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20/10/2016

La Wallonie, bouclier des Européens ?

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Résistance belge au libre-échangisme nord-américain :


 

C'est de Wallonie que vient, peut-être, le vrai coup d'arrêt au bulldozer des multinationales nord-américaines. Alors que les autres gouvernements d'Europe (libéraux de gauche ou de droite) se sont inclinés devant le CETA [1] et font mine - sans conviction - de chicaner le TAFTA [2], voilà que le Parlement régional wallon et son ministre-président, le socialiste Paul Magnette, refusent d'entériner le CETA et bloquent ainsi son adoption par le Parlement fédéral belge. Motif de la décision wallonne : "Des difficultés substantielles subsistent sur les mécanismes d'arbitrage entre les Etats et les multinationales, sur les services publics, sur la valeur juridique exacte des documents interprétatifs du texte de base, et sur l'absence de clause de sauvegarde agricole pour les agriculteurs européens - alors qu'une clause de sauvegarde est prévue pour les agriculteurs canadiens".

"Et comment s'assurer que le CETA ne sera pas le cheval de Troie du TAFTA (appelé aussi TTIP), l'éventuel traité de libre-échange avec les Etats-Unis ? Comment faire en sorte que les multinationales ayant un siège au Canada n'utilisent pas le CETA pour bénéficier de tous les avantages qu'offrirait celui-ci et anticiper le TAFTA ?", déclare M. Magnette au Monde.fr du 20/10.

D'où la question révélatrice du journaliste : "Vous comprenez l'agacement de certains de vos partenaires ?"

"Agacement"... Il faut plutôt parler de consternation. C'est notamment le cas du ministre fédéral belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, wallon aussi mais libéral. En faveur du CETA comme du TAFTA - honnis en Europe par l'opinion mais soutenus par la classe politique -, M. Reynders s'était aligné sur ses homologues de l'UE... (Pologne en tête, ce pays étant l'un des membres de l'UE qui préfèrent l'Amérique [3] comme l'affaire des hélicoptères vient de le confirmer). Que certains Etats membres favorisent l'industrie américaine plutôt que l'industrie européenne est d'ailleurs conforme au dogme de la Commission, devenue l'outil du libre-échange global... D'où l'irritation des commissaires découvrant que la Wallonie résiste au CETA avec quelques chances de succès.

D'autant que M. Magnette emploie des arguments que la Commission croyait obsolètes : "La particularité wallonne, c'est que notre Parlement a voulu utiliser ses prérogatives. Il est actif et vigilant pour tout ce qui concerne les politiques internationales, ce qui n'est pas le cas partout, je le sais. Nos députés sont très au fait du traité : d'où une situation plus difficile que dans d'autres Etats membres où le débat s'est cantonné à la sphère exécutive. Et que cela plaise ou non, cette assemblée (wallonne) a le même pouvoir constitutionnel qu'un Etat membre. Je suis en désaccord total avec M. Macron et d'autres, qui estiment que de tels textes ne devraient pas passer par les parlements. Ce qui alimente aujourd'hui la crise de l'Europe, c'est la manière de négocier des textes d'une telle importance... La crise de l'Europe, c'est une crise de confiance dans les institutions." [4]

M. Magnette n'hésite pas à braver la Commission : "On ne peut pas nous dire "ce traité est parfait, vous ne comprenez rien' !"

La présidente des libéraux flamands, Gwendolyn Rutten, prône en effet un putsch fédéral : elle demande que le gouvernement belge ratifie le CETA sans tenir compte du Parlement wallon. Les libéraux jugent-ils que le libre-échange et l'atlantisme valent de briser le fragile équilibre constitutionnel de la Belgique ? M. Magnette relève le défi : "Cela m'obligerait, dit-il, à utiliser tous les moyens que les règles constitutionnelles offrent pour faire valoir les droits de la Wallonie." Crise de régime en vue... Et démonstration de ce qu'est devenue la "construction européenne", qui ressemble de plus en plus à une guerre feutrée contre les peuples.

Choqué par la résistance wallonne, Le Monde l'accuse de "devenir le porte-drapeau de tous les anti-libre-échange européens, mouvement qui coalise des ONG, des écologistes, l'ultra-gauche et des populistes de droite". Convergence des luttes ?

 

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[1]  Canada / UE.

[2]  Etats-Unis / UE.

[3]  "Relations between Canada and Poland are excellent, with broad, high-level political contacts, expanding commercial and economic relations, effective military coopération and ever broader range of ties", déclare l'ambassade canadienne de Varsovie dans sa page "CETA". Le terme "military cooperation" désigne les préparatifs - en cours - de guerre euraméricaine contre la Russie.

[4]  Le Monde, ibid. On pourrait rappeler à M. Magnette que cette "manière"  - contourner les Parlements - était préconisée dès 1947 par Jean Monnet et le lobby atlantiste.

 

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Commentaires

LE MÉPRIS

> La dernière accusation portée par "Le Monde" mérite que l'on cite le titre de l'article dont elle est tirée : "La résistance des Wallons menace de couler le CETA". On y sent comme une indignation... un rien méprisante. Encore un peu, et ils auraient titré : "Un beau rêve menacé par l'entêtement de vulgaires élus d'un sous-peuple".
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Écrit par : Sven Laval / | 20/10/2016

Sur la Pologne:

> Préfère l'Amérique, oui. Mais certains déchantent.
Il y a surtout d'une russophobie structurelle, aussi forte que sa germanophobie, qui s'explique par le très lourd contentieux historique: partages de la Pologne au 18ème s., pacte germano-sovietique et nouveau partage (territoires jamais rendus), Katyn, non-assistance à l'insurrection de Varsovie, dictature prosovietique. Cela fait beaucoup et fait de l'OTAN et de l'Amérique des vaches sacrée protectrices.
Dans l'affaire du Caracal, il y a aussi des histoires tarabiscotées de politique intérieure.
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Écrit par : Pierre Huet / | 20/10/2016

GAULOIS

> Peut-être serait-il de saison de rappeler que de nos ancêtres (les Gaulois) ce sont les Belges les plus courageux !
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Écrit par : Benoît Girard / | 21/10/2016

RAGE

> En attendant de prendre leur revanche par tous les moyens possibles, y compris les moins démocratiques, les "élites" européennes et canadiennes s'étranglent de rage. Pendant ce temps, nous, nous réécoutons Debussy !
https://www.youtube.com/watch?v=oZt2WPj4f9s
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Écrit par : Lucas / | 21/10/2016

MERCI LES WALLONS

> Merci les wallons, il ont réussi alors que les autres faisait seulement mine de résister aux gros intérêts des multinationales, tout en étant prêts à céder. J'ai honte pour la France, incapable de s'opposer aux intérêts défendus par les lobbies bien présents à Bruxelles, malgré les grosses menaces sur les prérogatives des Etats, censés défendre l'intérêt général.
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Écrit par : Didier Provost / | 21/10/2016

"COURAGE POLITIQUE EXEMPLAIRE"

> 88 députés européens soutiennent le parlement wallon dans une lettre ouverte dont j'extrais le dernier paragraphe :
"Dans un contexte de profonde crise démocratique, votre position et votre courage politique sont exemplaires. Écouter et répondre aux inquiétudes émanant de la société civile sont, aujourd’hui, une nécessité pour tous les responsables politiques. Car une démocratie coupée d’une société civile vigoureuse, sans représentants politiques responsables, est une démocratie vidée de sa substance. "
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Écrit par : JR Larnicol / | 22/10/2016

Les commentaires sont fermés.