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29/05/2015

Dix ans après le "non" français au référendum sur le traité constitutionnel européen

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Nos « leaders d'opinion » ont l'art de l'auto-zapping :

les euromanes sont devenus eurosceptiques...

Réflexions sur un anniversaire :


 

54,67 % de non au référendum ! Le soir du 29 mai 2005, Serge July qualifiait ce rejet de « désastre général » : c'était, suggérait-il, une victoire des ignares sur « les élites gouvernementales, les élites bruxelloises et les médias sans exception ». La défaite du oui, écrivait-il, était la défaite de « la construction européenne, l'élargissement, les élites, la régulation du libéralisme, le réformisme, l'internationalisme, même la générosité... »  (Enumération par ailleurs très discutable*).

July paniquait à tort. Face aux citoyens, le oui avait perdu une bataille. Il n'avait pas perdu la guerre. Le non avait gagné dans les urnes : mais la « construction européenne » ne dépend pas des urnes. Elle dépend de la machinerie financière occidentale. Elle a donc continué comme un bulldozer, dans la direction que les citoyens avaient cru barrer par leur vote... Le non français prétendait détourner l'Europe de l'ultralibéralisme ? Dix ans après, Bruxelles est en train de réaliser avec Washington le traité de libre-échange euro-américain qui va araser les dernières haies sociales et environnementales, donner le pas aux multinationales sur les gouvernements, et « finaliser » (comme on dit en globish) la vassalisation de l'Europe envers un suzerain étatsunien que son déclin rend agressif. July retraité peut rallumer son cigare.**

Mais cette inexorable U.E. libre-échangiste, l'opinion la supporte de plus en plus mal. L'Ifop vient de sonder les Français  pour Le Figaro (29/05) : si le référendum constitutionnel européen se tenait aujourd'hui, le non l'emporterait cette fois par une majorité de 60 %.

C'est une fracture qui s'élargit entre les gens et la classe politico-médiatique.

Certains commentateurs s'en rendent compte et le disent, oubliant, tel Alain Duhamel, qu'en 2005 ils étaient les plus tranchants partisans du oui (et n'avaient pas de mots assez méprisants pour qualifier les partisans du non).

Entre le oui et le non, la fracture est en grande partie sociale : elle oppose une « France du bas », populaire et périphérique, à une « France du haut », AB+ et urbaine. Dans cette France du « haut » et du oui, plus particulièrement dense en Ile-de-France, Bretagne et Alsace, l'analyste de Libération (29/05) croit discerner une France « riche et de tradition catholique », alors que la France du non (notamment le Nord et le pourtour méditerranéen) serait celle du chômage et des « poches de pauvreté ». Faut-il croire cette interprétation ? Oui, sur le plan économique et géographique... Quant à identifier au catholicisme une Europe asservie à ce que le pape nomme « l'idole Argent », c'est un peu rapide ; à moins de recourir au concept de « catholiques zombis », inventé par Todd, qui désigne un post-catholicisme vidé du kérygme et donc du social : une coquille vide.

Il est vrai qu'un certain discours-réflexe dans la « bonne bourgeoisie catholique » persiste à saluer une Europe imaginaire, sans rapport avec l'Europe réalisée. Mais force est de constater  si l'on étudie de près les données de l'Ifop – que même ce milieu commence à se fissurer, face à une réalité de moins en moins niable. Plus singulier encore : même les grands énervements « sociétaux » de 2013 ont contribué à cette fissure du consensus bourgeois. Un petit nombre de jeunes militants ont découvert que l'engrenage des « réformes sociétales » (GPA à la clé) était : 1. actionné par le libéralisme économique***, 2. boosté par Bruxelles autant que par les libéraux-libertaires parisiens. Sur l'industrie de l'artificialisation du vivant, ces jeunes militants catholiques se sont trouvés, sans l'avoir voulu, dire la même chose que les anarcho-luddites de Pièces et main d'oeuvre – de l'autre côté de la barrière mentale qui casse la France en deux depuis plus de cent ans !

Ce que je signale-là est aussi micro-minoritaire à « droite » qu'à « gauche ». Il s'en faut de beaucoup pour que la majorité des catholiques qui prirent part aux manifs de 2013 aient commencé à comprendre la vraie cause des effets qu'ils déplorent, et soient en phase avec le pape François ! Il s'en faut de beaucoup pour que la gauche institutionnelle, cornaquée par Macron-Valls, admette le point de vue de la fraction de l'ultra-gauche insurgée contre l'artificialisation du vivant. Et il s'en faut de beaucoup pour que la France d'en bas soit en phase avec les minorités qui prophétisent un nouveau paradigme économique et social...

Mais l'effet papillon n'est jamais à négliger. Les chrétiens sont bien placés pour savoir ce que peut donner la graine de moutarde.

 

________________ 

* July, très mauvais prophète, ne voyait pas qu'« élargissement » et « élites » allaient devenir des termes maudits. Ni que la « régulation du libéralisme » passerait (dix ans après) pour un mensonge énorme. Quant à la « générosité » de Barroso puis Juncker, on aurait envie d'en faire une petite chanson brechtienne. 

** Serge July vient de publier chez Plon un Dictionnaire amoureux du journalisme... L'amour est une fumée, disait Shakespeare. 

*** Aux USA aussi. Analyse de l'affaire d'Indiana (par Patrick Dineen) :

http://plunkett.hautetfort.com/archive/2015/05/15/un-intellectuel-catholique-americain-attaque-le-pouvoir-cult-5622522.html#more

 

Commentaires

Forfaiture :

> Autrefois, tout crime commis par un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions.
(Le nouveau Code pénal a supprimé cette incrimination, la qualité de fonctionnaire, d'agent public ou de personne investie d'une mission de service public entrant dans la définition de certaines infractions ou en constituant une circonstance aggravante.)
Qui font les lois ? Et qui les défont ? Pas moi, pas vous. EUX !
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Écrit par : Sonia / | 29/05/2015

AUSSI

> Il est vrai que le tropisme européiste demeure tenace dans le milieu dirigeant catholique, épiscopat en tête. Cela aussi est un vrai problème.
C'est à rattacher à la confusion entre universalité du salut liée à l'unicité du genre humain et supranationalité laquelle engendre mécaniquement la mondialisation libérale.
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Écrit par : Pierre Huet / | 29/05/2015

CAMERON

> Le premier ministre britannique n'essaie-t-il pas en ce moment de convaincre ses partenaires européens pour des avancées vers l'ultralibéralisme ?
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Écrit par : BrunoK / | 29/05/2015

LA CAUSE ET L'EFFET

> "Il s'en faut de beaucoup pour que la majorité des catholiques qui prirent part aux manifs de 2013 aient commencé à comprendre la vraie cause des effets qu'ils déplorent, et soient en phase avec le pape François !"
Pourquoi dites-vous ça ? Où sont les cathos qui vantent l'Europe de Bruxelles ? Je ne les vois pas.

JG


[ PP à JG - Vous avez mal lu. L'effet c'est l'UE ; la cause, c'est le libéralisme. Une grande partie des LMPT déplorent l'effet sans voir la cause. Quant aux cathos vraiment libéraux, il semble que vous en connaissiez tout de même quelques-uns... ]

réponse au commentaire

Écrit par : JG / | 29/05/2015

TOUTEFOIS

> Ne pas oublier toutefois que si une grande partie des catholiques a soutenu cette construction européenne, c'est à cause du soutien de la plupart des évêques de France qui me semblent avoir été très admirateurs du constructivisme social de Jacques Delors mais qui ont par contre été assez peu lucides sur la réalité de ce qui allait suivre (et que certains,mais trop peu nombreux, avaient bien deviné, M. Allais par exemple).
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Écrit par : BCM / | 30/05/2015

TOUT

> Non, je connais des cathos anciennement libéraux qui ne le sont (presque) plus. Tout arrive.
Désolé pour la mauvaise lecture de votre démonstration.
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Écrit par : JG / | 30/05/2015

Les commentaires sont fermés.