01/10/2007
Benoît XVI, pape social : encyclique en vue ! Et ça va perturber à droite et à gauche...
Surprise à la fois pour les « conservateurs »* et les « progressistes »** : Benoît XVI est de plus en plus social. Non au sens archaïsant, mais au sens vrai : économique et planétaire. Ce dimanche 30 septembre, le pape a proposé une lecture « sociale » de Luc 16, 19-31 : la parabole du pauvre souffrant et du riche inconscient, qui se damne pour avoir refusé de voir les douleurs à sa porte. Benoît XVI a cité l’encyclique de Paul VI Populorum progressio (« les peuples de la faim interpellent aujourd’hui les peuples de l’opulence »), en rappelant l’objectif de la doctrine sociale de l’Eglise dans cette encyclique : « Construire un monde où tout homme… puisse vivre une vie pleinement humaine… où le pauvre Lazare puisse s’asseoir à la même table que le riche. » Ouvrons les yeux : la destination universelle des biens de la planète, ce n’est pas de l’abominable ‘mondialisme’, c’est la pensée de l’Eglise ! Et Benoît XVI a évoqué, une nouvelle fois, la situation « déjà critique sur le plan de l’environnement » qui aggrave encore les urgences humanitaires dans différentes régions du monde.
Ainsi le pape nous appelle à cesser de préférer, les uns « la doctrine », les autres « le social », et à ne plus opposer ces deux termes indissociables. Socialement révolutionnaires parce que théologiquement traditionnels, c’est-à-dire intégraux*** : voilà une attitude « catholique », ce qui signifie (étymologique-ment) totale et complète.
Le mot « révolution » n'est pas de moi. C'est Benoît XVI aux JMJ qui a parlé de la « seule révolution possible, celle de Dieu » : l'homme acceptant de laisser sa confiance en Dieu mettre en cause certains de ses intérêts économiques. Surtout quand ces intérêts touchent au superflu. Et quand ils sont garantis par l'injustice...
Le cardinal Bertone nous a prévenus en juillet : Benoît XVI prépare une encyclique sociale. La « bande des vautrés » – comme dit Amos dans la première lecture de ce dimanche – s’apprête à ne pas applaudir et à nous expliquer que l’Eglise ferait mieux de laisser l’économie aux salles de marchés. D’autres, au contraire, attendent l’encyclique avec allégresse. Nous en sommes.
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(*) Qu’on ne me dise pas que ce terme fait partie d’un « vocabulaire dialectique de gauche » : il y a des catholiques français de droite qui se donnent ce qualificatif. Comme disait un prince 1900, « conservateur » est pourtant un mot qui commence mal. (Sauf en américain, bien sûr ; ce qui exerce une séduction sur les acculturés).
(**) Qu’on ne me dise pas non plus que le mot « progressiste » n’est plus de saison. La presse officielle française l’emploie, et les intéressés s'y reconnaissent.
(***) ce qui est le contraire d’« intégristes ». Les catholiques « intégristes » font le tri dans la pensée de l’Eglise et enterrent ce qui déplaît à leurs préjugés de milieu. Les catholiques « intégraux » adhèrent à l’ensemble de cette pensée et abandonnent leurs préjugés.
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PS / Que les schizophrènes très pieux et très ultralibéraux à la fois s'abstiennent de me bombarder de mails ironisant sur la doctrine sociale. Un peu moins de Lépante et de Mont Saint-Michel, s.v.p., et un peu plus d'ouverture à la pensée de l'Eglise - si vous tenez tellement à vous dire catholiques.
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00:00 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Benoît XVI, social, nord-sud, développement, environnement, catholicisme
Commentaires
> Une idée de la période de sortie ?
Ca va faire très mal ? ;-)
Écrit par : koz | 01/10/2007
BLOOMBERG
> Mais les ultralibéraux sont incorrigibles. Voilà le financier-maire de NY, Michael Bloomberg (qui devrait pourtant savoir de quoi il parle), qui vient devant le congrès conservateur anglais, à Blackpool, annoncer que la crise actuelle va devenir récession mondiale, et ça pour quelle raison, gentlemen ? Pas parce que les banques prêtent à n'importe quelles conditions, ni parce que la spéculation mondiale s'hystérise ; non, c'est parce que les Etats ne donnent pas ENCORE assez de liberté aux marchés financiers !!! Parce qu'ils n'ont pas ENCORE assez dérégulé !!! Et parce qu'il n'y a pas ENCORE assez de gains de productivité (comprendre : de licenciements) dans les entreprises !!!
On ne sait même plus quoi dire... C'est un sujet pour Moore. Ou Loach, puisque ça s'est dit en Angleterre.
Felipe
[De PP à F. - J'ai lu la dépêche. Le plus beau est que Bloomberg déclare : "Etre conservateur aujourd'hui, c'est se préparer à la récession". Récession provoquée par les délires du système que les amis de M. Bloomberg, et leurs équivalents dans l'ensemble du monde atlantique, ont installlé à la fin du XXe siècle ! Ils s'intitulent "conservateurs". Mais conservateurs DE QUOI ? Leur système est au contraire la déstabilisation de tout, l'arasement de tout, pour que les flux financiers fous puissent balayer le monde. Alors : comment des Français, des Européens, attachés aux biens fragiles et vitaux de leur civilisation, peuvent-ils tomber dans le piège de ce mot ("conservatism") qui véhicule exactement le contraire d'une "conservation" ? Oui vraiment, un mot qui commence mal. Décolonisez-vous la tête, messieurs-dames. Trouvez un qualificatif qui ne soit pas de la fausse monnaie.]
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Écrit par : Felipe D. | 01/10/2007
BOOM
> Un ultralibéral qui se dit "conservateur", c'est un pilote de bombardier qui dirait : "Je fais de l'architecture."
Écrit par : Photiadès | 01/10/2007
PEUPLE
> "Quand ils mangent leur pain, ils mangent mon peuple,
Dieu jamais ils ne L'invoquent" [Psm ... ]
Sauf erreur c'est la traduction liturgique 'officielle'.
A comparer peut-être à celle d'André Chouraqui.
Écrit par : Gérald | 01/10/2007
POURQUOI LEPANTE
> Juste une question cher Patrice, pourquoi vos allusions à Lepante (la bataille?) et au mont Saint Michel? Je ne vois pas le rapport avec l'ultra-libéralisme. Désolé pour le XV au trèfle. Il s'est fait dévoré par le puma et nous, on va prendre une trempe par les Blacks.
VF
[De PP à VF - Lépante et le MtSM ? Parce qu'on trouve sur le web des conformistes genre business school drapés dans un catholicisme réduit à la morale et aux symboles du passé. Leur absence de cohérence devient lassante. Rien ne les oblige à se dire catholiques ; mais s'ils le font, alors qu'ils le fassent loyalement, c'est-à-dire complètement et sur tous les plans. Sinon, guignols.]
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Écrit par : VF | 01/10/2007
À CHACUN DE CHOISIR
> J'applaudis à la revivification de la Doctirne sociale de l'Eglise (Cf. le compendium réalisé par le conseil pontificla Justic et Paix).
Benoît XVI, par cette nouvelle encyclique, obligera ainsi ceux qui ne font que l'évoquer dans leurs discours à faire vraiment du social et aux autres de devoir assumer leur égoïsme.
A chacun de choisir sa posture et d'en assumer les obligations et les conséquences. L'Eglise est génante par ce qu'elle bouscule les impostures.
A VF : la grande incertitude du sport fait que tout est possible. Et le sport n'est pas de la politique n'en déplaise à certain. Avec les Blacks, la défaite est normale, mais je ne serai pas étonné qu'ils soient battus. Ils l'ont déjà été. Allez les petits ! Qu'ils s'amusent, prennent du plaisir à jouer et nous en donne à les voir. Peu importe le résultat. Si le match est beau, le souvenir le sera aussi.
Écrit par : Qwyzyx | 05/10/2007
Voilà qui est très juste !
> L'Eglise française est toute entière en prise avec cette bicéphalie, entre matérialisme et puritanisme. Les vieux prêtres qui rétrécissent la liturgie et disent la morale à leurs ouailles comme à des enfants, font face aux familles arc-boutés sur une tradition vidée de toute signification, sur un spiritualisme passif.
Bien sûr, c'est une caricature, mais on y reconnaît là tout de même la réalité de l'Eglise de France. Comme il nous y a habitué, Benoit XVI touche une nouvelle fois les problèmes centraux du catholicisme occidentale.
Écrit par : Quentin | 06/10/2007
A Qwyzyx:
> le sport n'est pas la politique, vous faites bien de le signaler. Trop de gens l'oublient ces derniers temps. Malheureusement, le rugby est rentré dans le domaine du business-spectacle. Dommage.Quant à battre les Black, ils sont vraiment impressionnants cette année. On l'a déjà fait mais cela va être dur. Allez, que le meilleur gagne et que le match soit beau. Et une pensée au défunt R.Couderc.
Écrit par : vf | 06/10/2007
LE DEBAT
> Je me réjouis de voir notre Saint Père, à la pensée si riche et si profonde, aborder ces questions graves et difficiles.
A mon sens, ce genre de débats mélange plusieurs choses :
Ce que l'église catholique condamne, c'est l'individualisme et le matérialisme, et non la liberté économique.
Le rôle accru de l'Etat n'est nullement une garantie contre le matérialisme. Pour croire le contraire, il faut n'avoir jamais entendu deux fonctionnaires discuter avec rage et passion une minuscule augmentation barémique ou comparer la taille de leurs logements de fonction.
L'Etat tout comme le marché se révèle désastreux si ses acteurs sont privés de morale.
Pour avoir moi-même créé ma propre petite entreprise après avoir exercé des fonctions diverses dans les secteurs public et privé, je crois profondément que l'exercice d'une activité économique peut être une occasion unique d'écoute des autres, de découverte de soi-même et d'approfondissement spirituel.
Le tout dépend de la manière dont l'activité est exercée et ses profits utilisés. C'est là que l'effort est à faire, et il se situe au plan individuel.
Ne nous voilons pas la face : la réglementation est bien souvent inefficace, car elle interdit les choses les plus normales aux petits tout en permettant tout aux plus forts, qui peuvent se payer les meilleurs cabinets d'avocats et financer les partis politiques.
L'inégalité matérielle substistera toujours, même si chacun a le devoir d'aider les plus démunis.
Mais il existe une égalité bien plus forte : celle devant Dieu, l'inégalité métaphysique qui corrige et redresse l'inégalité matérielle, celle qui rend Saint Benoit Labre, mourant pauvre clochard à Rome infiniment supérieur au riche Cardinal de Bernis, à la même époque ambassadeur du roi de France dans cette même ville, celle qui fait mourir le roi Louis XIII dans les bras de Saint Vincent de Paul, né dans une obscure bergerie des Landes, celle qui asseoit l'infinie grandeur d'un Saint François d'Assise.
Egalité infiniment plus riche et plus profonde que tous les programmes bureaucratiques établis par des partageux paperassiers, plus matérialistes que le monde qu'ils entendent guérir.
En bradant notre riche vision eschatologique du monde pour vouloir, comme certains, déborder les trotskystes par la gauche, je ne crois pas, bien au contraire, que nous ferons avancer le royaume du Christ.
Écrit par : furgole | 09/10/2007
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