06/09/2007
Mère Teresa et sa "nuit obscure" : réponse à un lecteur qui récuse la possibilité du doute
...ce qui revient à zapper une bonne partie de la théologie et des vies de mystiques :
Sûr de lui à un point inquiétant, un lecteur nous envoie un commentaire pour morigéner Mère Teresa. Il récuse la possibilité du doute dans la vie spirituelle. Un autre lecteur lui répond qu’il confond le doute-scepticisme et l’impression d'une absence (inexistence) de Dieu dans notre vie.
Cette impression, le Christ lui-même ne la ressent-il pas durant sa Passion, au moment du « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Je me permets de citer ici le P. Marie-Joseph Nicolas, o.p.* :
<< Les autres saints imitent et reproduisent la passion du Christ. Marie, c’est avec le Christ lui-même qu’elle souffre et qu’elle s’offre. De quoi souffre-t-elle sinon de ce que souffre Jésus, et aussi de le perdre humainement ? Bien plus qu’humainement… Sans doute a-t-elle l’impression de le perdre en tant même qu’il est son Dieu. Ici sans doute, atteignons-nous le fond même des choses. Lorsque Jésus a dit, peut-être murmuré seulement : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », il faut bien penser que la lumière inextinguible de son âme ne l’a pas empêché de ressentir, en lui-même, dans son être humain, l’impression d’être abandonné par le Père, de sa propre Divinité. Et Marie a entendu cela ! Ce qu’il y a d’épreuves dans la foi, elle l’a certes connu depuis le début, d’une manière tout à fait exemplaire. Mais voici, certes, le comble. IL faut qu’elle partage cette impression de total abandon, « cette nuit plus obscure qu’aucun mystique, aucun pécheur n’ait connu » (Jean-Paul II). Et c’est alors, dit saint Bonaventure, que « la foi de toute l’Eglise se réfugia dans son cœur… Ce qui retentit en elle à jamais, c’est le « Entre tes mains, Seigneur, je remets mon esprit ». >>
Moralité, à l’usage de notre lecteur anti-Teresa : quand on commence à confondre « foi » (surnaturelle) et « conviction » (humaine), on se met à dire que le « vrai croyant » est le croyant le plus bétonné. On tombe ainsi dans ce que l’Eglise rejette sous le nom d’intégrisme, et qui n’est plus du christianisme.
Le christianisme est la seule religion dont on sort si l’on essaie de s’y enfermer…
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(*) Court traité de théologie, Desclée 1990.
Lire aussi les intéressantes et émouvantes réflexions de Soeur Emmanuelle au sujet de Mère Teresa :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-951484,...
08:50 Publié dans Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Mère teresa, foi, christianisme, catholicisme, intégrisme
Commentaires
Qui n'a jamais douté?
> Combien de fois, après la consécration, il m'est arrivé de me dire: "est-ce vraiment le Corps du Christ que tu tiens entre tes mains?". Le démon instille le doute pour troubler nos âmes, mais le Seigneur peut s'en servir pour justement raffermir notre foi !
Si un confrère me tenait les propos de votre lecteur, je me garderais bien de lui envoyer des fidèles en direction!
Écrit par : unpretre | 06/09/2007
> Merci pour cet extrait limpide de théologie. Merci aussi pour votre dernière phrase que je trouve assez lumineuse et qui vaut bien des discours sur l'intégrisme.
Écrit par : Lennob | 06/09/2007
JEAN DE LA CROIX
> Lisez ou relisez "la nuit obscure" de Saint Jean de la Croix. Il est vrai, la mystique n'est plus à la mode. On l'a délaissée au profit d'un psychologisme sans substance.
Je plains sincèrement votre lecteur.
Écrit par : escouloubre | 06/09/2007
BERNANOS
> Si je paraphrasais Bernanos ("L'espérance, c'est le désespoir surmonté"), je dirai : "La foi, c'ets le doute surmonté". J'ai bien aimé votre fine remarque finale : "Le christianisme est la seule religion dont on sort si l’on essaie de s’y enfermer…"
Écrit par : Michel de Guibert | 06/09/2007
LA VRAIE PHRASE
> A propos de la fameuse phrase de Mère Térésa "Je serai la sainte des ténèbres" répétée à satiété dans presque tous les médias, j'ai trouvé ceci sur Internet. La phrase complète serait :
«Si un jour je deviens une sainte, je serai sûrement celle des «ténèbres», je serai continuellement absente du Paradis pour allumer la lumière de ceux qui sont dans l'obscurité sur terre.» Bien différent, non ?
Écrit par : Flore | 06/09/2007
> Très belle conclusion. Je la garde pour la méditer.
Écrit par : Qwyzyx | 06/09/2007
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