Le cardinal Lustiger : " Soyez inventifs et à contre-courant ! "

Un entretien dans Famille chrétienne du 9 septembre : le cardinal parle de la situation du catholicisme français, et de la nouvelle évangélisation...

 

 

Cet entretien est à lire intégralement dans l'hebdo familial catholique. Extraits :

 

> «  Certes, les chrétiens convaincus sont loin d'avoir disparu : mais, peu nombreux, ils sont souvent isolés. Il n'y a pas encore de réponse, de parole commune assez forte, à destination de ceux qui se déclarent encore chrétiens, afin qu'ils découvrent ce que cela signifie  [1]... »

 

> «  La foi ne s'entretient pas comme la fidélité à une marque de lessive. On ne maintient pas des habitudes religieuses comme on maintient des habitudes d'hygiène. Car la foi repose sur l'engagement des consciences. Celui-ci suppose un "travail intérieur", tant chez celui qui annonce l'Evangile que chez celui qui le reçoit. Ce travail est d'autant plus difficile que notre civilisation est éprouvée par les tentations fondamentales de l'homme face au mystère de Dieu : ce que saint Jean appelle "la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et la confiance orgueilleuse dans les biens" (1 Jn  2, 16). A quoi s'ajoute en notre époque cette autre épreuve de la raison humaine qu'est l'athéisme.  La charité donnée par Dieu au chrétien lui permet d'affronter ces tentations, cette épreuve... »

 

> «  Dans notre civilisation où règne  ‘'l'opinion’’   médiatisée, avec en particulier la généralisation des images,  de la télé, etc, il est très difficile de penser différemment des opinions régnantes. Depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on a voulu assurer la présence des chrétiens dans le mouvement de la société française, en s’adaptant à ce que vivaient et pensaient la majorité des gens. Mais peut-être a-t-on alors oublié quel était le socle de la vie chrétienne.   Il ne demeure que si on en vit et si on le fait vivre… On pourrait comparer la vie de l’Eglise en France à celle d’une famille qui s’engagerait totalement dans une activité sociale et qui oublierait, avec la vie de la famille, de transmettre le message de la foi à ses enfants… »

 

> « L’Eglise n’agit pas comme une entreprise qui se reconvertit en sélectionnant ses produits ou en réorganisant ses marchés… Certes, les débats du Concile étaient marqués par la problématique des années 50-60, particulièrement dans les pays d’Europe occidentale. Mais en lisant aujourd’hui ses textes, à quarante ans de distance, nous y découvrons une richesse et une profondeur que ne mesuraient peut-être pas les Pères qui les ont votés. Dieu leur a permis d’élaborer pour nous cette reprise fondamentale de l’ensemble de la vie chrétienne…  [Ces] textes sont là, non comme un compromis dans les débats des années 50, mais comme un trésor offert pour l’avenir de l’Eglise, trésor dont elle sort des choses nouvelles et anciennes selon la parole du Seigneur (Mt 13,32)… »

 

> « Les chrétiens, dans les années qui viennent, devront avoir le courage d’être à contre-courant… Contrairement à ce que beaucoup pensaient naïvement, il y a trente ans, le progrès de l’Eglise ne consiste pas à s’adapter à la société telle qu’elle devient, mais à lui apporter la force de l’Evangile… »

 

> « Les chrétiens d’aujourd’hui et de demain vont devoir inventer des manières de vivre qui ne vont pas dans le sens habituel. Par exemple, prouver par les faits que le mariage monogame, stable, fidèle, est possible, est un défi en faveur de la société actuelle et non pas contre elle… Les chrétiens devront faire preuve  d’une nouvelle créativité et de beaucoup de courage dans la foi et l’amour. »

 

> « Si refus il y a, Dieu seul le sait. Ce que l’on peut constater, c’est surtout l’ignorance et la méconnaissance du christianisme. Reste que la conversion du cœur est la porte d’entrée. L’Evangile atteste que l’endurcissement du cœur est le principal obstacle à l’accueil du règne de Dieu… »

 

> « Les chrétiens ont redécouvert que la grâce baptismale est une ‘‘élection’’.  Ils sont choisis par Dieu. Ils y répondront par la sainteté de leur vie, ce qui bouleverse l’existence humaine – ce que les premières générations chrétiennes savaient parfaitement. Ce n’est pas nécessairement en se séparant du monde que l’on cherche ce chemin, mais dans un combat difficile à l’intérieur des conditions habituelles de l’existence… Cela, c’est aussi l’enjeu de la nouvelle évangélisation. Malgré le mode de vie qui tend à s’imposer partout et pour lequel ce qui compte c’est l’argent, les apparences, la vanité, la volonté de puissance, le maniement de l’opinion jusqu’au mensonge, la docilité aux modes, on rencontre des gens parfaitement insérés qui vivent intensément de la vie du Christ dans l’esprit, fidèles au message de l’Evangile… Mais ils ne sont pas encore pris comme modèles par le grand nombre. Il faut inventer des manières de vivre qui soient communicables et qui donnent envie, parce qu’il est beau de vivre ainsi, parce que cela donne la vraie paix et la vraie joie… »

 

> « Dans une vie très socialisée comme la nôtre, l’inventivité chrétienne doit se porter précisément là où les institutions civiles font défaut. Telle est la question que devraient constamment se poser les chrétiens au sujet de leur engagement… »

 

 > « Il faut aussi faire porter nos efforts sur le long terme, c’est-à-dire investir sur les personnes. Donc sur la formation. Des chrétiens forts dans la foi sauront demeurer libres devant la pression de l’opinion… [1] »

 

 

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[1]    Le 8 septembre à Notre-Dame de Paris, lors de la consécration épiscopale de Mgr Jean-Yves Nahmias et de Mgr Jérôme Beau (nouveaux évêques auxiliaires de Paris), Mgr Vingt-Trois a insisté sur « la formation des chrétiens » comme tâche prioritaire de l’évêque aujourd’hui.  Cf ma note du 26. 08, à propos de la campagne du diocèse de Paris pour le catéchisme.