20/05/2016
Tafta : les équivoques de François Hollande
L'UE sous le talon des lobbies :
Quand nous parlions de la résistance "timide" affichée par Paris envers l'engrenage du traité de libre-échange euro-américain, nous étions au dessous de la vérité. Le Monde (20/05) révèle que le gouvernement français fait partie du groupe de cinq Etats* qui proposent secrètement "l'instauration d'une juridiction d'exception européenne au service des entreprises souhaitant attaquer les décisions des Etats".
Il s'agit de l'Investment Court System, ou ICS, qui aurait ainsi le même rôle que l'Investor-State Dispute Settlement, ou ISDS, prévu par le projet de traité : un "système arbitral hors-sol" au bénéfice des multinationales, avec toutes les conséquences imaginables à l'encontre du droit social et de l'environnement.
Le quotidien précise que l'argumentaire du groupe des Cinq pour l'ICS "ressemble étrangement" à celui adressé en février à la Commission par le lobby industriel BusinessEurope.
De deux choses l'une :
1. M. Hollande ne sait pas ce que contient le document ICS visé par M. Macron, ce qui constitue un exemple-limite d'incompétence de l'exécutif ;
2. ou bien il est au courant, ce qui est nettement plus probable.
Relisons en effet sa déclaration du 14 avril. Au cours de l'émission de France 2, il avait pris un air résolu pour dire ceci :
"La France a fixé ses conditions, la France a dit que s'il n'y a pas de réciprocité, s'il n'y a pas de transparence, si pour les agriculteurs il y a un danger, si l'on n'a pas accès aux marchés publics, et si, en revanche, les Etats-Unis peuvent avoir accès à tout ce qu'on fait ici, je ne l'accepterai pas."
Réciprocité, transparence, agriculture, marchés publics et autres généralités... Mais rien sur le point concret qui soulevait la polémique en Europe : les cours d'arbitrage, arme du privé contre les Etats et les lois nationales. C'est le dispositif le plus stratégique prévu par le Tafta. Et c'est le combat numéro 1 des défenseurs de l'économie européenne. M. Hollande s'est gardé d'y faire allusion ; cette esquive aurait dû alerter. Qu'il ait correspondu à l'hypothèse 1 ou à l'hypothèse 2, le silence de M. Hollande couvrait l'opération ICS.
Qui s'en offusque aujourd'hui ? Certains journalistes apparemment ; mais pas l'opposition. Si vous cherchez des hommes et des femmes décidés à se battre contre la mainmise absolue des multinationales sur notre société, ne les cherchez pas chez MM. Juppé, Sarkozy, Fillon et Le Maire.
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* France, Allemagne, Autriche, Finlande, Pays-Bas.
13:23 Publié dans Economie- financegestion, Europe | Lien permanent | Tags : tafta ttip