Les blogs : " Non, on n'arrêtera pas leur multiplication"...

...réplique Sylvain Attal (photo)

à Jean-Pierre Elkabbach !  

Je suis bien d'accord avec Attal :

 

 

 

Dans Le Monde du 6 janvier, le journaliste et blogueur  Sylvain Attal (France 24) riposte à l'article publié dans le même journal le 4 janvier par Jean-Pierre Elkabbach. Il s'agit de "l'avenir du métier de journaliste à l'ère du Web participatif".

Elkabbach s'associait aux nervosités de la presse quotidienne face à l'explosion des blogs.

Attal lui répond : "Qu'on le veuille ou non, le temps où une petite élite journalistique décidait de ce qui se dit et ne se dit pas, et de qui a le droit de le dire, est déjà révolu."

Sylvain Attal a raison. Je le dis en tant que porteur d'une carte de presse. Ce métier a dégénéré en ultra-conformisme, et ce conformisme fait dépérir la presse  "nationale"  (parisienne).  Les journalistes se sont dotés d'une sorte d'idéologie de caste, commune à la plupart des salles de rédaction : cette uniformisation a produit un effet de grisaille qui a enlevé beaucoup de son intérêt à la lecture des journaux.  L'idéologie médiatique n'étant pas partagée par tout le monde dans la société civile (tant s'en faut), un fossé s'est creusé entre les médias et leur public :  situation  qui  explique  en  grande  partie  la chute des ventes.

Ce fourvoiement prive la presse parisienne du droit de prétendre "décider de ce qui se dit et ne se dit pas, et de qui a le droit de le dire".

Sylvain Attal le souligne : "L'une des raisons pour lesquelles la France compte un tel nombre de blogs - et probablement davantage qu'aux Etats-Unis si on le rapporte au nombre d'habitants - s'explique par la déception des citoyens vis-à-vis des médias dominants. Davantage  que  d'une  évolution  du  journalisme, il s'agit plutôt d'un retour aux sources, avec des moyens artisanaux. Les blogs permettent, pour un coût quasi nul, de s'adresser à un large public devant lequel notre responsabilité personnelle est engagée. Sur Internet, comme chacun le sait,  le  'pire'  côtoie  le meilleur. Mais, après tout, ce n'est pas le privilège des blogs !"

En effet : la presse quotidienne parisienne est devenue la plus creuse d'Europe, parce que la plus auto-censurée (en fonction de son idéologie de caste). Donc la moins intéressante...  Ses ventes chutent plus vite depuis que l'accès direct aux dépêches d'agence est ouvert aux internautes : ils n'ont pas tardé à voir que ces dépêches sont souvent plus complètes, plus piquantes, plus instructives, que  les papiers  des  grands quotidiens. (A  l'exception  de  ceux  du Parisien,  de  La Croix  et de  Libération, qui   - dans des genres différents -  apportent souvent des matériaux originaux). 

La vacuité de la presse "nationale" française est maintenue connue de tous : "Il faut parfois aller chercher dans des journaux étrangers des informations sur notre propre vie politique !", constate Attal.  (Et la vie politique n'est pas le seul domaine où sévit le caviardage parisien).  Attal ajoute : "C'est ce que le public reproche aux journalistes français en se tournant vers Internet, où il a l'impression qu'en tout cas, même s'il peut être abusé, on ne lui cache rien.  A lui d'apprendre à faire le tri, ou à qui s'adresser pour l'aider à le faire."

Donc  la presse écrite (et les grandes chaînes TV) doivent renoncer à prétendre s'annexer la blogosphère en décernant une "appellation journalistique contrôlée".  Contrôlée "par qui ?",  demande Attal à juste titre : par les multinationales propriétaires de groupes de presse ? 

Signe des temps : la presse parisienne actuelle, si fière de son esprit de club  libéral-libertaire, voudrait étouffer la liberté des blogs.  Une liberté emblématique du nouveau siècle !

 

P.P.