Perturbateurs endocriniens : le futur traité euro-américain menace déjà la santé publique

 

Le lobby industriel U.S. aplatit la Commission européenne :

 

 

Stéphane Foucart – encore lui – met au jour* une affaire symptomatique : à la Commission européenne, les lobbies industriels de la chimie et des pesticides ont fait pression victorieusement contre le rapport de la DGE (direction générale Environnement) sur les « perturbateurs endocriniens ».

Il s'agit, comme on sait, de ces substances présentes dans beaucoup de produits de la vie quotidienne** et facteurs des cancers hormono-dépendants.

Officiellement ce rapport devait permettre à la Commission de définir, fin 2013, les critères de santé publique applicables aux produits contenant des perturbateurs endocriniens. Mais depuis 2012, rapporte le journaliste, les lobbies de la chimie et des pesticides ont « inondé » la Commission de leurs propres contre-rapports, qui visaient à disqualifier le rapport de la DGE... (Comme le lobby du tabac s'acharnant – des années 1980 à nos jours – à disqualifier les enquêtes des cancérologues ; ou le lobby pétrolier finançant le négationnisme climatique aux Etats-Unis et en Europe).

Que croyez-vous qu'il arriva ? La Commission a sabordé le rapport de la DGE.

Voici les coulisses de l'affaire, découvertes par les enquêteurs des ONG 'Corporate Europe Observatory' et 'Pesticide Action Network' :

1 - en mars 2013, 'CropLife America' (lobby des pesticides) et 'American Chemistry Council' (lobby de la chimie), font savoir à la Commission européenne que le projet de réglementation des perturbateurs endocriniens par l'U.E. « apparaît en contradiction avec les négociations américano-européennes en vue du traité de libre-échange transatlantique ». En clair : si le projet de réglementation est adopté, le traité n'aura pas lieu. Cette menace implique d'immenses intérêts collatéraux, publics et privés.

2 - Quelques jours plus tard (relate Foucart), une délégation de CropLife America est reçue par le secrétariat général de la Commission.

3 - « Tout au long de juin 2013, les contacts entre les lobbyistes de l'industrie américaine, leurs homologues européens et plusieurs services de la Commission s'enchaînent à un rythme inédit. »

4 – Fin 2013, rien ne se passe : la Commission a renvoyé sine die le projet de réglementation. La DGE est débranchée du sujet.

 

Conclusions :

 

► Aux yeux de la Commission, le traité de libre-échange transatlantique est d'une telle importance qu'il est préféré à tout... et même à la santé publique. Ça relativise sérieusement le mythe de l'UE « sécuritaire », voire « écologique ».

 

► Le futur traité de libre-échange transatlantique produit déjà ses effets, alors même qu'il n'est pas encore signé. C'est évocateur, sachant que le but de ce traité est d'aligner les pays européens, de gré ou de force, sur les standards U.S. de production-consommation – et de subordonner judiciairement nos pouvoirs publics aux intérêts des multinationales.

 

► Malgré les lanceurs d'alerte et les protestations incessantes, les « négociations » (???) de ce traité continuent à se tenir en secret : à l'abri même de la curiosité des eurodéputés, qui se plaignent de cette occultation.

 

► Tout ceci devrait achever d'éclairer les Français sur ce qu'est devenue la construction européenne. Il est temps de prendre au sérieux le diagnostic du pape François dénonçant (dans La joie de l'Evangile) « une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes sacralisés du système économique dominant ».

 

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* Le Monde, 24-25/05.

** meubles, contenants alimentaires, cosmétiques, pesticides, etc.

 

 

Voir aussi, par exemple :

http://lesfourmisdumonde.blog.lemonde.fr/2013/10/21/perturbateurs-endocriniens-ce-nest-pas-gagne/