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Washington, cerveau du monde libre
2014 / sur l'Ukraine... Mme Victoria Nuland, numéro 2 du Département d'Etat à Washington : ''Fuck EU !'' (''que l'UE aille se faire foutre !'')
2012 / sur le plan français d'action au Mali... Mme Susan Rice, ambassadeur aux Nations-Unies : "It's crap !" ("de la merde !")
NB - La vice-secrétaire d'Etat Victoria Nuland est mariée au pire idéologue neocon : Robert Kagan... Voilà un aspect résolument inattendu de l'équipe de Barack Obama !
07/02/2014 | Lien permanent
'Forbes' : ”Le pape François a une prévention gauchiste contre le libre marché”
Magazine WASP du capitalisme pompeux, Forbes se déchaîne contre le pape. L'article est un feu d'artifice d'âneries hors d'âge :
"A bas le papisme !"
C'est sous la plume du publiciste ultralibéral Jerry Bowyer. Presbytérien à l'ancienne ("no popery !"), cet ex-animateur télé est l'auteur de deux livres : l'un pour célébrer l'oeuvre du président G.W. Bush, et l'autre pour mettre en garde contre le XXIe siècle qui serait ''the era of rampant Socialism''... Jerry Bowyer est par ailleurs lié à plusieurs fonds spéculatifs, et son leit-motiv est de rechercher "les plus grands risques financiers parce qu'ils déterminent les plus grands profits". Sur Fox News, il attaque aussi les médecins étrangers dont la venue accroît, dit-il, ''our vulnerability to infiltration by terrorist cells''. Voici ce qu'écrit cet ami du genre humain, contre le pape qui plaît au reste du monde. Accrochez-vous tellement c'est bête :
<< Quand le cardinal Bergoglio fut élu pape, ma réaction immédiate fut de penser – quoiqu'il n'aille probablement pas falsifier les vues de l'Eglise sur les questions sexuelles – qu'il irait vers la gauche dans son discours économique. Cette idée me venait du choix de son nom : saint François est quelque chose comme le favori des progressistes dans l'Eglise à cause de son voeu de pauvreté et de son amour des animaux. Mais le plus important à mes yeux était le milieu d'où il venait (le populisme argentin), et ses propres déclarations quand il était cardinal...
La suite des événements a confirmé ma première impression. Par exemple, le pape a clairement identifié saint François comme sa source d'inspiration. [Dans son homélie sur Zachée], il présente celui-ci comme un usurier ; en tant que cardinal il l'avait associé aux intérêts bancaires étrangers et s'en était servi comme d'une arme pour attaquer les banquiers étrangers qui voulaient que l'Argentine paie ses dettes, en dépit du soutien massif de l'opinion publique à l'idée de leur annulation. Mais le texte réel de l'évangile présente Zachée comme un collecteur d'impôts, non comme un requin prêteur... [1]
Mais j'aimerais attirer l'attention sur la récente homélie du pape dans laquelle il dénonce ''la tyrannie de l'argent'' et un système dans lequel les marchés et la spéculation financière seraient prétendument autorisés à opérer en totale autonomie, ce qui aboutirait à traiter les pauvres en sous-humains, et mènerait à une inégalité de revenus croissante où la fortune des riches exploserait vers le haut alors que les revenus des pauvres s'effondreraient. Il identifie cet ère de l'autonomie du marché à une histoire du livre de l'Exode : ''L'adoration du veau d'or trouve une nouvelle et impitoyable image dans le culte de l'argent et la dictature d'une économie sans visage et sans aucun but véritablement humain...''
NDPP - Ici M. Bowyer entreprend de démontrer que le pape ne comprend rien à l'épisode bien connu du Veau d'or. Il résume donc ce passage de l'Exode, et enchaîne : ''Où dans cette histoire est la tyrannie du marché néo-libéral ?'' Au contraire, assure-t-il, l'or servant à fabriquer l'idole fut ainsi ''retiré de la circulation, c'est-à-dire du domaine où on aurait pu l'utiliser sur le marché des échanges'' ! Au lieu de respecter les Lois Monétaires de la Théorie Classique, ces Hébreux ont détourné l'or vers un dessein non économique : ils ont fabriqué une idole ''politique'' derrière laquelle ils comptaient retourner en Egypte, c'est-à-dire ''sous la domination d'un Etat''. Conclusion de l'ultralibéral Bowyer : puisque Dieu se fâche contre le Veau d'or, ça veut dire que le Mal, c'est l'Etat et le politico-religieux ; et (par opposition) que le Bien, c'est le Marché. On mesure l'absurdité de ce raisonnement, et l'incompréhension de la notion d'idolâtrie – qui en réalité s'applique allégoriquement au marché autant qu'à l'Etat ou à n'importe quelle activité humaine déifiée... Mais inutile d'essayer de faire comprendre ça à un néolibéral religieux : Bowyer vous réexpliquera que le Veau d'or était le péché puisqu'il était une entorse à la circulation monétaire (et à la détention individuelle de métaux précieux) ; d'autant que, pendant ce temps, Moïse était occupé à recevoir de Dieu les Dix Commandements, fondement du libéralisme puisqu'ils comportent ''de fortes protections des droits de propriété''. Sic. L'argument est si bête qu'on en reste bouche bée. Et voici la conclusion, en forme d'apothéose :
<< Durant les deux cents dernières années, le monde, mené par l'Angleterre et les Etats-Unis, a évolué vers des niveaux énormément plus hauts de liberté économique et de prospérité subséquente. Depuis la chute de l'Union soviétique, cela fut étendu à une plus grand epartie de l'humanité. Mais depuis la crise financière [NDLR : qui tombe de la Lune?], la tendance générale du monde est au retour en arrière, à l'extension du pouvoir de l'Etat sur les marchés. Tout appel à surélever l'Etat, à collecter nos actifs et à les fondre dans une image collective que nous pourrions chevaucher pour retourner en arrière dans l'histoire, vers les temps d'avant le libre-marché, ressemble à un appel pour retourner vers l'Egypte, la sécurité et l'esclavage. Le pape attaque l'ordre des marchés parce qu'il le trouve ''sans visage'' et ''manquant d'aucun but véritablement humain''. Il a raison : le marché n'a pas de visage. C'est parce qu'il a 7 milliards de visages. Il n'a pas de but humain, parce qu'il a 7 milliards de buts humains. Si vous voulez une économie avec un visage et un but humain, alors l'Egypte de l'époque de l'Exode est votre lieu, et le Pharaon de l'Exode est votre homme. >>
Ce texte libéral est donc une quintessence. Incompréhension du plan divin, pourtant lisible à travers les Ecritures. Incompréhension de la notion d'Idole. Détournement quasi blasphématoire du récit de l'Exode, ratatiné pour prendre l'apparence d'une fable d'économiste manchestérien... Tout ça au service du bon vieil antipapisme XVIIe siècle, façon Guy Fawkes Day (''NO POPERY !'') : la haine froide et séculaire qui nous enverrait tous, de nouveau, « to Connaught or to hell''...
Notre désir n'est pas de retourner chez Pharaon, mais celui de M. Bowyer est de retourner chez Cromwell ; les ennemis de tout Etat finissent souvent dictateurs.
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[1] M. Bowyer ne sait visiblement pas ce qu'était un collecteur d'impôts dans l'Antiquité, notamment en Palestine romaine. Il suffit pourtant de lire l'évangile (Luc 19:1-10) pour voir que Zachée a dû détourner pas mal, puisqu'il s'en repent au point de rendre ''le quadruple'' ce qu'il a perçu injustement, et de distribuer aux pauvres la moitié de ses biens... Pas la peine d'être presbytérien si c'est pour connaître aussi mal la Bible.
07/02/2014 | Lien permanent | Commentaires (13)
'Libération' tué par ses maîtres ?
Le quotidien libéral-libertaire semble découvrir (in articulo mortis) la logique de l'argent, qu'il servait depuis les dernières années July ! Ses actionnaires vont transformer le journal en ''restaurant, réseau social, espace culturel, plateau télé, bar et incubateur de start-up''... Sans changer la ligne idéologique, bien entendu ! mais les journalistes crient au scandale :
« Éjecter les journalistes mais monétiser la marque », constatent furieusement les salariés : « Il s'agit désormais de construire un LibéLand, un LibéMarket, un LibéWorld. Un losange rouge avec rien derrière, dix lettres qui ne signifient plus grand-chose, sinon le prix auquel on veut bien les ''monétiser'' : Libération ! »
Belle indignation. Mais d'un anti-américanisme surprenant (de la part de cette équipe). Et presque aussi vide que la vision « prospective et industrielle » des actionnaires...
Je dis presque, parce que Libération – en dépit de la présence à sa tête de ''chiens de garde du libéralisme'' [1] – parvenait encore à publier (de temps à autre) des points de vue contestataires : notamment dans le domaine de l'environnement.
Mais pour le reste, et depuis des années, la ligne du journal était la même que celle du Monde et de l'écrasante majorité de l'audiovisuel : un conformisme sociétal en béton armé, et une admirable docilité à participer aux opérations de diversion et d'enfumage ; ce qui mena l'ensemble de ces médias à s'éloigner toujours plus des populations, à se recroqueviller sur la mondanité bobo, et, par suite, à prendre une posture de cerbères d'une pseudosocially correctness à l'américaine qui ne correspond pas à grand'chose dans l'Hexagone.
D'où l'érosion des ventes. Elle frappe la plupart des journaux papier (sauf exceptions) mais surtout Libé, en chute verticale. Comment ses journalistes ne comprennent-ils pas que la chute de la demande vient du manque d'intérêt de l'offre, et que ce manque d'intérêt vient de l'uniformisation mentale des médias ? et que cette uniformisation était spécialement flagrante dans le cas de Libé ? À partir du moment où presque toute la presse a partagé le même point de vue (celui des dominants de l'économie), acheter des journaux ne servait plus à grand-chose puisqu'il n'y avait plus rien à comparer entre eux. Ajoutez à cela la concurrence massive de l'internet (dépêches et réseaux), qui informe gratuitement les particuliers en même temps que les salles de rédaction ; et vous avez les causes de l'agonie de ces journaux.
Aujourd'hui et trop tard, les journalistes de Libération voudraient retrouver une identité contestataire ; mais ils furent trop longtemps du côté du manche pour qu'on prenne ce revirement au sérieux. D'autant qu'il s'exprime en page 6 par un dessin de Willem qui paraît surréaliste à force d'onirisme : on y voit la joyeuse et planante équipe de Libé, avec crayons et gants de boxe, défiant une foule de méchants dont un capitaliste avec cigare et haut-de-forme ; les lecteurs voient ce dessin anticapitaliste, se reportent à la liste des actionnaires de Libé, et y trouvent le nom de Rothschild [2] qui y figure depuis 2005. Alors, (comme dit Marx dans le Manifeste), ils s'en vont « avec de grands éclats de rire irrévérencieux ».
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[1] Cf. le pamphlet-référence de Serge Halimi : Les nouveaux chiens de garde (Liber - Raisons d'agir, rééd. 2005), sur la collusion entre les pouvoirs médiatique, politique et économique.
[2] Edouard de Rothschild a été imposé dans le capital de Libération par Serge July en janvier 2005.
08/02/2014 | Lien permanent | Commentaires (20)
Isaïe : ”Ne te dérobe pas à ton semblable, et ton obscurité sera lumière de midi”
Isaïe 58:7-10, lecture de ce dimanche...
[ Le jeûne qui me plaît, n'est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs? ] N'est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, recueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, Il dira : ''Me voici.'' Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste qui menace, la parole malfaisante, si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi.
Isaïe 58:7-10, Bible liturgique AELF, 2013
09/02/2014 | Lien permanent
”L'écologie, de la Bible à nos jours” : une synthèse du livre
par Serge Lellouche :
Patrice de Plunkett
L'écologie, de la Bible à nos jours :
pour en finir avec les idées reçues
(L'Oeuvre, 2008)
Né à Paris en 1947, PP est journaliste, blogueur, ami du Mont Saint-Michel et de la casquette irlandaise. Excepté quelques raccords de ma part, les formulations dans cette synthèse reprennent celles du livre... S.L.
Introduction : «Habemus papam...ecologistum ?» s'interrogeait la revue L'Ecologiste trois semaines après le conclave de 2005, dans un numéro où elle publiait une lettre de Joseph Ratzinger à cette même revue, dans laquelle le cardinal appelait à un dialogue fructueux entre la théologie catholique et « les diverses pensées écologiques ».
De part et d'autre, l'idée de «papes verts» suscita quelque étonnement, chez des personnes qui voyaient plus le catholicisme comme un musée (des préjugés du bon vieux temps) que comme une force de contestation. Nombre d'Européens sont imprégnés du lieu commun selon lequel l'économie qui saccage l'environnement « a été engendrée par la Bible ».
D'où ce livre-enquête, qui regarde le judéo-christianisme du point de vue de l'écologie, et l'écologie du point de vue du judéo-christianisme. Il vise à comprendre ce que la Bible dit du rôle de l'homme dans l'univers, et à décrire le rôle que jouent aujourd'hui les chrétiens vis-à-vis du système qui surexploite la Terre - et quel rôle ils pourraient jouer, s'ils prenaient au sérieux le christianisme.
1ère partie - L'écologie, de la Bible à nos jours
La Bible a-t-elle pollué le monde?
L'homme extérieur à la Création est une idée fausse, dangereuse, qui est venue d'un peu partout sauf de la Bible. Pourtant, la grande accusée aujourd'hui, la « mère de toutes les pollutions », ce serait l'Ecriture juive : la Bible, qui aurait entraîné une civilisation prédatrice «judéo-chrétienne». Le «multipliez-vous et dominez la terre» a suffi à installer cette idée, lancée par l'universitaire américain Lynn White dans un célèbre article de 1967 (The Historical roots of the Ecological Crisis, dans la revue Science), et répétée ensuite en boucle dans les médias.
L'air du temps accuse la Bible? Ce n'est pas la faute de la Bible : c'est la faute des chrétiens, ou de nombre d'entre eux, qui depuis trois siècles, ont bel et bien imaginé être «au-dessus» du monde naturel. Des générations de chrétiens ont vécu dans l'idée d'une scission entre le corps et l'âme, le corps (mauvais) servant aux nécessités physiques et économiques, du reste profitables, et l'âme restant une tour d'ivoire réservée aux dames : on lui consacrait des livres pieux ornés de roses et de dentelles. On pouvait donc exploiter ici-bas, en comptant bien être excusés là-haut. Cette idée est tout simplement le contraire du christianisme et du vrai message de la Bible.
Les livres de la Bible hébraïque sont la méditation progressive d'une expérience qui court sur deux millénaires. La Bible est la germination d'une expérience initiale : «Le thème de la Création n'est pas posé d'un seul coup. Il traverse l'histoire avec Israël... L'exil de Babylone fut le véritable moment où la Création devint le thème dominant» (Joseph Ratzinger, Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, Fayard, 1986). L'idée d'une création du monde en sept jours ne doit pas prêter à une lecture fondamentaliste. Les sept jours sont une image, nécessaire à un message unique en son genre : si notre monde a eu un début, c'est que Dieu l'a créé. Si le monde persiste, c'est que Dieu le crée encore à la minute présente. Il le crée à tout instant : «Dieu dans sa bonté renouvelle chaque jour continuellement l'acte de Création», dit la liturgie juive du matin. Dieu crée le monde, et il crée l'humanité pour être son «associé dans l'oeuvre de la Création», soulignera la Michnah (Traité Chabbat, 10).
Si le récit biblique de la Création fait l'objet d'attaques aujourd'hui, c'est qu'il a une série d'impacts sur le débat moderne. Il dit que l'univers n'est pas né du hasard, mais d'une puissance unique : d'une Personne. La Création ne se confond pas avec son Créateur. Donc la nature n'est pas une déesse, et l'on peut être écologiste sans être adorateur d'une idole.
Le verset 2 de la Genèse («Or la terre était vide et vague...»), se départit de la cosmogonie effrayante de la culture babylonienne, et ouvre une autre vision : à l'origine il n'y a pas deux forces (en lutte) mais une seule, celle du Créateur. Le monde n'est pas maléfique : «Dieu vit que cela était bon», scande la Genèse après la séparation des terres et des mers, la création du foisonnement d'êtres vivants dans les eaux et sur la terre. La Genèse nous dit que le monde n'est pas une «bataille de démons», mais une création de la Raison divine.
Dieu crée l'homme et la femme «à son image et ressemblance» (26, 1). L'humain est doté de la conscience : il n'est donc pas une bête ; mais il a la même origine matérielle que les animaux. Dieu crée cet être de raison à partir du sol : la poussière terrestre, la glèbe, en hébreu haadamah, d'où le nom «Adam». L'homme et ses descendants font indissolublement partie de la Création. Ils en seront toujours solidaires.
Une partie des écologistes imputent le mauvais usage des pouvoirs humains au livre de la Genèse, à cause du verset 26 et des cinq suivants, et des expressions «assujettir», «dominer», «soumettre», qui pourtant dans l'hébreu ancien sont des figures de style qui n'ont pas le sens que leur donne le français. Le procès qui devrait être fait aux cosmogonies païennes est fait à la Bible. Or dans celle-ci, Dieu, ayant créé Adam, lui confie la Création («jardin d'Eden») pour la «cultiver» et la «garder». L'homme était le jardinier de la Terre, son gérant pacifique. Puis la rébellion d'Adam l'a éloigné du Créateur, brisant l'harmonie entre l'homme et la Création... La liberté donnée à l'homme a dégénéré en violence, Dieu en a pris acte, mais ce n'est pas Lui qui a instauré cette violence. Par le péché originel, Adam et Eve se rebellent contre leur condition de créature et l'homme vit désormais dans l'illusion qu'il peut tout faire et sans limites : «Pour celui qui veut être Dieu, l'autre devient à son tour limitation, rival, menace. La relation avec l'autre devient mutuelle accusation, lutte. (…) La relation avec le monde se modifie également, elle devient relation de pilleur à pillé, de piétineur à piétiné.» (J.Ratzinger, op. Cit.).
La prophétie en était faite au chapitre 11 (1,9) de la Genèse à travers le mythe de la Tour de Babel : projet de développement purement matériel, chantier engendré par la technique. Alors, dit la Genèse, Dieu intervient en détruisant le système de Babel par la dispersion des hommes «sur toute la surface de la Terre». Il veut empêcher les hommes de croire qu'«aucun dessein n'est irréalisable».
Le Deutéronome appelle les Hébreux à observer le sabbat prescrit par les Dix Commandements. Il se fonde sur le «repos» de Dieu au Septième Jour, cœur de la Création du monde. Pour célébrer le Créateur en accordant repos à la Création, le livre du Lévitique institue une année «sabbatique» de jachère : tous les sept ans, les récoltes seront considérées comme la propriété de tous, riches, pauvres, étrangers, esclaves, et le surplus sera abandonné aux «bêtes du pays». L'idée aurait de quoi faire rêver les écologistes sociaux du XXIe siècle : non seulement repos à la terre, mais remise de toutes les dettes... Dans la tradition juive, le sabbat est «la fête de toute la Terre» et il «reflète le monde à venir».
De même, Job est interpellé : «Où étais-tu quand Je fondais la Terre ?». Job, le croyant, admet que la raison de l'univers ne vient pas de l'homme : «Je sais que tu es tout-puissant : ce que tu conçois, tu peux le réaliser. J'étais celui qui voile tes plans» (Job 42, 2-3).
Le livre des Psaumes est un sommet de la poésie mystique. La Création connaît son Créateur, dit le psaume 18. Le psaume 71 (72) chante le Roi de Paix qui libérera les pauvres de l'oppresseur. Il chante aussi le cosmos qui fait partie de son Royaume : car le «social», la nature et l'espérance mystique sont inséparables. Même élan cosmique dans le psaume 97 (98). Dans le psaume 64 (65), le monde entier est dans les mains du Créateur ; le psaume 103 (104) est un hymne à Dieu pour la nature, et le psaume 148 offre à Dieu la louange de toutes ses créatures. Il y a une fraternité de la nature et de l'homme, puisqu'elle et lui ont un même père. La nature est chaudement présente aussi dans le Cantique des cantiques.
La grande majorité des croyants juifs ne suivront pas Jésus, à cause de ce que Jésus dit de lui-même. Il se tenait sur la montagne en prenant «la place de la Torah». La conséquence inéluctable fut le drame du Golgotha... Mais selon les Evangiles et le livre des Actes des apôtres, le Golgotha permet la résurrection de Jésus. De cette résurrection du Christ, Paul va déduire une vision du monde sans précédent : «Tous revivront dans le Christ», écrit-il aux Corinthiens, avant d'écrire aux Romains que « la Création entière » est concernée par cette promesse : «La Création attend avec impatience la révélation des enfants de Dieu (…) Nous savons en effet que maintenant encore la Création gémit et souffre les douleurs de l'enfantement» (Romains 8, 19-23). La Création tout entière est solidaire dans l'espérance d'une vie nouvelle dans le Christ : «Dans sa bienveillance, il projetait de saisir l'univers entier, ce qui est au ciel et ce qui est sur terre, en réunissant tout sous un seul chef, le Christ» (Eph. 1, 9-10). «Il est le commencement, le premier-né d'entre les morts, puisqu'il devait avoir en tout la primauté : car Dieu a voulu que dans le Christ toute chose ait son accomplissement total» (Col. 1, 15-20).
Ces textes sont la clé de la foi chrétienne. Ils ont une dimension cosmique sans équivalent. Il ne s'agit plus (comme dans la pensée grecque) de libérer le spirituel du matériel, mais de faire entrer toute la création, en chair et en os, dans le salut divin.
Deux mille ans plus tard, la promesse chrétienne de Paul est toujours une folie : des Occidentaux déclarent croire à la réincarnation hindouiste, plutôt que d'espérer la résurrection «comme ma grand-mère». «L'Incarnation est l'acte supr
05/03/2014 | Lien permanent
”L'écologie, de la Bible à nos jours” [2]
"Pour en finir avec les idées reçues" - Seconde partie :
2ème partie – Pour en finir avec les idées reçues
L'écologie cherche son âme
Les biotechnologies promettent, non seulement de forcer la nature jusqu'à la trame, mais d'en faire autant avec l'homme. Pilotée par l'argent devenu seul pouvoir, cette promesse est le problème, et il est inouï. Le marché colonise tous les domaines du vivant, privatise même les gènes, devient l'arbitre de tout ; c'est lui qui prétend dire ce qu'il en est de la nature et où commence l'humain.
Si le marché a pris le pouvoir, c'est que rien ne le lui disputait plus.
De son côté, le citoyen-consommateur de base est pris dans ce paradoxe : une partie de lui-même est sous la pression des turbines publicitaires. Une autre partie souffre en voyant les effets pervers du système... Cette contradiction ne demande qu'à venir au jour. Si cela se produisait, le centre nerveux du consumérisme serait atteint. Le monde économique met donc tout en œuvre pour que cela ne se produise pas, pour nous empêcher de penser ce que nous vivons. Ce brouillage mental embrume tout.
Dès le tournant des années 1990, on voit les grandes entreprises se repeindre en vert, créant des groupes environnementaux bidons. Le business s'empare du terme «développement durable», et le mot «durable» fleurit dans les rayons d'hypermarché.
La société du marketing n'enferme pas seulement le consommateur dans l'hyper-individualisme : elle l'encage dans le relativisme, le « tout égale tout ». Le ressort du système étant «tout le monde a droit à tout, tout de suite », il est nécessaire que ce tout puisse être n'importe quoi. Il faut donc effacer les «vieux interdits», les «derniers tabous» comme dit le journal télévisé.
Nombre d'écologistes, en France, se croient héritiers de 1968. D'autres écologistes leur disent qu'ils font une erreur. Le relativisme ambiant est contraire à l'écologie, qui cherche un sens à la vie et défend un bien commun planétaire. Mais dans le brouillard ambiant, les écologistes sont divisés. La pensée écologique est née aux antipodes du mythe darwinien du struggle for life : elle voit la biosphère, non comme une arène, mais comme une communauté de destin. Elle s'intéresse à l'ensemble, qui est autre chose que la somme de ses parties : définition, soit dit en passant, qui est aussi celle du bien commun dans la théologie catholique. Il y a là plus qu'une coïncidence.
L'écologie a son «dogme» : la solidarité de l'homme et de la biosphère. Le christianisme a ses dogmes, en un sens différents, mais qui aboutissent à un art de vivre très proche de l'écologie...
Mais le brouillard du relativisme permet de prolonger l'expérience suicidaire de notre civilisation. Les enjeux sont désormais à un niveau de gravité inouï, parce que l'expérience est menée sur la totalité du monde vivant : la nature et l'homme à la fois. Le saccage des modes de vie humains et celui des écosystèmes sont les deux faces d'un même processus.
L'écologie doit donc s'étendre à l'homme aussi. Sa vision de l'humain doit être complète : l'homme lui apparaît singulier et irremplaçable comme toutes les espèces animales. De son côté la technoscience affirme que les repères éthiques et l'essence de l'homme n'ont plus de substance stable, la vie et l'humain étant «ce que l'on pourra bientôt fabriquer».
L'homme fait partie de la biosphère, disent les écologistes : mais il est porteur d'une «énigme» que les écologistes n'ont pas le droit de zapper, s'ils veulent éviter le réductionnisme qu'ils condamnent chez les autres. La pensée écologique est conduite à l'anthropologie. Et de là, plus loin... L'homme est responsable de la planète : soit, mais devant qui?
L'heure des «papes verts»
L'ignorance est générale quant aux positions de l'Eglise catholique sur l'économie. Entre l'image que les Européens ont de cette Eglise, et le contenu de ce qu'elle dit, il y a un hiatus. Dans le domaine écologique, c'est pire : ce qu'en dit l'Eglise est à peu près inconnu du public (et même d'une foule de catholiques). Tout se passe comme si un écran rendait inaudibles les propos des papes.
En 1979, le pape Wojtyla donne «à ceux qui s'occupent d'écologie» un «patron auprès de Dieu». Ce sera saint François d'Assise : le plus radical des écologistes, puisqu'il invitait l'humanité à se sentir la sœur du reste de la Création. En 1982, Jean-Paul II dira à son sujet : «Ce sens de la fraternité universelle, il l'a étendu à toute créature, même inanimée : soleil, lune, eau, vent, terre, feu, qu'il appelait frères ou sœurs, et auxquels il témoignait une respectueuse affection... L'exemple de François dans ce domaine démontre encore ceci avec force : les créatures et les éléments ne seront protégés de toute violation injuste et nuisible que dans la mesure où, à la lumière de l'enseignement biblique sur la Création et la Rédemption, on les considérera comme des êtres à l'égard desquels l'homme est lié par des devoirs sur lesquels il ne lui est pas permis d'agir à sa guise; comme des créatures qui, avec lui, attendent et désirent «leur libération de l'esclavage de la corruption pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu»».
Jean-Paul II souligne la portée radicale de l'écologie chrétienne, articulant le problème écologique et le problème «éthique et moral». Ainsi s'exprimait-il en 1991 dans son encyclique Centesimus annus : «L'homme, saisi par le désir d'avoir et de jouir plus que par celui d'être et de croître, consomme d'une manière excessive et désordonnée les ressources de la Terre et sa vie même. A l'origine de la destruction insensée du milieu naturel, il y a une erreur anthropologique, malheureusement répandue à notre époque (…) Au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l'oeuvre de la Création, l'homme se substitue à Dieu et, ainsi, finit par provoquer la révolte de la nature, plus tyrannisée que gouvernée par lui.» Il faut donc que l'écologie physique se double d'une écologie humaine, insiste Jean-Paul II.
Comment appeler le système qui saccage la Terre ? Jean-Paul II s'est servi du mot «matérialisme mercantile» ou du concept de «structures de péché». En traitant l'homme comme un instrument de production, disait-il déjà en 1981 dans sa toute première encyclique, Laborem exercens, le XIXe siècle a institué «une inversion de l'ordre établi depuis le commencement par les paroles du livre de la Genèse». C'est précisément cette inversion d'ordre qui mériterait le nom de «capitalisme», ajoutait le pape. Il soulignait aussi une différence de fond entre la pensée chrétienne et la théorie capitaliste libérale : «dans le programme du capitalisme pratiqué par le libéralisme», la propriété privée est «un dogme intangible de la vie économique». Au contraire, «dans la tradition chrétienne», la propriété privée doit tenir compte des impératifs de la solidarité et du «droit de tous à utiliser les biens de la Création entière» : c'est le principe catholique de la «destination universelle des biens».
Le 1er janvier 1990, dans son message pour la Journée mondiale de la paix, JPII hausse la voix. Son discours s'intitule La paix avec toute la Création. Remontant à la Genèse, le pape résume la foi biblique : Dieu crée le monde «bon», il charge Adam et Eve de le gérer «avec sagesse et amour», et c'est leur rébellion qui détruit l'harmonie, instaurant «l'aliénation de l'homme par lui-même» et une «révolte de la Terre contre lui» : «(...) lorsqu'il s'écarte du dessein de Dieu créateur, l'homme provoque un désordre qui se répercute inévitablement sur le reste de la Création ; si l'homme n'est pas en paix avec Dieu, la terre elle-même n'est pas en paix». Il cite le prophète Osée : «Voilà pourquoi le pays est en deuil et tous ses habitants dépérissent, jusqu'aux bêtes des champs et aux oiseaux du ciel, et même les poissons de la mer disparaîtront (...)» (Osée 4,3). Et JPII de poursuivre : «C'est maintenant l'ampleur dramatique du désordre écologique qui nous enseigne à quel point la cupidité et l'égoïsme, individuels et collectifs, sont contraires à l'ordre de la Création, dans laquelle est inscrite également l'interdépendance mutuelle.»
Jusqu'à la dernière saison de son pontificat, JPII ne cessera de cultiver l'idée écologique, et d'appeler les chrétiens à s'engager dans ce domaine. A l'audience générale du 17 janvier 2001, il s'adressait ainsi à la foule : «Si le regard parcourt les régions de notre planète, il s'aperçoit que l'humanité a déçu l'attente divine (…) C'est pourquoi il faut encourager et soutenir la «conversion écologique», qui, au cours de ces dernières décennies, a rendu l'humanité plus sensible à l'égard de la catastrophe vers laquelle elle s'acheminait. L'homme n'est plus le «ministre» du Créateur. En despote autonome, il est en train de comprendre qu'il doit finalement s'arrêter devant le gouffre.»
L'Eglise révèle le lien entre l'environnement, le social, l'économique et le politique. C'est en cela que sa démarche est « radicale » (« allant à la racine »).
En 2005, le conclave élit Benoît XVI. La gratitude envers la Création fait partie de l'univers spirituel de Joseph Ratzinger. En 1957, à l'âge de trente ans, il a consacré une thèse universitaire à saint Bonaventure, celui pour qui «l'homme et la nature faisaient partie d'un même projet théologique, cosmologique et herméneutique». En 1986, un livre du cardinal Ratzinger s'intitule Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Il y montre que le christianisme ne serait plus lui-même sans la foi en la Création, et pourquoi, devant la Création, l'idée de l'autolimitation humaine (le «repos», le sabbat, le dimanche) fait partie de l'essence même de la foi.
A la Pentecôte 2006, Benoît XVI appelle les catholiques du monde à protéger la Création contre «l'exploitation égoïste». Le 12 novembre 2006 sur la place Saint-Pierre, il appelle à tout changer, le système mondial et notre propre style de vie. Ses paroles sont acclamées par vingt mille pèlerins. Les médias n'en diront rien. Le 1er janvier 2007, dans son message pour la journée de la paix, il dit : «Cela implique pour l'humanité, si la paix lui tient à cœur, d'avoir toujours plus présents à l'esprit les liens qui existent entre l'écologie naturelle et l'écologie humaine (…) Un lien indissoluble apparaît toujours plus clairement entre la paix avec la Création et la paix entre les hommes. L'une et l'autre présupposent la paix avec Dieu (…) Le problème, chaque jour plus grave, des approvisionnements énergétiques nous aide à comprendre combien est étroit le lien entre ces deux écologies».
Le 23 mars 2007, au congrès de la FAO, une lettre de Benoît XVI est lue à la tribune par l'observateur permanent du Saint-Siège. Le pape déclare (en pur style écologique) que le libre accès à l'eau pour tous, et surtout les peuples pauvres, est un «droit inaliénable de tout être humain». L'eau est un «bien commun de la famille humaine», qui devrait échapper à la privatisation et au marché. Le 23 septembre 2007, il franchit encore un pas dans sa critique de la machinerie capitaliste : «A l'échelle mondiale, deux logiques économiques s'affrontent : la logique du profit et celle de la distribution équitable des biens. L'enseignement social catholique a toujours soutenu que la distribution des biens est prioritaire !» Et il conclut : « Que la très sainte Vierge Marie qui proclame dans le Magnificat que le Seigneur «comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides », aide les chrétiens à user des biens terrestres avec une sagesse évangélique ! »
Ecologie + social : une véritable théologie de la libération
D'où la libération pourrait-elle venir? D'un changement de regard : une vision plus complète et plus équilibrée de l'activité de l'homme, de ses besoins et de son existence. Beaucoup de chrétiens européens n'en ont pas conscience. Le pape Benoît XVI a été élu pour les réveiller. Il explique que le Credo n'est pas séparable du social et de l'écologie. Le spirituel et le social sont indissociables. C'est le message catholique. Le salut éternel annoncé par le christianisme doit produire ses effets ici et maintenant, dans le «temps de la durée présent
05/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (8)
Libéralisme à gauche : le malaise
Analyse de Philippe de Roux, Pierre-Yves Gomez, Olivier Favereau et les Poissons roses :
<< Une guerre perdue à gauche ?
L’action politique est un combat, donc une succession de victoires et de défaites. Pour ceux qui, à gauche, affirment que le respect de la personne doit être au coeur de l’action politique, le mois de janvier 2014 gardera le goût amer de batailles perdues. Qu’ils soient chefs d’entreprises, enseignants, employés, responsables du monde politique, médical, associatif ou religieux, l’inquiétude monte.
L’annonce du « pacte de responsabilité » est une défaite, si on s’en tient au discours éculé sur l’effet positif de la baisse des charges ou à l’exigence naïve de contreparties impossibles à obtenir. Pour que ce « tournant » renouvelle vraiment les fondements de l’économie et impulse de nouvelles formes de création de valeur, il faudrait aussi transformer les représentations de l’entreprise et le « dialogue social ». Pourquoi ne pas généraliser la présence des salariés dans les conseils d’administration, au-delà de ce qui a été timidement concédé par la loi de juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi ? Sans ce type de garantie, le pacte de responsabilité risque de n’être qu’un avatar coûteux des « politiques de l’offre », que l’on sait inefficaces lorsque les débouchés économiques font défaut comme aujourd’hui.
Donner une reconnaissance visible au travail dans le gouvernement des entreprises, ce serait introduire de nouveaux équilibres dans notre société et s’inspirer vraiment du modèle allemand, qui l’a fait depuis 1976 !
Parallèlement, il faudrait clarifier la remise à plat de la branche famille de la sécurité sociale un peu vite désignée pour assurer le financement du pacte de responsabilité. Or la famille est le premier lieu où se bâtit la confiance, le premier rempart contre la précarité et la politique familiale est une pièce essentielle du modèle social français. La fragiliser en temps de crise, c’est jouer un mauvais tour aux plus vulnérables.
Mais on voudrait convaincre que ce tournant économique est « moderne » parce qu’il ressemble au virage libéral négocié dans le champ éthique. C’est une deuxième défaite pour une authentique conscience de gauche. Ainsi, vouloir faire de l’IVG un acte médical « banal » en niant la notion de détresse ne changera rien à la réalité que vivent les femmes au moment de ce choix difficile ! Alors qu’on avorte en France deux fois plus qu’en Allemagne, la libéralisation tous azimuts de l’IVG sera-t-il notre seule réponse à une femme pressée par son entourage d’avorter parce qu’elle n’a pas assez de moyens économiques, parce qu’elle porte un enfant handicapé ou parce que son entreprise n’accepterait pas sa grossesse ?
Une même dérive libérale guette la prochaine loi sur la famille, pour l’instant reportée, avec un amendement octroyant de manière automatique la nationalité française pour les enfants nés de GPA pratiquées à l’étranger. On contournera ainsi l’interdiction du commerce de la grossesse sur le sol français au grand bénéficie des entreprises internationales spécialisées dans le portage d’enfants.
A l’autre bout, la fin de vie inspire aussi les sirènes du « laisser faire » encouragées par l’ambiguïté du "panel" citoyen et une recomposition du Conseil national d’éthique. Avons- nous envisagé sérieusement les conséquences sur nos libertés, d’une légalisation de l’injection létale à des patients en situation de précarité psychologique, alors que la pression financière se fait de plus en plus forte sur notre système de santé ?
De nombreux électeurs de gauche s’opposent à la puissance du calcul économique qui s’impose même à la vie humaine, mais ils sont relégués, par de pseudos progressistes, dans le camp des réactionnaires. Ils continueront pourtant d’être aux avant-postes de la lutte contre l’injustice.
Car notre époque oppose désormais deux conceptions de l’être humain : soit il se pense maître de son existence, de son corps, du début de la vie jusqu’à la mort, confiant en sa seule puissance et liant son bonheur à l’accumulation de richesses. Qu’il le veuille ou non, il deviendra alors un objet de marché et de calcul, de performance ou de rebus. Soit l’homme se considère comme une personne reliée aux autres, déployant sa liberté dans l’interdépendance, assumant ses compétences mais aussi ses fragilités et ses faiblesses, et trouvant son épanouissement dans une organisation sociale fondée sur la bienveillance volontaire et l’initiative au service du bien commun. Il peut alors fonder une société où le calcul économique n’a pas le dernier mot.
Il reste donc à promouvoir à gauche un projet social reposant sur le respect de la dignité de toute personne humaine comme socle de la justice et de la liberté. Tel est le vrai pacte de responsabilité, le nôtre. L’économie suivra, car c’est l’ordre normal des choses. Pour assurer le progrès, inventons s’il le faut de nouveaux moyens d’agir en politique et avançons, sans être désenchantés par des défaites d’arrière-garde…
Philippe de Roux, Pierre-Yves Gomez, Olivier Favereau >>
> Reproduire ici une prise de position ne signifie pas que notre blog la partage intégralement, ou n'y voit pas de lacunes éventuelles.
05/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (5)
Communiqué de l’Union des russophones de France
L’URF "déplore le motif linguistique du conflit en Ukraine" :
<< L’Union des russophones de France est attristée par le conflit mettant aux prises russophones ukrainiens et russes en Ukraine et déplore particulièrement le motif linguistique du conflit, alors que le pays connait déjà une masse d’autres problèmes économiques, sociaux et politiques, autrement importants.
Tous les Ukrainiens, ou presque, sont russophones, à ne pas confondre avec les populations russes qui vivent en Ukraine depuis des siècles aussi. Un russophone connait le russe en plus et parallèlement à sa langue, comme souvent les francophones parlent également d'autres langues.
L’une des premières décisions du nouveau pouvoir de Kiev, à la légitimité contestée dans une grande partie du pays, en raison du recours à la force en violation de l’accord conclu la veille avec la caution de trois ministres de l’Union européenne et la présence d’un médiateur russe, a été l’interdiction du russe dans les régions où cette langue est maternelle. Imagine-t-on Ottawa interdire le français au Québec ? Bruxelles le flamand ? Ou Berne le français ou l’italien ?
Une telle décision est non seulement provocatrice et stupide et on voit les réactions qu’elle a suscitées en Crimée et dans d’autres régions de langue russe. Elle est aussi en complète contradiction avec les principes de l’Union européenne sur le respect des langues régionales et le droit des citoyens à utiliser leur langue y compris dans leur rapport avec l’administration. Car l’interdiction du russe en Ukraine, au-delà de l’atteinte à une liberté fondamentale, a des conséquences : on ne peut évidemment pas empêcher les gens de parler leur langue dans leur cuisine mais l’interdiction empêche de comprendre les actes de justice, les règlements administratifs, les dispositions sociales et même les notices des médicaments, ce qui dans le passé a causé des décès, lorsque les autorités oranges avaient déjà pris des mesures contre la langue russe. L’intention annoncée de brouiller toutes télévisions en russe sont aussi une atteinte à la liberté d’information.
L’Union des russophones de France se réjouit que des voix se soient trouvées à Lvov (Lviv), centre des ukrainophones, pour protester contre la mesure du pouvoir révolutionnaire en proclamant que « nous avons besoin du russe ». Et en effet, c’est grâce au russe que nous pouvons être en contact avec les Ukrainiens aujourd’hui, quel que soit leur camp ou leur opinion. Il en est de même avec tous les russophones du monde.
L’Union des russophones de France déplore en revanche, la complaisance des autorités françaises et de l’Union européenne à l’égard de cette mesure du pouvoir révolutionnaire de Kiev qui constitue une violation directe et caractérisée des principes même de l’Union européenne et, au-delà, de toute l’Europe. >>
Union des russophones de France (URF)
Adresse de contact : Irina Krivova, présidente du directoire
05/03/2014 | Lien permanent
Obama&Barroso veulent faire payer 11 milliards d'euros par l'UE pour aider le régime de Kiev
...ce qui obligera Paris à s'endetter :
Bien entendu, il faut aider les peuples en détresse. Mais il ne faut pas le faire n'importe comment sous prétexte que Washington l'exige. Le « programme d'aide à l'Ukraine » concocté par M. Barroso – un « prêt » de 11 milliards d'euros – pose plusieurs problèmes :
1. Le même M. Barroso somme l'Etat français d'amputer encore un peu plus ses « dépenses publiques » (donc ses aides sociales). Exiger en même temps que le même Etat français s'endette, et cela pour participer à un don de fait de 11 milliards au régime de Kiev, risque d'être mal pris par nos populations. Ajoutez à cela l'engagement (proposé par M. Barroso) de faire don aux Ukrainiens d'une partie du gaz russe payé par les Vingt-Huit... On verra la suite aux élections européennes.
2. Or la crise russo-ukrainienne est largement issue de l'obstination américaine à vouloir étendre l'OTAN vers la frontière russe : obstination contraire aux intérêts de l'Europe... Washington s'acharne à ressusciter la guerre froide depuis le départ d'Eltsine ; M. Obama proclame que la Russie est « du mauvais côté de l'Histoire » [1] ; M. Kerry fait des moulinets oratoires et parle au nom de l'UE ; Mme Clinton compare Poutine à « Hitler » et 2014 aux « années 1930 » [2], etc.
3. Moyennant quoi, M. Obama n'offre qu'un milliard d'euros au régime de Kiev ! C'est par l'UE que Washington prétend faire payer les conséquences de sa politique de néo-guerre froide.
4. Politique qui a fourni à M. Poutine tous les arguments dont il avait besoin...
5. Si d'ailleurs il y a un Etat au monde qui n'a pas le droit de reprocher à un autre Etat la « violation d'une souveraineté nationale », ce sont les USA qui ont envahi et occupé désastreusement l'Afghanistan et l'Irak, et commandité la guerre franco-anglaise en Libye... (On s'abstiendra de rappeler des souvenirs plus anciens comme la Grenade, Panama, Pinochet, le Vietnam ou la baie des Cochons).
6. Peu de médias parisiens se permettent de rappeler ces choses. Beaucoup d'entre eux roulent, non pour le public français, mais pour « la sphère euratlantique » comme disent les technos bruxellois ; on sait ce que ça veut dire.
7. Couché devant Washington, Paris s'identifie à Bruxelles. Les intérêts que sert Bruxelles ne sont pas ceux de l'Europe.
8. Si le futur pouvoir de Kiev, issu de la future élection présidentielle, s'empresse de renouer avec Moscou les relations profitables mais discrètes qu'avait naguère (par exemple) Mme Timochenko, nous aurons donné 11 milliards d'euros et des milliers de tonnes de gaz pour faire rigoler le monde.
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[1] On se demande quelle idée M. Obama se fait de l'Histoire, sachant ce que précédemment il a qualifié de « progrès historique dans la démocratie ».
[2] Alors que Mme Clinton soutient objectivement à Kiev des gens comme M. Tyagnibok et M. Iaroch, qui sont, eux, des judéophobes nationaux-socialistes.
06/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (4)
Ukraine : l'analyse de Jacques Sapir
06/03/2014 | Lien permanent | Commentaires (1)