Attentats de Bruxelles : Daech fait encore un pas en avant

 

...pour dresser les "communautés" les unes contre les autres :

 

 

Le premier eurodéputé interviewé ce matin à Bruxelles par France Info était Louis Aliot (FN). Il a incriminé – à juste titre – les réseaux de soutien qui ont permis, non seulement à Abdeslam de se planquer à Bruxelles pendant quatre mois, mais à Daech de riposter dans le plus bref délai à l'arrestation d'Abdeslam.

En termes moins mesurés qu'Aliot, de nombreux tweets s'en prennent à toute l'immigration : comme si chaque Arabe en Europe était le complice potentiel du terrorisme.

Or l'objectif des attentats est de créer un fossé entre les Européens "de souche" et les musulmans immigrés.

Daech et ses ennemis les plus "virils" (se voulant tels) partagent donc le même but. C'est paradoxal.

De la part de Daech ce but fait partie d'une stratégie, celle de tous les terrorismes insurrectionnels : forcer deux populations à se séparer et s'affronter, en commençant par faire couler entre elles une rivière de sang. Atroce mais rationnel.

Ce qui n'est pas rationnel, c'est de croire combattre Daech en appliquant la même logique de séparation et d'affrontement. Le vrai contreterrorisme n'est pas un "terrorisme contraire" mais le contraire du terrorisme. C'est ce que veut faire comprendre le général Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre (CEMAT en jargon militaire) dans sa tribune du 21 mars au Figaro : appelant à la "cohésion nationale", il constate que l'ennemi progresse auprès de jeunes Français par une "offre de valeurs" que l'on ne peut combattre que par "une offre supérieure" ; la juste riposte au mythe djihadiste serait de "prendre l'ascendant dans le champ immatériel" en "rassemblant autour de nos valeurs", écrit le CEMAT.

C'est l'inverse du réflexe des twittos virils : remercions le général de cette manoeuvre de dégagement, d'autant plus efficace – auprès de certains – qu'elle vient d'un parachutiste, ancien patron d'un des services de renseignement français*.

L'analyse du général Bosser est exacte. A une question près : que sont "nos valeurs" ?

L'incertitude la plus nébuleuse règne à ce sujet. Les théories s'affrontent.

L'idéologie officielle assimile "les valeurs" à "la République", assimilée elle-même (depuis une vingtaine d'années) à un marketing justifiant tous** les comportements au nom de l'individualisme libéral et du multiculturalisme ; d'où un discours vide.

A l'extrême droite, qui ethnicise et dialectise "les valeurs" ("blancs" contre "muz"), et à l'extrême gauche, qui donne à l'immigration valeur de "nouveau prolétariat révolutionnaire", on trouve une vision diviseuse qui coïncide avec celle de Daech.

Où trouve-t-on "l'offre supérieure", le « "champ immatériel" capable de "rassembler", que souhaite le général Bosser ? Nulle part ailleurs – corrigez-moi si je me trompe – que dans le christianisme... Non le pseudo-christianisme des identitaires (masque ou cagoule pieuse de la dialectique d'extrême droite) : mais la foi au Christ, telle que l'incarne par exemple le pape François. Les virils twittos anti-muz l'insultent parce qu'il n'appelle pas à un nouveau Lépante*** ; mais ce qu'il dit de notre société est lucide, réaliste, c'est la seule chose que puisse dire un chrétien, et c'est la seule entreprise à tenter si l'on veut éviter le pire sur le continent européen. François a raison : si nous voulons opposer à une stratégie de la mort une stratégie de la vie, nous devons faire vivre dans notre société, et proposer à tous – jeunesse en tête – les valeurs que le matérialisme mercantile interdit : la solidarité, la générosité, les échanges non marchands, le service des biens communs et du Bien commun. Si nous ne montrons pas aux jeunes autre chose que l'anomie et l'empire du néant, nous aurons le désastre.

 

_______________

* La Direction de la protection et de la sécurité de la Défense (DPSD), qu'il a dirigée de 2012 à 2014. Son successeur est le général Hogard.

** ou presque tous.

*** aussi stratégiquement inutile que la bataille de 1571...