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26/07/2017

L'hommage au P. Hamel rend son vrai sens à la laïcité (1)

père jacques hamel

Discours de Mgr Lebrun, archevêque de Rouen

(version prononcée ce matin, modifiant la version écrite) :


 

 

<<  Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Ministre d’État, ministre de l’intérieur, Monsieur le Ministre, Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et messieurs les parlementaires, Madame la ministre, M. le député et M. le Maire, Mesdames et messieurs les hautes autorités civiles, judiciaires et militaires, Mesdames et messieurs les élus, Monsieur le directeur départemental de la sécurité publique,

Mesdames et messieurs, habitants de St-Étienne-du-Rouvray, croyants ou non, d’une confession religieuse ou d’une autre, chère Roseline et chère Chantal, chères sœurs, chers amis

La communauté catholique a beaucoup apprécié le désir de M. le maire, d’ériger un monument à la mémoire du Père Jacques Hamel en écho aux souhaits de nombreux Stéphanais et Stéphanaises. Elle est très sensible à votre présence, M. le Président, pour l’inaugurer.

Ce monument prend la forme d’une très belle "stèle républicaine pour la paix et la fraternité et à la mémoire du père Jacques Hamel". C’est une étape importante. Permettez-moi d’en dire quelques mots avant d’accueillir avec vous le message de cette stèle.

La famille, les témoins de l’assassinat du Père Jacques Hamel, la communauté paroissiale et bien d’autres poursuivent ce que nous appelons trop communément un chemin de deuil. Au fil de l’année, j’ai vu une succession d’ombres et de lumières. L’ombre de la disparition et de la tristesse, la lumière d’une présence jamais aussi forte ; l’ombre des regrets et des inquiétudes, la lumière de l’affection qui fait vivre ; l’ombre du souvenir tenace de la violence, la lumière des amitiés consolantes ; l’ombre des soupçons et des accusations, la lumière du pardon recherché ; l’ombre d’interrogations demeurant sans réponse, la lumière de la foi.

La vie personnelle comme la vie commune est jalonnée par ces passages, de l’ombre à la lumière. Il ne serait pas responsable de tenir pour acquise la lumière. St-Etienne-du-Rouvray, pas plus que Jérusalem, New York, Djarkarta, Kinshasa, Alger, Rio de Janeiro ou Rouen ne peuvent se dire une ville sans ombres ni lumières ! Il n’est pas plus responsable et, encore moins chrétien, de penser être dans la lumière, et de juger et condamner les autres aux ténèbres. Pire encore, de penser que nos cœurs sont habités par la seule lumière tandis que d’autres, les autres, seraient les acteurs de l’ombre. C’est vrai dans une famille, dans une communauté, dans un pays, dans le monde.

Des attentats, hier, la profanation de tombe ou de lieux de culte, aujourd’hui, même accomplie par des adolescents, sont une ombre pour toute notre société qui ne sait plus où elle va après la mort, et se croit libre de faire tout ce que chaque individu souhaiterait, y compris abréger sa vie ou empêcher de naître ; c’est une ombre pour notre société qui met de côté des ressources spirituelles en chargeant la loi d’établir la morale, alors que la loi ne peut être qu’une aide, et que la morale vient du profond de notre humanité.

L’aide au développement, le secours des migrants, l’appui aux Etats du Moyen Orient qui redonne espoir aux chrétiens de pouvoir rester chez eux, comme dans la plaine de Ninive, sont, parmi d’autres, des lumières pour toute notre société qui sait qu’elle ne peut vivre bien à côté de ceux qui vivent mal. C’est l’honneur de la France d’être engagée largement sur cette voie. Comment ne pas relier ce que nous vivons, aujourd'hui, à l’entrée dans Mossoul, hier, du Patriarche chaldéen accompagné de trois évêques de France et d’un prélat français ?

Dans une ville, comme dans une église, nos cœurs n’en finissent pas de passer du côté de l’amour. Permettez-moi, au nom même de Jacques Hamel, de lancer cet appel à ceux qui hésitent encore : quittez l’ombre de la haine, passons ensemble vers la lumière de l’amour ! Quittez l’ombre de la division et passons ensemble à la lumière de l’unité ! Quittez l’ombre des mensonges, des égoïsmes, des ego, passons ensemble à la lumière de la vérité et de la fraternité ! Quittez l’ombre de la guerre, passons ensemble à la lumière de la paix !

La stèle que nous inaugurons porte des figures qui semblent être un peu dans l’ombre. Elles semblent chercher la lumière. Puissions-nous nous retrouver tous parmi ceux qui passent de l’ombre à la lumière, de l’ombre de la mort, à la lumière de la vie. Comme le Père Jacques Hamel, je le crois, est passé définitivement de la mort à la vie : la vie éternellement bienheureuse.

La stèle porte un défi, celui - nous l'avons entendu - de l’universel où la lumière ne peut rejoindre quelques-uns au détriment des autres. Tel est le sens d’une déclaration universelle des droits de l’homme. Ayons l’ambition de la fraternité universelle inscrite dans le premier article de la déclaration de 1948 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

Les chrétiens ont une responsabilité immense. Pour eux, la fraternité n’est pas une option. Jésus a révélé le nom de "Père" comme le nom propre de Dieu. Qui sommes-nous alors, sinon des frères et des soeurs ? Pouvons-nous appeler Dieu "Père" sans regarder l'autre et tous les autres comme des frères et des soeurs ? La famille humaine a brisé le lien fraternel lorsque Caïn tue son frère Abel, se séparant ainsi du grand projet divin. Jésus vient restaurer la fraternité, véritable dignité des êtres humains. Il l’a fait au prix de son sang qui crie plus fort que le sang d’Abel pour appeler à la fraternité. Le sang du Père Jacques Hamel est de la même composition que le sang de Jésus ; il crie avec tous les martyrs. Il appelle à la fraternité, sans exclusion, comme en témoigne le rassemblement de ce matin.

Monsieur le Maire, Monsieur le député, M. le Président, chers amis non croyants ou croyants de diverses confessions, nous pouvons avancer ensemble, dans le respect de nos responsabilités, dans le respect de nos esprits et de nos âmes, si divers et si semblables, dans la fraternité !

Le visage du Père Jacques Hamel en bas de la stèle semble regarder vers l’article 18 de la Déclaration universelle : "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé (par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites)."

Ce regard du Père Jacques Hamel tourné vers l'article 18 de la déclaration universelle est-il un hasard ? Vous pouvez penser que je crois plus à la Providence qu’au hasard ! Quoi qu’il en soit, c’est pour moi l’occasion de remercier tous ceux qui comprennent que la communauté catholique peut et veut participer à la vie commune, par ses membres et en tant que communauté. Elle n’a pas d’autre vocation, car elle croit que sa mission est sur terre comme au ciel, sur terre pour le ciel, où nous attend le Père Jacques Hamel. La communauté catholique est aujourd’hui fière de l’exemple donné par le Père Jacques Hamel, frère et oncle, citoyen et chrétien, prêtre catholique. Si l’un de ces aspects pouvait apparaître en premier selon les circonstances, il n’était jamais séparé des autres. L’hommage qui lui est rendu sur cette place et par ce monument en témoigne.

Merci aux artistes Marie-Laure Bourgeois et Vincent Bécheau ; merci de tout cœur, M. le maire, pour votre geste, merci aussi pour votre amitié. Nous la devons au Père Jacques Hamel. Soyons-lui fidèles aussi en cela !  >>

 

 

père jacques hamel

 

Commentaires

LCI

> Bon débat tout à l'heure à la fin des reportages LCI. Accord intéressant entre vous, Montvalon et Benedetti sur la signification profonde de tout ça. Et dans la tranche d'avant (reportage messe), Mgr de Sinety excellent dans l'explication de la liturgie au grand public.
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Écrit par : a. ancelin / | 26/07/2017

ESPÉRANCE

> J'ai lu quelque part que "Hamel" veut dire "espérance" en arabe. Une prophétie, me semble-t-il. D'ailleurs, une vidéo de lui un jour à la TV l'a montré en train de dire que les gens ont besoin d'espérance. Et sa sœur a dit la même chose dans son témoignage.
Dans un monde où le choc Islam-Occident semble inéluctable, Dieu nous montre que la logique du mal s'enrayera. Jacques Hamel réconciliait déjà les chrétiens, les athées et les musulmans quand il était encore vivant. Et il le fait par sa mort.
Comme quoi son martyre ne sera sans doute pas juste un coup d'éclat de plus du terrorisme. C'est un signe de Dieu pour ceux qui cherchent une alternative entre, d'un côté une forme de mépris pour les immigrés et de l'autre, une violence au nom de l'Islam.
L'espérance chrétienne prend tout son sens dans le martyre du Père Hamel. C'est la folie des béatitudes: heureux les doux, heureux les pauvres de cœur, heureux les pacifiques... etc.
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Écrit par : Cyril B / | 26/07/2017

DISCOURS

> Cela, ce n'est pas l'homélie (cf. les photos), mais le discours devant la stèle après la messe !

MG


[ PP à MG :
- Exactement. C'est d'ailleurs pourquoi le titre de ma note dit : "discours".
Quant à la photo (évidemment celle de l'homélie), c'était la seule disponible ce matin. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Michel de Guibert / | 26/07/2017

"BRAVO"

> Très beau discours de Mgr Lebrun. Tout y est : social, sociétal, loi morale naturelle. Tout est dit avec charité et sans "rentre-dedans". Bravo Monseigneur ! Il ferait un excellent successeur pour Mgr Vingt-Trois.
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Écrit par : Charles Vaugirard / | 26/07/2017

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