16/04/2006
Joyeuses Pâques à tous
Une fois n'est pas coutume :
une bonne émission télévisée
sur Benoît XVI et l'Eglise catholique...
Le soir du Samedi Saint, Arte a diffusé une émission de la télévision bavaroise intitulée : L'énigme Benoît XVI. Passons sur le mot "énigme", peu approprié au sujet (le pape Ratzinger n'est une énigme que pour ceux qui ne connaissent pas le catholicisme). Et applaudissons le travail de l'équipe bavaroise !
Pour la première fois, voilà une enquête qui s'intéresse à l'essentiel. Autrement dit : à la tâche du pape, à la fonction de l'Eglise, et aux véritables débats qui ont lieu en son sein. Très peu de concessions au religieusement-correct (une évêchesse luthérienne, trouvant le moyen de parler plusieurs minutes sans dire un seul mot de spiritualité)... En revanche, des réflexions lumineuses de philosophes : Alain Finkielkraut disant son affection intellectuelle et humaine envers la personnalité de Benoît XVI, ou Peter Sloterdijk expliquant la "souveraineté" de l'Eglise catholique (à la fois "contemporaine" et surplombant les millénaires). Et des coups de projecteurs remarquables : un jésuite allemand de Radio Vatican disant que "cinq ans peuvent suffire" à Benoît XVI pour remettre les pendules doctrinales à l'heure dans l'Eglise européenne ! Même son de cloche de plusieurs évêques allemands et du cardinal Lustiger, au cours de l'émission... Jusqu'à Hans Küng, l'ex-frère ennemi de Josef Ratzinger, qui a dit des choses intéressantes et pondérées : entre autres sur... mai 1968.
Le téléspectateur comprenait enfin que l'Eglise catholique est au service d'un message plus grand qu'elle, et que ce service ne consiste pas à s'aligner sur l'air du temps.
Le plus beau est que ceci fut dit par deux philosophes agnostiques.
Comme quoi : 1. Le dialogue est possible entre la foi catholique et la pensée séculière, à condition que la foi soit plénière et que les philosophes séculiers soient sereins ; 2. La télévision peut faire d'excellentes enquêtes religieuses, à condition de s'intéresser à la religion ; 3. La télé de Bavière surclasse de mille coudées les balourdes et sectaires chaînes parisiennes, bien incapables (jusqu'à nouvel ordre) de produire des réalisations aussi intelligentes et aussi nuancées !
P.P.
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Je ne résiste pas à l'idée de vous faire partager ce texte, qui vient de m'être adressé :
Juste avant la résurrection
Vigile de Pâques, samedi 15 avril 2006,
couvent des Dominicains de Bordeaux
Homélie du fr. Thierry-Dominique Humbrecht o.p.
> Soudain, dans un fracas, la porte s’effondra. Le nuage de la poussière des siècles que sa chute produisit se dissipa néanmoins en un instant, sous l’effet d’une lumière fulgurante mais pas aveuglante. Dans l’obscurité, la foule restait muette, les visages osant à peine se tourner pour se regarder. Dans l’embrasure, il était là, debout. Il venait d’entrer dans les Enfers ; les Enfers, lieu d’attente et d’absence, les Enfers, où espéraient sa venue depuis si longtemps les justes de l’Ancien Testament.
Tous, ils étaient là, pelotonnés, n’en croyant pas leurs yeux mais déjà saisis d’une incoercible chaleur, la chaleur de cet amour qui leur avait tant manqué et qui envahissait leur cœur, comme la lumière leur antique caverne.
– Adam, lève-toi !
– Seigneur, c’est donc toi, toi le nouvel Adam, qui es venu sauver ce que nous avions perdu, Ève et moi ; qui as obéi, quand nous avions désobéi ; qui rends aux hommes ce Père, Notre Père, celui dont nous prîmes peur après que nous eûmes péché, ne voyant plus en lui qu’un juge ! Bienheureuse ma faute, qui me vaut un tel rédempteur !
– Noé, debout !
– Te voici enfin, toi qui ouvres les eaux du ciel sur la multitude des péchés ! Le déluge avait si peu fait, mon arche avait si peu sauvé. Toi, tu es le déluge et l’arche, tu es l’arc-en-ciel de Dieu, cet anneau des noces de la création et du créateur !
– Abraham, approche !
– Maître, je te connais, tu es le bras de Dieu, celui qui n’as pas voulu sacrifier mon fils Isaac, car le fils sacrifié, l’unique, l’Agneau innocent immolé à la place des béliers, c’est toi !
– Moïse, viens !
– Oh ! Moi qui ai vu Dieu dans le Buisson Ardent, moi qui n’ai vu passer sa gloire que de dos, aujourd’hui je la vois de face et je reconnais la voix du Buisson : tu es Celui qui Est ! Je reconnais aussi ta main, celle qui a écrit la Loi sur la pierre et dans les cœurs, car la Loi, c’est toi-même ! Je reconnais ta voix et ta lumière, car tu es la lumière de celui qui créa l’univers en disant : « Que la lumière soit ! » ! Tu es le Verbe de Dieu !
– Prophètes, venez tous !
– Nous le savions mais ne pouvions le voir encore. Heureux furent-ils, Jean le Baptiste qui tressaillit à sa venue dans le sein de sa mère et Syméon qui le vit enfant au Temple, ce Fils conçu d’une vierge, le serviteur souffrant, l’envoyé, la gloire d’Israël, le roi !
Ainsi parlèrent ces augustes patriarches. À leur suite, la foule des justes fut saisie de joie lorsqu’à son tour elle franchit la porte des Enfers, la porte des siècles, mais cette fois dans l’autre sens, vers la lumière. Sur le bord du chemin, attendant le passage du Vainqueur, se tenait, dans l’ombre, une ombre.
Lorsque la lumière vint à passer, l’ombre se fit plus sombre. De l’obscurité, une voix s’éleva.
– Jésus de Nazareth, maintenant, je sais qui tu es. Il y a trois ans, dans le désert, je t’ai vu venir. Tu as déjoué mon manège mais accorde-moi ce plaisir, le dernier, celui d’être fixé. À cette époque, vois-tu, je pouvais encore douter. Des envoyés de Dieu, il y en a de plusieurs sortes. Tu étais plus fort que les autres, mais allais-tu l’être jusqu’au bout, allais-tu être le Fils ? Hier, au Golgotha, je suis revenu. J’aurais désiré de toi un geste, un soupir, un seul regret. Tu n’as rien consenti, tu n’as pas lâché, tu as voulu donner, tu leur as donné ce que ton cœur percé répandait, cet amour dont je ne prononce le nom qu’avec dégoût. Nous ne nous verrons plus, et d’ailleurs il m’est impossible de te regarder. Regarder serait t’adorer. Je ne regrette rien, ce serait te faire plaisir ; mais je veux que tu saches que ce que je ne tolère pas, c’est que tu condescendes à pardonner à ces êtres sans valeur. Tu les as sauvés mais, moi aussi, je vais m’occuper d’eux.
– C’est inutile, désormais, Satan.
– Je le sais, mais mon envie sera toujours un peu voleuse. Je ne vais quand même pas tous te les laisser, puisque je ne m’abandonne pas moi-même.
– Mais toi aussi, tu étais fait pour l’amour et pour la lumière, Lucifer.
– Lucifer n’est plus mon nom. Je suis le diviseur, je suis le Diable. Tu verras, je diviserai ton royaume. Souviens-t’en : c’est quand ils sont blessés que les lions sont les plus dangereux.
– Tu es vaincu mais tu n’es pas un lion. Tu n’es qu’un malheureux, parce que tu le veux ainsi. Maintenant, je te l’ordonne : retourne en Enfer, l’Enfer éternel de ton obstination, dans l’obscurité de ta haine, plus obscure encore depuis que mon Amour a triomphé. On entendit un cri désespéré, qui disparut avec l’ombre.
Le cortège arrivait au Paradis. De l’horloge de l’entrée, commencèrent à sonner les douze coups de minuit. Deux anges se tenaient là qui se prosternèrent devant le Christ.
– Seigneur, dit le premier, c’est l’heure. Ce moment béni où vous allez ramener à la vie votre corps supplicié, faisant de lui en votre personne divine et en votre nature humaine un corps glorifié, afin que les hommes croient en vous et en celui qui vous a envoyé, ce moment, c’est maintenant.
– Seigneur, dit l’autre, nous avons été désignés pour vous annoncer. Veuillez nous instruire de ce qu’il faut dire.
– Vous direz : celui que vous avez crucifié est ressuscité. Celui qui est la vie a vaincu le pouvoir de la mort. Vous direz : « ne craignez pas » car l’amour chasse la crainte. Vous direz aussi : il vous précède en Galilée. Il vous précède tous, partout, jusqu’à la fin des temps. Il est l’unique Sauveur, même de ceux qui l’ignorent. Il n’en est pas d’autres que lui, à jamais. Il est ressuscité et il vous ressuscitera à votre tour, si vous croyez et si vous changez votre vie. Vous aussi, vous entrerez dans la gloire, à sa suite, et vous ferez que d’autres y entrent avec vous.
– Seigneur, dirent les anges, voici que nous avons préparé pour votre Majesté, ainsi que pour nous-mêmes, les plus beaux atours : cuirasses d’or et de vermeil, capes de brocart, pierres étincelantes, et l’oriflamme.
– Non, répondit la voix douce et ferme. Vous irez vêtus de blanc. Ma lumière sera votre triomphe. Quant à moi, mes plaies suffiront à ma gloire, à la confusion des uns et au relèvement des autres. Allons.
Il dit, et le ciel retint son souffle.
08:50 Publié dans Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
> Oui, Alain Finkelkraut était très bon.
Par contre l'évêchesse luthérienne pour qui "il n'y a pas grand chose à attendre de Benoit XVI" était assez maladroite.
Écrit par : Leon | 16/04/2006
> J'ai aussi beaucoup aimé cette émission. Notamment son regard critique sur les autres journalistes avec l'anecdote concernant la fausse information sur le prétendu chat de Benoît XVI.
Les interview de Finkielkraut étaient remarquables. Enfin un intellectuel "de gauche" qui se démarque du politiquement correct et qui raisonne en homme libre.
Excellente émission !
Écrit par : Charles Vaugirard | 16/04/2006
> Joyeuses Pâques à vous aussi !
Et merci de cette bonne nouvelle. Nous l'avons reprise sur notre blog.
Nous avons ajouté un autre "post" sur le film Da Vinci Code : le père Cantalamessa est très courageux ! Vous pourriez faire peut-être un commentaire à propos de son homélie... (ce n'est qu'une suggestion).
Écrit par : citBXVI | 16/04/2006
> Joyeuses Paques !
[ De P.P. à XavMP - Merci ! à vous aussi ! ]
Écrit par : XavMP | 18/04/2006
> Savez-vous comment peut-on se procurer l'émission ??
Merci pour votre blog !
[P.P. à B. - Certainement en mailant à Arte...]
Écrit par : Bertrand | 19/04/2006
> Belle homélie du frère dominicain, inspirée, semble-t-il, de l'homélie de saint Epiphane de Salamine :
http://www.mariedenazareth.com/1338.0.html?&L=0
Écrit par : Sébas†ien | 20/04/2006
> J'ai également vu l'émission sur Benoît XVI et j'ai réellement apprécié l'effort des journalistes bavarois à entrer dans le vif du sujet et à offrir un regard intelligent sur l'Eglise et sur le pasteur qui la guide.
Écrit par : Balbino Katz | 27/04/2006
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