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07/05/2015

Acharnement officiel contre les "trois de Tarnac"

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Ils risquent la correctionnelle, pour "sabotages en relation avec une entreprise terroriste". En fait on ne trouve à leur imputer que... leurs idées. La dialectique peut-elle casser des briques ? Antithèse ici :  


 

 

Le réquisitoire du parquet de Paris donne un malaise. Au bout de sept ans d'un acharnement policier bizarre (sachant la minceur des faits et l'absence de preuves), le ministère public ne veut pas s'avouer vaincu : il demande le renvoi en correctionnelle, pour terrorisme, de Julien Coupat, Yildune Lévy et Gabrielle Hallez... contre lesquels on n'a pas réussi à établir les faits. On n'a même pas pu prouver que Coupat soit l'auteur du fameux document de 2007 L'Insurrection qui vient : texte qui, en fin de compte, reste la seule pièce du dossier. Une pièce strictement intellectuelle ! Si le juge d'instruction suit le réquisitoire du parquet, le tribunal correctionnel va donc intenter un procès d'opinion. C'est ahurissant : digne des ministres pompidoliens qui prenaient Mai 68 pour un « complot international » ourdi par la Stasi.

 

tarnacReprenons les faits. Novembre 2008 : dix jeunes néo-ruraux révolutionnaires, qui vivaient dans un village de Corrèze autour de l'intellectuel Coupat, sont arrêtés pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». On les accuse d'avoir « saboté des lignes de TGV » en octobre et novembre 2008. En réalité le « sabotage » n'en est pas un : poser des fers à béton sur des caténaires ne saurait nuire aux trains, ni aux voyageurs. Et on ignore qui l'a fait... En tout cas ce n'est pas du terrorisme : un acte similaire en 2014  sera qualifié par la justice de simple « malveillance » et la section antiterroriste du même parquet de Paris ne bougera pas.

Néanmoins la police et les ministres de l'Intérieur vont s'acharner sur le groupe de Tarnac, avec un zèle qui serait mieux investi contre de vrais terroristes (comme on le verra bientôt) : mais l'ultra-gauche hypnotise la place Beauvau depuis 47 ans, et ce tropisme persiste malgré la réalité d'aujourd'hui – autrement plus menaçante et venue du Proche-Orient.

Les commentateurs judiciaires le disent sans ambages : si Coupat et ses deux amies sont mis en examen pour cet introuvable terrorisme sans exactions ni victimes, « c'est uniquement à la lumière de leur idéologie ».

Cette idéologie hypnotisait les services de renseignement. Avant même l'affaire des TGV, le groupe néo-rural de Corrèze apparaissait à la police comme « une structure clandestine anarcho-autonome »*... Voilà la faiblesse des services de renseignement (songeons-y puisque la loi est votée) : ils prennent les mots pour des choses. Ils gonflent des nuages.

Ce qui avait polarisé l'imagination policière sur Tarnac, c'était en effet un texte : intitulé L'Insurrection qui vient, signé d'un « Comité invisible » et rédigé dans le genre grandiose, sa nature essentiellement littéraire avait échappé aux policiers. Ils y virent un « guide théorique visant à renverser l'Etat par la violence » ; on se demande comment la place Beauvau de 2008 aurait interprété le légendaire film-canular de René Viénet (1972) La dialectique peut-elle casser des briques ? ** 

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 L'autre déclic à l'imagination policière fut un voyage de Coupat à New York. Aller à New York est-il suspect ? Non, si vous êtes un trader expat'. Mais si vous êtes un « anarcho-autonome », vous ne pouvez être allé là-bas que pour comploter avec « la mouvance anarchiste internationale » ; votre billet low-cost devient un indice.

Pendant plusieurs années, Coupat, ses amis et leurs relations ont donc été pris dans l'engrenage d'une démarche policière qui s'obstinait, selon leurs avocats, à créer un lien entre leur « discours politique critique » et des infractions de droit commun (les caténaires) dont on n'arrivait d'ailleurs pas à les charger concrètement.

Peut-on «qualifier d'entreprise terroriste toute action portée par un discours politique ou syndical visant à dénoncer des choix politiques ou à exprimer une exaspération, voire une colère ? », interrogeaient les avocats.

On connaît désormais la réponse. Au Brésil, la présidente Dilma Rousseff fait qualifier « terrorisme » les manifestations des Paysans sans terre.  En France, la classe politique, angoissée de se retrouver en tête à tête avec un véritable terrorisme (djihadiste), cherche à noyer le poisson en étendant la notion de terrorisme à tout et n'importe quoi. Julien Coupat n'aura fait qu'essuyer les plâtres.

 

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* Le Monde, 07/05.

** Ce détournement d'un film de kung-fu inventa le burlesque idéologique. Il contenait ce qu'il fallait d'anticapitalisme et d'allusions aux conflits sociaux pour alarmer le ministre de l'Intérieur de l'époque (Raymond Marcellin).

 

 

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19:40 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : tarnac

Commentaires

ÉTATISME = PRODUIT DU LIBÉRALISME

> Je crois que c'est vous, cher PP, qui nous aviez fait découvrir l'Observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon et en particulier un article qui montrait que contrairement aux idées reçues, le libéralisme sécrète un Etat de plus en plus fort et surveillant de plus en plus la population.
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Écrit par : Guadet / | 07/05/2015

MYSTÈRE ET BONA

> Je m’inquiète, cher PP, de cette sarabande féline… Le chat assis et accoudé (au trottoir) qui ouvre votre propos est à s’y méprendre le cher Mystère de mon fils Alex et de ma bru, qui sait leur en remontrer question rhétorique, quoiqu’ils aient (brillamment) fait leurs humanités. Celui qui ferme votre billet est de toute évidence notre chère « Bona » (en fait « Bonaventure ») , ermite à coussinets entretenant une dialectique émouvante avec la société actuelle – qui sait si bien cacher, elle aussi – diablerie ! – ses griffes (pour preuve cette risible affaire de « terrorisme »).
Mais ceci ne doit pas nous étonner. Comme disait l’ami Hippolyte (Taine), qui pensait peut-être aussi aux profonds humanistes, juges et politiciens, de son époque : « J’ai étudié beaucoup de philosophes et de chats, la sagesse des chats est infiniment supérieure. »
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Écrit par : Denis / | 07/05/2015

CATÉNAIRES

> L'acharnement contre ces personnes ne fait pas de doute, mais l'acte de déposer des objets sur les caténaires est grave car 1) on ne voit pas à quoi cela sert, 2) les dégâts matériels et surtout les perturbations sur les voyageurs ne sont pas anodines, contrairement à ce qui est dit.
Et pourquoi relativiser la portée d'un acte qu'ils nient avoir commis ? C'est un demi aveu !

Ludovic


[ PP à Ludovic - Ce n'est pas les accusés qui ont relativisé l'acte : ce sont les enquêteurs eux-mêmes ! Coupat et ses amis ont une autre ligne, qui n'est pas la défense mais l'attaque (contre les lacunes béantes de l'enquête)... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Ludovic / | 07/05/2015

VALLS

> Lorsqu'Hollande est arrivé au pouvoir, j'avais pensé que les affaires comme l'affaire Méric, et surtout ce qui s'en est suivi, était une sorte de revanche de la gauche contre ce qu'avait fait Sarkozy, avec l'affaire de Tarnac. Sarkozy attaque l'extrême gauche, Hollande attaque l'extrême droite.
J'avais pensé la même chose au moment de LMPT. Comme cela on faisait semblant qu'il y avait encore une gauche et une droite, puisqu'au fond elles font exactement la même politique, il faut bien faire semblant. Je trouvais que LMPT notamment payait cher les pitreries de Sarkozy sur la laïcité.
Mais si maintenant on s'en prend aux néo-ruraux de Tarnac aujourd'hui...
Peut-être Valls veut-il se faire croire droito-compatible, qu'il a de l'autorité...?
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Écrit par : ND / | 07/05/2015

MOYENNE

> http://www.infolignes.com/reportages.php?contentId=1
"En moyenne, 400 incidents de caténaire sont recensés chaque année sur le réseau ferré grandes lignes."
"Qu'est-ce que l'incident caténaire ? C'est la rupture de la caténaire, lorsque les fils de cuivre du câble se cassent. Dans certains cas (20 % des incidents en moyenne), la caténaire est arrachée et traînée par les trains sur plusieurs kilomètres, ce qui nécessite d'importants moyens pour réparer et du temps."
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Écrit par : PMalo / | 08/05/2015

A L'OUEST

> Le bonhomme a l'air sympathique, quoiqu'un peu illuminé. Le plus drôle, c'est qu'il a fréquenté l'Ouest parisien, puis l'ESSEC... il a pas du y rigoler tous les jours...
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Écrit par : Flavien / | 08/05/2015

CHARGE

> Je trouve que vous minorez un peu trop la gravité des faits reprochés. Les caténaires rompues, cela coûte, sans compter les risques d'électrocution que courent ceux qui réparent.
Il me semble que la charge la plus grave retenue contre les prévenus, c'est qu'ils étaient sur les lieux à l'heure de la commission du délit.
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Écrit par : Bernadette / | 08/05/2015

LA MAUVAISE GRAINE

> J'avais lu à sa parution "L'insurrection qui vient", et n'avais pas trouvé cela bien méchant, après Debord ("La Société du Spectacle"), ou même Baudrillard. Mais c'était, disons, un effort très louable venant d'une certaine jeunesse. C'est ce qui a sans doute fait peur à la police : la mauvaise graine.
De là, profitant du terrorisme du 7 janvier et des nouvelles lois qui durcissent la répression, cette sévérité incroyable contre des malheureux dépassés par les événements qui les touchent (à mon avis).
Autrefois, c'était les vieux bandits qui étaient dans la ligne de mire. Aujourd'hui ce ne sont que quelques jeunes freluquets, si manifestement innocents.
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Écrit par : jem / | 08/05/2015

LE GROUPE DE TARNAC

> "On ne parle jamais de ce qu'ils ont fait (et continuent de faire) à Tarnac : ouvrir un commerce, l'épicerie générale, qui fait aussi bistrot et restaurant, seul commerce d'un village en train de tomber en décrépitude, créer une épicerie volante qui tournait dans les villages avoisinants, retaper une vieille ferme et en faire un lieu de vie et de travail. Ils ont acheté des machines pour faire revivre toute la filière de transformation du bois, de l'abattage à la transformation en planche, afin de fabriquer eux-même des sortes d'éco-maisons, se formant en menuiserie, charpente, élagage, etc. Un autre groupe entretenait des potager en permaculture. Ils avaient le projet d'ouvrir une crèche. Surtout, ils ne vivaient pas en communauté, mais louaient des maisons dans le village, bénéficiaient d'une sympathie bienveillante des habitants.
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Écrit par : Camille / | 08/05/2015

COMPARER

> toutes proportions gardées, on peut comparer avec un autre acharnement débile : contre certains manifestants LMPT en 2013, traités comme des ravachol de QHS alors que c'était de bons jeunes gens qui n'auraient pas tordu un essuie-glace.
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Écrit par : Guillemot / | 08/05/2015

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