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02/02/2007

L’évolution, Darwin et « les chrétiens » : un peu de clarté et ne mélangeons pas tout, svp

Une dépêche du 2 février crée la confusion :


 

 

Extraits de la dépêche (AFP) :

 

<<  Un livre réfutant au nom du Coran le darwinisme et la théorie de l'évolution, L’Atlas de la création, a été massivement envoyé dans les établissements de l'Education nationale, laquelle a demandé qu'il ne soit pas mis dans les mains des élèves. Cet ouvrage envoyé il y a une dizaine de jours, "ne correspond pas au contenu des programmes établis par le ministre de l'Education".  [...]

L'Atlas de la création est l'oeuvre d'un prédicateur islamiste turc, Harun Yahya […] Son livre entend démontrer sur 770 pages, luxueusement illustrées, que l'homme est inchangé depuis sa création et que les espèces animales sont également immuables. Il cite le Coran à l'appui de sa démonstration.

Interrogé vendredi, le recteur de la Mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman (CFCM) Dalil Boubakeur répond catégoriquement que la théorie de l'évolution "n'est pas contraire au Coran". Il juge "pernicieuse" l'argumentation de Harun Yahya : "Il essaie de démontrer que les espèces sont restées fixes, avec des photos à l'appui, mais il n'explique pas les diparitions de certaines espèces ni l'apparition d'autres espèces".

Le recteur Boubakeur se dit "convaincu que l'évolution est un fait scientifique" et que "l'homme a évolué à partir de sa prise de conscience de l'existence de Dieu". Il ajoute que certains versets du Coran évoquent clairement une "évolution cyclique" de l'homme.

Le créationnisme est né chez les chrétiens au XIXe siècle, justement pour réfuter les travaux de Darwin. Ceux-ci, rappelant que selon la génèse Dieu a créé l'univers en une semaine, soutenaient que toute autre hypothèse était contraire à la Bible, donc à la religion.

[…] L'Eglise catholique a longtemps été nettement défavorable au "transformisme" (l'ancienne appellation du créationnisme) sans toutefois le condamner ouvertement. Elle a refusé son imprimatur au jésuite-paléontologue Pierre Teilhard de Chardin qui dans les années 50 avait travaillé sur le lien entre spiritualité et évolution. Il a fallu attendre 1996 pour que le pape Jean-paul II reconnaisse que les théories de Darwin sont "plus qu'une hypothèse". Et l'évolution fait aujourd'hui partie des programmes scolaires dans les écoles catholiques.. . >>

 

 

 

Commentaire

 

 

Cette dépêche est une soupe d’erreurs :

 

>  La phrase sur le créationnisme « né chez les chrétiens au XIXe siècle » n’a aucun sens. Les chrétiens, comme avant eux les juifs, ont toujours professé que l’univers est créé : qu’il a eu un début et qu’il aura une fin. Thèse que l’astrophysique moderne admet comme son hypothèse de travail, soit dit en passant. 

 

>  L’Eglise catholique ne croit pas que la «semaine » du livre de la Genèse soit autre chose qu’une image. Elle enseigne que la Création est un acte permanent du Créateur faisant exister l’univers  - et non une sorte d’opération initiale et limitée.

 

>  Si la phrase en question veut parler de l'attitude des fondamentalistes protestants US, alors ce «créationnisme »-  n’est pas le fait « des » chrétiens, mais « de » chrétiens, qui prennent le récit de la Genèse pour un exposé scientifique, et avec lesquels l’Eglise catholique n’est pas d’accord.

 

> Si Teilhard de Chardin a eu des démêlés avec Rome, ce n’est pas parce qu’il adoptait la théorie de l’Evolution, mais à cause de certains aspects de la synthèse mystique et théologique qu’il en tirait. Cette mystique et cette théologie font du reste horreur aux matérialistes d’aujourd’hui...

 

>  ...qui accusent de "teilhardisme" certains paléontologues actuels !  Selon les accusateurs (Le Monde par exemple), Teilhard serait le précurseur de la théorie qui croit voir une « intention »  - une direction intelligente – à l’œuvre dans certains déclics de l’évolution...  Cette théorie est considéré aujourd’hui comme un délit. Car être évolutionniste ne suffit pas : il faut adhérer à la théorie de « l’Evolution due au hasard », sinon vous êtes suspect.

 

>  Pourquoi l’Eglise a-t-elle attendu Jean-Paul II pour se prononcer sur la théorie de l’Evolution ?  Non à cause de l’Evolution en elle-même (parfaitement compatible avec l’idée de la Création), mais à cause des extrapolations idéologiques redoutables auxquelles le darwinisme a donné lieu dès ses débuts.*

 

Comme quoi rien n’est simple, mais tout peut être mis en lumière à condition de travailler sérieusement. Ce que les agences ne font pas toujours.

 

_____________

(*)  Faut-il rappeler que le « social-darwinisme », qui apparut dès 1890, fut la matrice de l’hitlérisme ?  (Ceux que la question intéresse peuvent par exemple aller consulter sur Wikipédia la notice consacrée à l’anthropologue Vacher de Lapouge). 

"Jaurès veut réagir en dressant la barrière du rationalisme contre l'exaltation de l'inconscient. Et s'il écrit une thèse sur La réalité du monde sensible, c'est précisément pour faire face à ce courant où l'on voit renaître les idées racistes de Gobineau (Essai sur l'inégalité des races humaines, 1855, réédité en 1884), et où l'on applique aux sociétés le darwinisme : les meilleurs l'emportent, malheur aux vaincus, victimes des lois naturelles, explique le darwinisme social. C'est tout le bloc d'idées légué par la Révolution française et les philosophes du XVIIIe siècle - ce bloc auquel Jaurès se réfère sans cesse - parce qu'il fonde la démocratie et la République, qui se trouve mis en cause par Barrès, par Georges Sorel, et que des savants tentent de justifier." (Max Gallo, Le grand Jaurès, Laffont 1984).

Où l'on découvre que le darwinisme n'est pas franchement républicain, et que l'Eglise n'était pas la seule à s'en méfier !  On constate aussi que  le même darwinisme est devenu, aujourd'hui, le dogme de notre postdémocratie ultralibérale. C'est à méditer. J'y reviendrai.

 

 

 

 

Commentaires

RELIGION LAIQUE

> Ce qui m’a frappé dans la représentation que j’ai eue par les radios sur cette « affaire », c’est l’impression que l’on s’attaquait au dogme de la religion laïque. Les premières infos parlaient d’un livre distribué à des professeurs sans dire qu’un musulman turc en était à l’origine, ce qui montrait du doigt tous les opposants aussi bien catholiques que musulmans.
Or il me semble que ce qu’on enseigne dans les écoles actuellement (mais je me trompe peut-être vu que cela date un peu pour moi) relève plus d’une vision très dogmatique voire intégriste de la théorie de l’évolution plutôt que de dire que les espèces évoluent en laissant la possibilité de dire que ces espèces aient été créées.
Que les espèces puissent évoluer, cela peut s’admettre sans difficulté. En revanche que l’on nous explique avec beaucoup de sérieux que notre grand-père commun est un poisson à quatre nageoires ressemblant de très loin à des débuts de pattes, poisson dont on vient de retrouver un exemplaire dans les profondeurs de la mer du côté de Madagascar, il y a un fossé voire un précipice entre ces deux positions. Et quand on vous explique qu’on a retrouvé le père de l’humanité en Afrique à tel endroit, qu’il a vécu il y a je ne sais combien de 10 000 milliers d’années en en donnant un nombre assez précis, avec encore beaucoup d’autres précisions, je trouve qu’il y a là beaucoup d’orgueil. Et bien évidemment silence total sur quelque Créateur que ce soit dont l’intelligence éclate pourtant à tout observateur un peu lucide et humble de la merveille inouïe de la Création.
C’est cela qui m’a frappé : cette intolérance et cette dictature de la pensée de nos ministres. Oui, la théorie de Darwin est discutable, oui, cela crève les yeux, comme le constatait Voltaire qu’une intelligence supérieure a créé notre monde et de quel droit notre état nous imposerait sa façon de pensée, sa religion laïque. Je sais que ce n’est pas nouveau mais ce n’est pas une raison pour s’y habituer.
Et merci encore pour cette remarquable analyse.

Écrit par : o le Pivain | 03/02/2007

LE PECHE ORIGINEL

> En tout cas, Le Monde semble obsédé par ce "créationnisme" ou "néo-créationnisme". Régulièrement ils pondent des articles s'attaquant qui à des scientifiques, qui à des protestants évangéliques d'outre-Atlantique. Mais ils n'oublient jamais de s'en prendre à l'Eglise (alors même qu'aucun catholique ne serait mêlé à l'histoire en question). Mais on peut douter sérieusement de leur fameux hasard organisateur.
Une question: qu'en est-il actuellement de la vision teilhardienne du péché originel? Est-elle recevable? Le père Martelet la fait sienne; pourtant je reste dubitatif. Dans cette perspective, le mal ne devient-il pas nécessaire?

B.

(De PP à B. :

- La question du péché originel est redoutablement complexe. Les théologiens continuent à travailler dessus ! (Du moins ceux qui veulent rester fidèles au message du Christ ; car il y en a d'autres, dont l'idée implicite serait d'aligner l'Eglise sur l'idéologie contemporaine 'déculpabilisatrice'. Mais sont-ils encore des théologiens ?).

Une hypothèse intéressante est celle de Mgr Léonard, évêque de Namur : elle "consiste à ne pas situer le premier péché à l'intérieur du temps présent, et à renoncer à identifier Adam et Eve avec les premiers hominidés. Positivement, cette hypothèse revient à placer Adam et Eve dans un monde préternaturel réel, mais ne coîncidant pas avec l'univers actuel, un peu comme nous situons le Nouvel Adam ressuscité et la Nouvelle Eve glorifiée dans un monde nouveau réel, mais ne recouvrant pas notre cosmos présent. La condition préternaturelle de l'homme ainsi que le passage de l'harmonie primordiale à la déchéance actielle, deviennent alors "pensables" sans naïveté, même s'ils cessent, par définition, d'être 'représentables' ou 'imaginables'..."

(in André Léonard, "Les raisons de croire", Communio Fayard 1987).

A l'inverse, feu Claude Tresmontant (excellent en d'autres domaines) abonde à l'excès dans le sens d'un teilhardisme "dur" en évacuant le péché originel. Dans cette optique, la rédemption n'en est plus une ; le Christ vient simplement apporter à l'humanité une sorte de "complément d'information génétique" décisif, qui enclenche un saut qualitatif brusque...
Théologie très courte, voire carrément hérétique. Mais on pardonne C.T. en raison de ce qu'il a écrit par ailleurs. ]

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Écrit par : Blaise | 04/02/2007

" UN PAIEN "

> Moi je veux bien que des chrétiens (catholiques) refusent d'admettre l'évolution. Mais alors ils contredisent le Vatican : l'évolution est "plus qu'une hypothèse", a dit Jean-Paul II. Donc voilà des catholiques en désaccord avec leur pape. Vous me direz : ils ont l'habitude depuis des siècles. C'est vrai. Le catholique français est un païen avec son petit autel domestique où il pose ses dieux lares et ses statuettes d'ancêtres, et qui rêve au passé national, qu'il ne connaît que par des mythes qui font rigoler les historiens.
F.

[De PP à F. - Vous y allez fort. L'aile vivante du catholicisme français ne ressemble pas à la caricature que vous faites.]

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Écrit par : Fulup | 05/02/2007

> Complètement absurde! Personne ici ne s'en est pris à l'évolutionnisme.

Écrit par : Blaise | 05/02/2007

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