthodoxes).
Dans l’Eglise ancienne, il était interdit de se mettre à genoux le dimanche, jour de la résurrection, comme l’atteste encore saint Augustin : "Nous prions debout parce que c’est un signe de résurrection."
Je suppose que ce doit être au cours du Moyen-Age, vers le XIIIème siècle, quand, les communions étant devenues de moins en moins fréquentes (au point qu'il a fallu rendre obligatoire la communion pascale une fois l'an au moins), l'adoration et le désir de "voir l'hostie" a pris le pas sur la communion et le désir de recevoir, de "manger" le Corps du Christ.
Cela a dû se renforcer sous l'influence du Concile de Trente pour affirmer, face à la Réforme, la foi en la présence réelle dans l'Eucharistie.
Mais cela reste à vérifier.
On notera que certains grands ordres monastiques qui ont gardé quelques éléments liturgiques du temps de leur fondation, ne font toujours pas de génuflexion, pour la simple raison que leur fondation est antérieure à l’introduction de la génuflexion dans la liturgie.

Écrit par : Michel de Guibert | 11/10/2007

DEBOUT

> Cher M de Guibert, c'est encore moi. Je trouve très interessante votre citation sur le concile de Nicée. je ne connaissais pas ce canon qui enjoignait à rester debout et je trouve votre analyse passionnante. L'homme ressuscité est debout car relevé par le Christ... Vous avez raison. Jésus ne dit-il pas à Lazare de sortir du tombeau? Et il sort debout! Cela repose la question de la tradition. Jusqu'où remonte-t-on? Qu'est-ce qui est traditionnel et qu'est-ce qui ne l'est pas? Efface-t-on plusieurs décennies voire plusieurs siècles de pratique car on vient de découvrir quelque chose qui change la donne? Une question qui me vient à l'esprit: comment as-t-on perdu cette position debout?

Écrit par : vf | 11/10/2007

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