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02/12/2015

La faiblesse géopolitique est inhérente à l'UE

Par exemple face au chantage de M. Erdogan...

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Mais pourquoi cette faiblesse ?


 

Revenons sur l'événement du week-end dernier : c'est une leçon terrible. Dimanche, M. Erdogan exige de Bruxelles une reprise du processus d'adhésion de la Turquie, une suppression des visas d'entrée en Europe pour les Turcs, et une aide financière afin de « pouvoir conserver sur le territoire turc les deux millions de réfugiés syriens qui s'y trouvent ». Bruxelles cède aussitôt, oubliant que M. Erdogan avait commencé par lancer vers l'Europe des dizaines de milliers de migrants en vidant manu militari  la moitié des camps turcs ! 

Bruxelles oubliait aussi que M. Erdogan avait fait arrêter (le 26 novembre, quatre jours avant son chantage victorieux sur l'UE) le directeur de la publication et le chef du bureau d'Ankara du quotidien centriste Cumhuriyet, coupables d'avoir prouvé les livraisons d'armes turques à Daech en Syrie. Les deux journalistes, Can Dündar* et Erdem Gül, avaient en effet publié des documents et des photos de camions des services secrets turcs acheminant ces armes : un millier d'obus de mortier, 80 000 munitions  de  tout calibre  et des centaines de lance-grenades... La semaine dernière, le procureur a annoncé que Gül et Dündar allaient écoper de vingt ans de prison pour « espionnage politique et militaire ». Quant à M. Erdogan, il a déclaré : « Peu importe si ces camions transféraient des armes. » Son double jeu s'affiche impunément.  

Peu importe, en effet ! Ankara a aggravé (en soutenant Daech) la fuite de milliers de Syriens qu'il a dirigés ensuite vers l'Europe. Pendant qu'il se plaint de n'avoir pas les moyens de faire face à ce déferlement de réfugiés, M. Erdogan alimente la guerre qui pousse les réfugiés dehors. Mais l'Europe fait semblant de ne rien savoir et donne à M. Erdogan ce qu'il exige ; elle se met ainsi dans une situation de victime d'un chantage sans fin.  

Sans compter ce paradoxe : les plus « européens » des Européens ferment les yeux sur le chauvinisme tyrannique du régime d'Ankara, profil politique que l'UE interdit pourtant à ses membres ! M. Orban (qui en fait bien moins) est conspué à Bruxelles, mais  M. Erdogan est salué avec chaleur. 

Cette faiblesse est inouïe. Et elle est structurelle : sa cause est l'esprit même de la construction européenne (l'esprit d'une entreprise sans esprit). Aucune incantation ne peut masquer cela... Conçue pour « jouir des dividendes de la paix », comme annonçait le malheureux Fabius il y a vingt-cinq ans, l'UE part en morceaux dès qu'il n'y a plus de paix – ni de dividendes ! 

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* Lauréat 2015 du prix de Reporters Sans Frontières.

 

 

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16:04 Publié dans Europe, Turquie | Lien permanent | Commentaires (0)

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