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24/01/2006

Benoît XVI donne le mode d'emploi de sa première encyclique

« La foi est le critère qui décide de notre style de vie… »


 



 C'est la première fois qu'un pape donne le "mode d'emploi" de son encyclique, 48 heures avant la promulgation de celle-ci !  Le 23 janvier, Benoît XVI a défini les lignes de forces de Deus caritas est, promulguée le 25. 


Extraits de cette allocution :

  «  La foi n'est pas une théorie, que l'on peut faire sienne ou que l'on peut laisser de côté. C'est une chose très concrète : c'est le critère  qui décide de notre style de vie. A une époque où l'hostilité et l'avidité sont devenues des superpuissances, une époque où nous assistons à l'abus de la religion jusqu'à l'apothéose de la haine, la seule rationalité neutre n'est pas en mesure de nous protéger. Nous avons besoin du Dieu vivant, qui nous a aimés jusqu'à la mort.

 » Ainsi, dans cette encyclique, les thèmes  ‘‘Dieu’’, ‘‘Christ’’ et  ‘‘Amour’’ sont fondus ensemble en tant que guide central de la foi chrétienne. Je voulais montrer l'humanité de la foi, dont fait partie  l'
eros  - le ‘‘oui’’ de l'homme à sa corporéité créée par Dieu, un  ‘‘oui’’ qui, dans le mariage indissoluble entre un homme et une femme trouve sa forme enracinée dans la création. Et c'est là que l'eros se transforme en agapè,  que l'amour pour l'autre ne se cherche plus lui-même mais devient préoccupation pour l'autre, disposition au sacrifice pour lui, et ouverture, aussi, au don d'une nouvelle vie humaine.

 » L'
agapè chrétienne, l'amour du prochain à la suite du Christ, n'est pas quelque chose d'extérieur, placé à côté et même contre l'eros.  Plus encore : dans le sacrifice que le Christ a fait de lui-même pour l'homme, il a trouvé une nouvelle dimension qui, dans l'histoire du dévouement charitable des chrétiens envers les pauvres et ceux qui souffrent, s'est développée toujours davantage.


Les deux parties de l'encyclique

 » Une première lecture de l'encyclique pourrait peut-être donner l'impression qu'elle se divise en deux parties peu liées entre elles : une première partie théorique qui parle de l'essence de l'amour, et une seconde qui traite de la charité ecclésiale, des organisations caritatives...

 » Mais justement, ce qui m'intéressait, c'était l'unité des deux thèmes qui ne se comprennent bien que si on les voit comme une seule chose.


» Il fallait d'abord traiter de l'essence de l'amour comme il se présente à nous à la lumière du témoignage biblique. Partant de l'image chrétienne de Dieu, il fallait montrer comment l'homme est créé pour aimer, et comment cet amour, qui apparaît initialement surtout comme eros entre un homme et une femme, doit ensuite se transformer intérieurement en agapè, en don de soi à l'autre - et cela justement pour répondre à la vraie nature de l'eros.

 »  Sur cette base, il fallait expliquer que l'essence de l'amour de Dieu et du prochain, décrit par la Bible, est le centre de l'existence chrétienne, le fruit de la foi.

 

»  Mais ensuite, dans une seconde partie, il fallait montrer que l'acte totalement personnel de l' agapè ne peut jamais rester une chose purement individuelle, mais doit au contraire devenir un acte essentiel de l'Eglise en tant que communauté : c'est-à-dire qu'elle a aussi besoin de la forme institutionnelle qui s'exprime dans l'agir communautaire de l'Eglise.


 » L'organisation ecclésiale de la charité n'est pas une forme d'assistance sociale qui s'ajoute par hasard à la réalité de l'Eglise, une initiative que l'on pourrait laisser aussi à d'autres. Elle fait au contraire partie de la nature de l'Eglise…


 » Comme au
Logos divin correspond l'annonce humaine, la parole de la foi, ainsi, à l'agapè qui est Dieu, doit correspondre l'agapè de l'Eglise, son activité caritative.


 » Cette activité, au-delà de sa première signification très concrète d'aider le prochain, possède essentiellement aussi celle de communiquer aux autres l'amour de Dieu, que nous-mêmes avons reçu. Elle doit d'une certaine façon rendre visible le Dieu vivant. Dans l'organisation caritative, Dieu et le Christ [...] indiquent la source originelle de la charité ecclésiale. La force de la
Caritas  dépend de la force de la foi de tous ses membres et collaborateurs…


 »  L'excursion où Dante, dans La Divine Comédie, veut impliquer le lecteur, finit devant la Lumière éternelle qui est Dieu lui-même : devant cette Lumière, qui est en même temps ‘‘l'amour qui meut le soleil et les autres étoiles’’ (Paradis, Chant XXXIII, vers 145). Lumière et amour sont une seule chose. Ils sont la puissance créatrice primordiale qui meut l'univers.

 

» Si ces paroles du  Paradis de Dante laissent transparaître la pensée d'Aristote qui voyait dans l'eros la puissance qui meut le monde, le regard de Dante aperçoit cependant une chose totalement neuve et inimaginable pour le philosophe grec :  […]  la Lumière éternelle se présente en trois cercles […] ; cette révélation de Dieu comme cercle trinitaire de connaissance et d'amour est la perception d'un visage humain, le visage de Jésus-Christ, qui, à Dante, apparaît dans le cercle central de la Lumière.   […]  Dieu, Lumière infinie, dont le mystère incommensurable avait été pressenti par le philosophe grec, ce Dieu a un visage humain,   et   - pouvons-nous ajouter - un coeur humain...


 » Dans cette vision de Dante se montre d'un côté la continuité entre la foi chrétienne en Dieu et la recherche développée par la raison et par le monde des religions ; mais en même temps, apparaît aussi  la nouveauté qui dépasse toute recherche humaine, la nouveauté que seul Dieu lui-même pouvait nous révéler : la nouveauté
d'un amour qui a poussé Dieu à assumer un visage humain, et même chair et sang, tout l'être humain.


» L'
eros de Dieu n'est pas seulement une force cosmique primordiale ; c'est un amour qui a créé l'homme et qui se penche vers lui, comme le Bon Samaritain s'est penché sur l'homme blessé et volé, qui gît au bord de la route qui descend de Jérusalem à Jéricho.


 » Le mot  ‘‘amour’’  est abîmé de nos jours, on l'a usé, et on en a abusé au point que l'on a presque peur de le laisser effleurer nos lèvres. Et pourtant, c'est une parole primordiale, expression de la réalité primordiale ; nous ne pouvons pas simplement l'abandonner, mais nous devons le reprendre, le purifier et le ramener à sa splendeur originelle, afin qu'il puisse éclairer notre vie, et la conduire sur le juste chemin.

 » C'est cette conscience qui m'a conduit à choisir l'amour comme thème de ma première encyclique. Je voulais tenter d'exprimer pour notre temps et pour notre existence quelque chose de ce que Dante, dans sa vision a récapitulé de façon audacieuse…  Il raconte  une  ‘‘visite’’ (...) qui l’a transformé intérieurement (
Paradis, XXXIII, vv. 112-114). Il s'agit justement de ceci : que la foi devienne une vision-compréhension qui nous transforme. C'était mon désir de donner du relief au caractère central de la foi en Dieu - dans ce Dieu qui a assumé un visage humain et un coeur humain. »

 


Traduction Zenit.

 


>   La Divine Comédie de Dante est disponible en de nombreuses éditions françaises.
 - Notamment celle (bilingue) de Flammarion : L’Enfer (1987), Le Purgatoire (1988), Le Paradis (1989), traduction, introduction et notes de Jacqueline Risset.
 - A L’Age d’Homme : Lire la Divine Comédie de Dante, traduction et commentaire - très développé - de François Mégroz :  L’Enfer (1992, Le Purgatoire (1994), Le Paradis (1997).

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