'Le Monde' et la fin des illusions [3]

80 économistes mettent en cause le libéralisme :

 

Voilà 80 économistes qui mettent en cause (avec une virulence digne du pape François) le carcan libéral dont souffre l'économie européenne ! Cette page 7 du Monde Eco & Entreprise étant « réservée aux abonnés », je ne peux en donner qu'un bref aperçu.

Le collectif d'économistes accuse la « thérapie de choc » eurolibérale d'avoir entraîné... une forte hausse de la dette publique, et « une course mortifère à la compétitivité par l'austérité » qui s'est traduite par un « effondrement de l'activité » et une « explosion du chômage et de la pauvreté ».

Il est temps, disent-ils, de reconnaître que « l'introduction de l'euro dans des économies hétérogènes et sans mécanismes correcteurs a conduit à des déséquilibres majeurs » ; et que « les règles néolibérales actuelles demandent [aux pays d'Europe du Sud dont la France] de regagner en compétitivité par la déflation interne (baisse des salaires et des dépenses publiques), ce qui alimente leur récession et, partant, limite leurs investissements et donc leurs capacités de redressement... »

Les 80 économistes concluent en appelant la France à proposer « aux pays qui le souhaitent » un « pacte de reconstruction faisant primer l'urgence économique et sociale sur les règles néolibérales ».

On peut discuter l'idée que ces économistes se font de l'urgence économique. Ils consacrent un tiers de leur texte à des propositions de « nouveau pacte productif à la fois écologique et social » ; lier le social à l'écologique ne peut que susciter nos applaudissements papistes, mais le mot « productif » recouvre un mixte d'idées saines et d'équivoques, signe d'une évolution des esprits qui n'est pas encore achevée.

Si cette page du Monde mérite l'attention, c'est dans sa dimension de critique anti-libérale. Sourions à l'idée de M. Gattaz lisant dans le quotidien-de-référence que « les logiques financières et spéculatives dominent les grands groupes et écrasent les sous-traitants » ; ou de M. Lafont (notre note du 5/02) entendant ces économistes appeler les cadres dirigeants (« étranglés par les exigences des banques et des actionnaires ») à « se dissocier de la stratégie agressive du Medef ». La vision que les 80 se font d'une « transition écologique et sociale » reste à préciser, mais il est bon de voir autant de professionnels de l'économie « remettre en cause ces règles néolibérales qui font que l'Union européenne est devenue la grande malade de l'économie mondiale ». Et faire cela dans Le Monde, organe central (jusqu'à présent) de la machine UE et de la mondialisation libérale...