"Où donc est passée Christiane Taubira ?"

  ...s'inquiètent nos médias :

 

« Avis de recherche de Christiane Taubira », titrent des éditoriaux du 23 décembre. Il s'étonnent de ce que la ministre de la Justice, « icône de la gauche » lors du mariage-pour-tous, devienne muette sur des questions qui touchent pourtant ses idées et son ministère : droit de la nationalité, droits du citoyen face à la police, mesures d'exception administratives, perquisitions sans mandat, restrictions aux libertés, etc : tout ce que suscite le régime Hollande, sous le nom d'état d'urgence, afin de nous protéger des maraîchers bio et des marcheurs climatiques (que l'on inquiète à tour de bras) ; voire des tueurs jihadistes, qui courent toujours.

Le silence de Mme Taubira s'explique. Il est fonctionnel. Elle a parlé d'abondance (dans le style qui la fit comparer à l'immortel maire de Champignac*) aux temps du mariage-pour-tous. Pourquoi ces flots d'éloquence lui acquirent-ils les galons d'icône de la gauche ? Parce que la gauche de l'ère postdémocratique se réduit aux questions de moeurs, good business** capitaliste puisque branche du marketing des comportements. C'est la zone de chalandise qui avait été affectée à la garde des Sceaux par la machine économique, que la gauche sert depuis qu'elle a renoncé à être une gauche.

Passées les vendanges, adieu le saint ; passée la « bataille » (jouée d'avance) du mariage-pour-tous, adieu Taubira... Finies les envolées... La dame n'intéresse plus son propre camp, occupé ailleurs. Elle ronge son frein en silence. Elle avale plus de couleuvres que ne fit Mme Duflot, qui semble d'ailleurs aspirer à en avaler de nouvelles – car il faut vivre.

En effet le régime Hollande est passé à autre chose : le service du néocapitalisme lui demande des tâches moins cool que de marier des gays. Il s'agit de faire passer le système hexagonal dans l'ère de la postdémocratie des algorithmes, où le débat politique sera replacé par l'engrenage d'une programmation-répression avec mise au rencart des anciennes garanties du citoyen ; le tout sous l'oeil placide du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel, rodés depuis vingt ans à ajuster le droit public français à l'engrenage bruxellois (qui a plusieurs tours d'avance sur Paris dans le processus du Meilleur des mondes, étant en plus totale symbiose avec les lobbies économiques et financiers).

Mme Taubira avait été embauchée pour mettre en lyrics l'opération mariage-pour-tous. Elle est au placard depuis. Comme naguère et demain Mme Duflot, elle s'abstient de se plaindre car elle a appris le stoïcisme à l'école d'Hégésippe Simon, pionnier des Nouvelles Valeurs aux temps légendaires de la levée en masse contre la Réaction néo-mérovingienne ; comme le prédisait la garde des Sceaux dans son discours du 30 février 2012, « la vie n'est qu'un tissu de coups de poignards qu'il faut savoir boire goutte à goutte ».

Reste cette expression : « Icône de la Gauche », reprise en boucle par nos journalistes pour désigner la dame qui leur manque. Ils disent « icône », non au sens d'Andréi Roublev dont ils ignorent l'existence, mais au sens du jargon informatique dans lequel le mot « icône » désigne des symboles graphiques sur les écrans : petits signes à cliquer pour obtenir certains résultats. C'est aussi le rôle des stars dans l'univers médiatique du people : rôle sans autre signification que fonctionnelle, c'est-à-dire commerciale. Etre qualifiée d'icône n'est pas un éloge : mutatis mutandis, Nabilla et Kardashian sont aussi des icônes.

Quant à être une icône « de gauche »... Cette « gauche » a renoncé à ce qui la définissait depuis cent ans, pour se reconvertir en trois fonctions seulement : a) facilitatrice de plans cul  tous azimuts ; b) barreuse-de-route-au-FN ; c) fléau des zadistes.

Et c'est pour ça que l'on instaure l'état d'urgence permanent, avec son cortège d'erreurs, de préjudices et d'impunités ?

 

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* Les vieux lecteurs de Spirou s'en souviennent : 

 

 

 

 

 

 

** Dixit Lloyd Blankfein, on se lasse pas de le rappeler... Effet synchrone du putsch ultralibéral des années 1990, la campagne (publique) d'institutionnalisation des nouvelles moeurs est un produit du marketing (privé) des comportements. D'où le soutien massif que lui apportent les multinationales, comme on l'a vu aux USA en mars-avril 2015 dans l'extraordinaire affaire d'Indiana que l'universitaire catholique américain Patrick Deneen nous a révélée : tous les détails sont dans mon livre Face à l'idole Argent, la révolution du pape François (Artège, novembre 2015).