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06/09/2015

"Résister aux tentations indignes du nom de chrétiens"

L'éditorial du P. Gabriel Delort Laval (curé de la paroisse Saint François de Sales à Paris) sur le drame des migrants : 


 

 

 

Que faire ?

 

J’aurais bien préféré écrire un édito léger souhaitant bienvenue aux uns et bonne rentrée aux autres. Mais les faits, ici une simple photo, nous obligent.

Il avait l’âge de la première entrée à l’école. Ses parents fuyant Kobané et la guerre voulaient venir chez nous. Il n’entrera pas chez nous et jamais à l’école.

La courte vie d’Aylan s’est terminée en tragédie et à travers lui c’est l’épreuve de tant de réfugiés qui a trouvé un visage. Une foule fait peur par sa masse et son anonymat. Mais toute foule est une somme d’histoires particulières, de personnes uniques, précieuses aux yeux de Dieu, aimées de Lui et qui nous sont confiées.

« Qu’as-tu fait de ton frère ? », demande Dieu à Caïn venant de tuer Abel.

« Suis-je le gardien de mon frère ? », répond Caïn à Dieu, dévoilant qu’à la racine de son cœur meurtrier il y a l’indifférence.

Nous sommes contraints de renoncer à l’indifférence car le « problème » vient à nous, il frappe à notre porte et nous ne pouvons pas nous réfugier sous la couette en espérant que, de guerre lasse, il ira frapper ailleurs.

Il n’a pas d’ailleurs.

Que faire ?

Evidemment accueillir, ou plutôt recueillir, celui qui est perdu. Quand un dirigeant européen ferme ses frontières et bâtit un mur pour « protéger l’Europe chrétienne », il nous prend en otages de ses vues et impose un prétendu « égoïsme chrétien », insupportable oxymore, comme mesure de bon sens. Nous ne pouvons pas l’accepter. 

Mais cet accueil indispensable ne règlera pas la question.

Nous devons avoir le courage de traiter les causes de ces exodes. Si, comme certains le pensent, « avec Daech, faute de troupes au sol, nous en avons pour au moins 15 ans », nous devons nous préparer à accueillir non quelques centaines de milliers de réfugiés, mais quelques millions qui, de plus, seront obligés de rester faute de pouvoir revenir chez eux. Il ne s’agit pas de « faire une guerre pour avoir la paix », comme si la guerre n’existait pas déjà. Il s’agit de se donner les moyens de gagner la guerre dans laquelle nous sommes déjà engagés.

L’Europe ne peut pas cumuler la lâcheté de la non-intervention et celle du non-accueil. Elle doit choisir le courage de l’intervention ou celui de l’accueil.

Et peut-être même les deux.

Il en va de même des migrations économiques, phénomène plus ancien et diffus mais pas moins préoccupant. Nous devons là-aussi traiter les causes et donc accepter une remise en cause du système économique mondial à l’origine de tant d’injustices. Le Saint Père y invite dans son encyclique Laudato Si. L’entendrons-nous ? Ou serons-nous de ceux dont Bossuet disait : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets, dont ils chérissent les causes ».

Prions le Seigneur pour qu’il éclaire les choix de nos dirigeants, pour que la peur ne soit pas leur seule conseillère, et pour que nous sachions nous-même résister aux tentations indignes de notre nom de chrétiens.

 

Père Gabriel Delort Laval, curé.