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13/10/2015

François, le "pape du peuple" qui désoriente la droite

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Hésitations révélatrices de Philippe Bilger :


 

Je ne sais comment l'ex-magistrat Philippe Bilger se situe par rapport à la foi catholique, mais visiblement il est préoccupé par le pape François : il lui consacre de nombreux articles qui louvoient entre l'inquiétude et l'admiration. 

images.jpgEn juillet dernier l'inquiétude dominait : sur un site de droite, l'ex-magistrat écrivait que François, « jouant avec le feu et avec la foi », était en train d'inventer une Eglise « libérée de la théologie »... Bizarre façon de voir les choses, alors que l'engagement de Jorge Bergoglio aux côtés des peuples est profondément théologique !  Philippe Bilger pourrait consulter le livre du jésuite Juan Carlos Scannone, François, le pape du peuple (Cerf 2015) : il y trouverait des éléments sur la « théologie du peuple » sud-américaine (en particulier au chapitre 2, Une théologie pour un pape).

Ça devrait le rassurer. Car M. Bilger est effrayé par François. Comme tel journaliste parisien bien-pensant, il a été secoué en juillet par le discours de Santa-Cruz, dans lequel il a cru discerner « une vision de dénonciation et de révolte qui apparemment a plus à voir avec la lutte des classes qu'avec une classique conception de la justice sociale ». J'ignore ce que M. Bilger et les libéraux appellent « une classique conception de la justice sociale » (une poignée de main et un salut scout lors des licenciements boursiers ?), mais je l'invite à relire posément le discours en question : la fausse piste du grand soir y est clairement rejetée, au profit d'une conception chrétienne de la justice due aux pauvres. Et de l'instauration de structures justes... M. Bilger n'avait pas l'air de savoir que Joseph Ratzinger en personne, en 1986 et à propos des théologies de la libération, a souligné la nécessité de changer les structures économiques et sociales injustes ! Telle est la pensée constante de l'Eglise, même si elle contrarie l'idéologie libérale.

Le pape François exprime la pensée chrétienne d'une façon que M. Bilger, en juillet, jugeait « périlleuse », voire « suicidaire » (ce serait aussi l'avis du Grand Inquisiteur de Dostoievsky). Le pape François heurte la sensibilité de bourgeois catholiques, mécontents, disait M. Bilger, « d'être ainsi bousculés » ; est-ce le fait d'irriter cette bourgeoisie que M. Bilger jugeait « suicidaire » ? Si c'est le cas, il réagissait en juillet comme ces « athées pieux » - expression de Mgr Daucourt en 2013 - dont la sollicitude mal informée harcelait l'Eglise depuis deux ans.

Mais voici qu'au sujet du dossier du Point du 8 octobre, M. Bilger semble changer radicalement de ton ! Maintenant il juge le pape François « exceptionnel et fédérateur » : c'est « l'homme le plus influent du monde », « une grâce pour le monde entier » ; avec François « on est passé d'une gravité peu mobilisatrice à un enthousiasme exaltant » ; « les injonctions que le pape François donne à l'Eglise catholique sont applicables à l'ensemble des institutions humaines » ; « il a un rôle décisif sur le plan international car il cherche à réconcilier les adversaires »... Au total, ce pape « permet à l'Eglise de retrouver un élan et une vigueur qu'elle avait complètement perdus ».*

Je suppose que ces extraits, tirés des dépêches d'agence, reflètent l'esprit du dossier du Point – que je n'avais pas lu et que je vais me procurer de ce pas.

Si oui, que s'est-il passé entre l'été et l'automne 2015 pour que Philippe Bilger change ainsi d'avis ?

J'imagine qu'il a rencontré des catholiques plus chrétiens que ceux de l'ultra-droite ; et je conseille à Eric Zemmour de faire ce même genre de rencontres. Il est temps de cesser de raconter n'importe quoi quand on parle de l'Eglise.

 

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* Jugement d'ailleurs inexact. Bilger ne fait pas dans la nuance. 

 

 

Commentaires

ZIGZAGS

> Pour ma (toute petite) part, je me rappelle avoir lu chez Philippe Bilger des formules pleines d'admiration pour le pape François bien avant cet automne 2015. Ses apparentes "hésitations" ne résisteraient sans doute pas à une lecture complète et empathique de ce qu'il a écrit depuis environ deux ans. Lesdites "hésitations" ne me semblent guère "révélatrices" d'une attitude globale de "la droite", car Philippe Bilger, qui ne manque pas d'indépendance d'esprit, ne peut pas être catalogué facilement. Et puis il est bon que nous, catholiques, sachions considérer toute convergence, même ténue, avec nos convictions comme un premier fruit de la grâce et un signe d'espérance.

JMS

[ PP à JMS - Certes. Mais en juillet, Philippe Bilger accusait le pape de "jouer avec la foi" à cause du discours de Santa-Cruz : ce qui ne ressemblait guère à une analyse pleine d'empathie. Tantôt il réagit avec intérêt, tantôt il semble partager les crispations de la droite libérale... C'est bien pourquoi je parle d' "hésitations". Les zigzags sont fait de zigs et de zags. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Jean-Marie Salamito / | 13/10/2015

> Serait-il passé au Viet Minh ?
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Écrit par : Olaf / | 13/10/2015

LE DISCOURS DE SANTA-CRUZ

> Merci, cher PP, de nous rappeler le discours de Santa Cruz.
Ainsi de la dénonciation du « pouvoir anonyme de l'idole argent » et de « certains traités dits “de libre commerce” (…) qui serrent toujours [plus] la ceinture des travailleurs et des pauvres ».
Il est réconfortant d’entendre le pape s’en prendre aux ravages de « l’idole argent »…
Il n’est certes pas le seul ! Voyez par exemple ce matin, sur BFM-TV et RMC (chez Jean-Jacques Bourdin), et dans un registre moins évangélique (quoique…), la prestation de Jean-Luc Mélenchon.
Il s’est dit prêt à aller en prison à la place des syndicalistes d’Air-France traités comme des « bandits » !
Surtout, il n’a pas hésité à mettre en perspective voire en relation le départ contraint de 2900 salariés dont 1900 personnels au sol et les 400% d’augmentation du PDG de la compagnie aérienne depuis 2011 (calcul effectué, aurait-il dû préciser, à partir du salaire de directeur de cabinet du ministre de l’Economie, son poste précédent, qu’il quitta en 2011 pour la direction d’Air France).
Mélenchon a raison d’utiliser un tel argument mais il ne va pas assez loin dans la dénonciation des noces souvent honteuses du politique et des puissances financières. Car il est évident que toute cette provocation de quelques syndicalistes d’Air France, tentant de mettre leurs dirigeants à poil, n’aurait pas eu lieu si l’Etat français n’avait pas porté très récemment sa participation dans le capital d’Air France à 17%, endossant ipso facto une responsabilité majeure dans la saignée imposée aux personnels de l’entreprise !
Pour ma part, au-delà du cas d’Air France – compagnie qui serait certes plus crédible si elle tirait les leçons de « Laudato Si » en vue d’une saine décroissance –, je ne suis pas loin de penser comme Mélenchon… lorsqu’il invite les salariés et leurs représentants syndicaux à manifester en scandant « Tomber la chemise » ou « A poil ! », à l’intention de dirigeants avides et trompeurs.
Je les comprends et je me demande même si les syndicalistes français ne devraient pas être encore plus explicites dans leurs slogans. Plus directs vis-à-vis de ce « nouveau colonialisme » américain qui nous menace, notamment à travers le « partenariat transatlantique de commerce et d'investissement » ou traité Tafta.
A leurs slogans « Tomber la chemise » et « A poil », nos syndicalistes devraient ajouter : « Du goudron et des plumes ! »… ce serait là un juste retour des sévices idéologique, idolâtrique (et schisto-gazeux) que nous impose l’Oncle Sam !
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Écrit par : Denis / | 13/10/2015

@ Denis :

> les bons libéraux nous répondront, avec hauteur, qu'il faut faire plus de "pé-da-go-gie" avec les salariés (Air-France & autres) et les peuples (TAFTA & co.), qui sont décidément obtus, stupides, et ne comprennent rien au mantra éternel du TINA ("There Is No Alternative").
La "paidéïa", normalement, concerne les enfants. L'infantilisation perpétuelle des gens par ces pseudo-élites de l'hyperclasse est insupportable. Vive en effet les mouvements populaires, dans la lignée de Santa Cruz, vive l'écologie des pauvres !
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Écrit par : Alex / | 13/10/2015

LA SEULE

> En définitive, on pourra retenir que l'Eglise ou le synode ou le concile... ne sont pas une démocratie...
Mais elle reste la seule instance -de 2000 ans de bouteille, quand-même- qui parle encore des peuples et aux peuples en tant que tel !
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Écrit par : Fernand Naudin / | 15/10/2015

DÉBATTEUR

> Pendant ce temps sur RND radio chrétienne, un débatteur du vendredi matin passe son temps à distiller petites phrases et sous-entendus assez critique envers le pape François... Fatiguant.
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Écrit par : Tangui / | 16/10/2015

CHEZ LES BERGOGLIOPHOBES

> Là, le feutré le cède au véhément (tout en adoptant une posture pseudo-repectueuse ) :
http://www.libertepolitique.com/Actualite/Editorial/Le-pape-dans-la-tourmente
Extrait :
"Sur l’écologie, l’encyclique Laudato si’ prend un parti-pris fort d’acceptation des thèses écologiques développées par les forces mondiales de gauche et d’extrême-gauche, pour le plus grand bonheur des socialistes et verts de tous les pays, qui en recommandent la lecture et se découvrent soudain défenseurs de l’Église, eux qui œuvrent en permanence pour la faire disparaître."
Tout est dit, non ?
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Écrit par : Feld / | 16/10/2015

SUISSE

> Bonne surprise de trouver dans le n° du 2/11 du bimensuel suisse 'Zeit-Fragen' et son édition française 'Horizon et Débat', tant les éditions papier que sur internet, l'intégralité du discours du pape François:
http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=1
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Écrit par : Pierre Huet / | 09/11/2015

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