'L'Internationale' aux obsèques de Charb...

 ...le défunt rédacteur en chef de Charlie Hebdo, dont la ligne (depuis Philippe Val) avait pourtant plus à voir avec l'OTAN qu'avec le PCF :

 

Lors de la cérémonie funèbre à Pontoise ce matin, l'entrée du cercueil de Stéphane Charbonnier, dit Charb, a été saluée par la musique de L'Internationale. Avec tout le respect dû à des obsèques, je me permets d'exprimer une certaine perplexité. L'Internationale est associée aujourd'hui à l'une des composantes du mouvement  de résistance mondiale  à l'empire américain : or Charlie Hebdo, normalisé par Philippe Val, avait quitté cette ligne. Il avait pris parti pour la guerre de Bush en Irak (2003). Il avait également pris parti, comme Washington, pour le oui au référendum sur la Constitution européenne (2005)... Dans ces deux cas d'école, Charlie Hebdo s'est placé plus près de la droite et de la gauche libérale que de la « gauche de gauche ». En 2009 (sous Sarkozy), lorsque Val fut nommé à la tête de France Inter, sa nomination a déchaîné la colère de la gauche radicale. Charb – successeur de Val à la tête de Charlie Hebdo – a pris la défense de son ex-patron : « Philippe est plus critiqué dans ce milieu que Lagardère... »* Et pour cause ! Dignes de Dick Cheney, certains propos** de Val ne pouvaient lui attirer l'affection des fidèles de L'Internationale.  « Val, disaient-ils, est de gauche à la manière de sa grande amie Carla Bruni qui déclarait en 2007 : "je suis viscéralement de gauche." C'est pas ça qui fera peur au Capital. »

A la fin des années 1990, la normalisation idéologique de Charlie Hebdo par Val, ami de BHL, avait provoqué le départ du journaliste Delfeil de Ton, du dessinateur Lefred-Thouron et d'autres. C'est « parce qu'ils haïssent la social-démocratie », avait commenté Val avec mépris... En peu de temps il allait évincer les pro-palestiniens (il disait : « les antisémites »), les souverainistes (« les fascistes ») et les anti-OTAN (« les nazis »). En 2008, nouvelle crise et nouveaux départs : Val a expulsé Siné – autre « historique » du journal – en l'accusant d'antisémitisme : « accusation injuste », écrira Rony Brauman dans Le Monde (16/01/2015). Après le coup des caricatures de Mahomet, Val aura une phrase symptomatique* : « La plupart de ceux qui ont condamné la publication de ces caricatures dans Charlie ont aussi voté non à la Constitution européenne ! » 

Après le départ de Val en 2009, Charlie Hebdo poursuivra sur sa lancée : « Charb maintient la ligne éditoriale de l'hebdomadaire », écrira élogieusement Télérama (7/01/2015). Ce qui n'empêchera pas le dessinateur, disent ses nécrologies, de se considérer comme « un soutien du PCF »... Mais le PCF pense le contraire de la « ligne Val » dans la plupart des domaines. Comment peut-on se considérer comme le soutien d'un parti que l'on contredit ? Comment le secrétaire général de ce parti, venu aux obsèques de son ami Charb, a-t-il pu lever le poing comme si Charb avait été un militant anti-impérialiste  ? Ce sont les mystères du zapping postmoderne, où la notion de cohérence n'a plus cours.

Mais que Stéphane Charbonnier repose en paix.

 

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* Le Monde, 17/06/2009.

** « Si l'on regarde une carte du monde, en allant vers l'est : au-delà des frontières de l'Europe, le monde démocratique s'arrête. On en trouve juste un petit confetti avancé au Moyen-Orient : c'est l'Etat d'Israël. Après, plus rien, jusqu'au Japon... » (Philippe Val, Charlie Hebdo, 26/07/2006. C'est l'année où Val recrute Caroline Fourest, qui partage cette vision du monde très washingtonienne).