Une guerre picrocholine autour des "gays du FN"

 

 

Effervescence à droite du Front national ! au point de susciter une page ironique du Monde*, intitulée "le FN pour tous" et illustrée d'un pastiche soft-porn  de dessin de Cocteau :

 

 

De quoi s'agit-il ? De la stratégie de Marine Le Pen vis-à-vis des homosexuels. Cette stratégie s'étend désormais aux militants gays assumés, avec l'arrivée de M. Chenu (de GayLib) au RBM... D'où fureur de la vieille garde frontiste – ou de ce qu'il en reste, Marine Le Pen ayant évincé ceux qu'elle appelle, d'après l'enquête du Monde, "les catholiques intégristes".

Expulsés de ce qui fut leur maison politique, ces derniers manifestent leur hostilité. Ils restent obsédés par le FN. On sait jusqu'où allait cette obsession : après le discours du cardinal Lustiger à l'inauguration de Notre-Dame de France dans le Val-d'Oise en 1988, je me rappelle avoir entendu un intégriste égaré là s'exclamer : "il aurait mieux valu faire parler Jean-Marie Le Pen !" Obsession, donc. Réduction du religieux à de la partisanerie. Et même incapacité à voir le religieux sous un autre angle que la partisanerie – en un amalgame comparable à celui de l'islamisme...

 On voit pourquoi les "catholiques intégristes" (dixit Marine) sont incapables de renoncer à un FN qui les a évincés, mais qui était la totalité de leur horizon politique. Quel horizon ? Celui d'un groupe "politique" tel que le conçoit ce microcosme : un club de gens dotés des mêmes codes, à l'écart de la vie politicienne et veillant à ne pas s'approcher du pouvoir.

Marine Le Pen est d'une autre sorte. Pas plus que son père elle ne fait partie des "catholiques intégristes".

Mais contrairement à son père, elle veut du pouvoir dans la République. Elle en adopte donc les règles du jeu : chose que son père évitait (non par purisme, mais parce que son objectif était différent).

Or ces règles du jeu ont changé depuis vingt ans. Nous sommes désormais en postdémocratie** : ayant abdiqué au profit de la sphère financière, la République n'a plus prise sur le politique ni l'économique. Elle s'est donc transférée sur le "sociétal" : c'est le nom pédant du "renversement des derniers tabous", voulu par le système néolibéral dans le domaine des moeurs et des lois (it's good business, comme dit Blankfein). Et le lobby LGBT fait partie de ce renversement.

Les nouvelles règles du jeu politicien exigent que l'on adhère à tout ça, faute de quoi l'on reste marginal. L'UMP en sait quelque chose...

Marine Le Pen, esprit concret, a décidé de sortir son parti du marginal : donc d'adhérer aux règles du jeu. D'emblée elle a misé gay. C'est de la lucidité politicienne. (Le constater n'est pas l'approuver : on sait que notre blog dénonce le mirage partisan et répète que les urgences chrétiennes sont ailleurs).

La lucidité politicienne n'est pas la tasse de thé des "catholiques intégristes". Inconsolables d'avoir été évincés du FN, ils se déchaînent contre Marine Le Pen et les homosexuels qui "l'entourent".

Au nom de quoi se déchaînent-ils ? "Au nom du catholicisme", disent-ils. Mais ça sonne creux.

Rien, dans les positions de l'Eglise catholique réelle, ne poussait les catholiques français vers le FN. Rien non plus, dans ces positions, ne les autorise à déclarer illégitime la présence d'homos (voire de gays militants) dans un état-major de parti. Surtout depuis les déclarations paisibles du pape François sur les personnes homosexuelles...

 "Mais l'Eglise catholique désapprouve la loi Taubira ?" Exact. Cependant l'Eglise souligne ne pas être l'organisatrice de LMPT. 

Les manifestants LMPT minoritaires au sein de l'état-major du FN, ne peuvent donc se poser en émanation de l'Eglise***. Ils ne sont pas plus représentatifs de cette Eglise que les "catholiques intégristes" qui bombardent de l'extérieur le FN de Marine Le Pen.

Les uns comme les autres pensent d'ailleurs le contraire du pape dans le domaine de l'économie, de l'écologie, du social, de l'immigration, etc.

Voilà des points à ne pas perdre de vue.

 

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* 18/12.

** comme le disait Zinoviev ; comme nous le disons ici depuis 2005 ; et comme Slate commence à le dire en 2014 : cf note d'hier.

*** Ce qui définit par ailleurs le "catholique", c'est la foi surnaturelle et le sentire cum Ecclesia... Ce qui réfute l'idée – encore entendue l'autre jour – selon laquelle désormais le vrai catholicisme français serait dans l'activisme politique, "et non chez ce pape ni chez les évêques sauf deux ou trois" !