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25/11/2014

Grenoble, première ville française sans publicité ?

 Une expérience qui s'attire les foudres de Jacques Séguéla :


 

C'est un privilège que de raconter n'importe quoi* ; il ne pas en abuser. C'est ce que vient de faire Jacques Séguéla. Apprenant que la municipalité de Grenoble a décidé de ne pas reconduire son contrat avec le groupe d'affichage urbain JCDecaux, l'ex-omnicom' multicartes des années 1980 a déclaré aux médias : « C'est criminel. » Il a ajouté : « Si vous abaissez l'envie d'acheter, vous courez directement vers la fin du système » ; puis, sans peur de se contredire : « Ce n'est pas parce que les banques ont fait sauter le système qu'il faut s'en prendre à l'affichage. » Et en bouquet de ce feu d'artifice : « Méfions-nous des castrateurs d'imaginaire ! C'est le début de toute dictature. »

Ainsi l'on apprend, en vrac, que :

1.  notre « imaginaire » dépend de la pub. L'imaginaire est un concept issu de la psychanalyse jungienne via les travaux de Gilbert Durand (années 1960), et qui désigne les images, représentations, récits, mythes, d'un individu, d'un groupe ou d'une société. La phrase de Séguéla veut dire que la vie psychique de notre société est formatée par la marchandise et que c'est parfait comme ça.

2. tout recul de la pub est une avancée de « la dictature ». Cette rengaine est serinée par les marchands depuis 1990-1991 : époque de la chute de l'URSS, due soi-disant à la « victoire du capitalisme libéral ». À partir de cette époque, toute critique de la marchandisation du monde fut réputée « rouvrir les goulags ». C'est ainsi que M. Barroso définit comme une monstruosité « réactionnaire » le fait de contester le futur traité TAFTA ; et que nos médias déclarent quasiment nazi le fait de contester l'industrie de la GPA.

3. « le système » repose sur notre « envie d'acheter ». Produire toujours plus, donc exiger toujours de nouveaux marchés et de nouveaux types de marchandise : c'est l'engrenage du capitalisme tardif (productivisme). Le drame de ce système est qu'il produit simultanément un nombre croissant de chômeurs qui ne peuvent plus acheter... Mais ne le dites pas à M. Séguéla : il regretterait de ne pas être pianiste dans un bordel.**

4. La cohérence ne caractérisant pas M. Séguéla, il nous avoue ensuite que « les banques ont fait sauter le système » ! Sa proposition numéro 3 (ci-dessus) revenait donc à nous donner l'ordre de préserver un « système » qui aurait, de toute façon, déjà « sauté » ? On s'en doutait, mais c'est bon de l'entendre confirmer.

5. En vertu de cet oxymore, M. Séguéla conclut que – quoi qu'il en soit – faut pas toucher à « l'affichage ». On s'en doutait aussi.

Mais on ne partage pas son avis. Si la nouvelle municipalité de Grenoble a décidé de « libérer l'espace public » en virant les panneaux Decaux (sauf les abribus dont le contrat court jusqu'en 2019), c'est pour consacrer cet espace de 2000 m2 à des arbres et à 300 panneaux d'affichage libre : débats associatifs, municipaux, syndicaux, politiques, etc. Exactement ce qu'il faut faire si le « système » a « sauté », comme nous en avertit M. Séguéla.

Ajoutons que ça ne coûtera pas grand-chose à la ville de Grenoble : le renouvellement du contrat Decaux n'aurait rapporté que 150 000 euros par an, manque à gagner qui sera compensé en partie par la baisse du budget « protocole », et en partie par la baisse volontaire de 25 % des indemnités des élus grenoblois. Bravo à eux.

 

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* « Enfin tout le monde a une Rolex ! Si à cinquante ans on n'a pas une Rolex, on a raté sa vie ! » (Jacques Séguéla, Les 4 Vérités, 13/02/2009). Séguéla restera dans l'histoire comme l'auteur du slogan « Génération Mitterrand » (1988), inspiré de « Génération Pepsi ». Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée.

** Non, oncle Hubert, ne vous offusquez pas ! c'est juste le titre d'un livre de Séguéla : Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité, elle me croit pianiste dans un bordel. (Flammarion 1979).

 

Commentaires

CRAINTES

> j'entends des craintes à propos de la municipalité de Grenoble. On n'ose pas encore affirmer que supprimer le contrat Decaux est un crime contre l'humanité genre "killing fields", mais c'est pas loin.
Gag : ceux qui s'étranglent devant cette décision votée par une municipalité démocratiquement élue (et en application de ses promesses électorales), sont les mêmes qui s'étranglent parce que les anti-barrage de Sivens mettent en cause une décision votée par le conseil général d'un département !
Faudrait savoir.
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Écrit par : Quiniou / | 25/11/2014

BRAVO

> Bravo à la municipalité de Grenoble. La publicité est la pire des choses dans un monde limité en ressources. Jacques Séguéla confond publicité & information.
Le consommateur a besoin d'être informé, pas tenté, surtout par des argument fallacieux.
J'espère que d'autres municipalités vont suivre, vive la sobriété heureuse.

Michel
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Écrit par : Chenebeau / | 25/11/2014

LAVÉRUNE EN 2013

> Première ville mais pas première commune sans pub !
nous en avions déjà parlé :
http://plunkett.hautetfort.com/archive/2014/01/13/synthese-du-livre-d-andre-gorz-2-5270457.html

Le village de Lavérune a supprimé toute publicité : www.midilibre.fr/2013/12/04/herault-laverune-premier-village-de-france-a-bouter-la-pub-hors-de-sa-commune,792326.php
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Écrit par : E Levavasseur / | 25/11/2014

ÉCONOMIQUEMENT NUISIBLE

> D'ailleurs, la publicité est économiquement nuisible ! Elle a pour effet de favoriser pour ainsi dire mécaniquement les intérêts des multinationales aux dépens des petits entrepreneurs.
La publicité, ce n'est pas seulement un jeu de poker menteur, qui se fait sur le dos des consommateurs; mais c'est également un moyen de domination des gros contre les petits.
La concurrence libre et non faussée n'existe pas avec ce genre de pratiques préemptant notre temps de cerveau disponible, notre attention, notre imaginaire.
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Écrit par : Blaise / | 25/11/2014

EN PLUS

> J'adore cette idée !
En plus, j'aurai mis une taxe spéciale sur toutes les dépenses liées à la pub (réalisation de films, d'affiches, + diffusion), de l'ordre de 50% pour commencer ( la pub est un luxe), et ensuite, tous les ans, j'augmente le taux de 10%. quand le montant de la taxe représentera le double ou le triple du "hors taxe", nous devrions avoir beaucoup moins de pollution.
Et puis si des multinationales veulent absolument claquer du pognon dans la pub, c'est toujours cette somme qui échappera aux paradis fiscaux (et ira dans les caisses de l'Etat).
Cdt,
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Écrit par : Bergil / | 25/11/2014

M. LECLABART

> Et vous auriez entendu le président de l'association des agences de pub sur France Info hier: c'était pathétique !!! Ce M. Leclabart trouve qu'une ville sans pub, c'est triste...
Interview à lire ci-dessous si vous le souhaitez
http://www.franceinfo.fr/emission/l-invite-de-8h15/2012-2013/vincent-leclabart-aacc-une-ville-sans-publicite-c-est-triste-24-11-2014-22-53
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Écrit par : Petit de la Perrelle / | 25/11/2014

TROP TARD

> " Comment peut-on reprocher à un président d'avoir une Rolex. Enfin... tout le monde a une Rolex. Si à cinquante ans, on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie !"
Zut, pour moi c'est trop tard. Un échec pareil, on ne s'en remet pas.
https://www.youtube.com/watch?v=FHUTnaOLd7s
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Écrit par : Pierre Huet / | 25/11/2014

GPA, GESTAPO

> "Nos médias déclarent quasiment nazi le fait de contester l'industrie de la GPA" : en effet, on le sait depuis Orwell, est appelé nazi aujourd'hui ce qui consiste à faire l'inverse de ce qu'ont fait les nazis. Qui, rappelons-le, et ce n'est pas un godwinage gratuit, ont été les premiers promoteurs de la GPA à titre industriel, avec les Lebensborn, ces "lieux de rencontre où des femmes considérées comme « aryennes » pouvaient concevoir des enfants avec des SS, puis accoucher anonymement dans le plus grand secret et remettre leur nouveau-né à la SS".
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Écrit par : JG / | 25/11/2014

LA PUB DÉTOURNE

> Bravo à Grenoble, mais néanmoins relativisons, le manque à gagner représente a peu près 1€ par habitant et moins de 0,5% du budget global. Il faudrait comparer ce chiffre à celui d'autres villes.
N'en déplaise à M. Séguéla je pense que la publicité détourne les gens de ce qui est essentiel pour eux, leur créant des envies inutiles induisant des pertes de temps et d'énergie.
C'est une promesse de campagne qui coûte mais qui est tenue et devrait être profitable au Grenoblois. Encore bravo, cela mérite d'être souligné.
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Écrit par : franz / | 25/11/2014

LES GRNOBLOIS APPROUVENT LEUR MAIRE

> Je suis grenobloise, et fière de l'être particulièrement quand notre municipalité prend ce genre de décision courageuse.
Hier, le Dauphiné libéré a écrit une page sur le sujet : uniquement les réactions des élus de l'opposition, critiques évidemment (!). Dommage, il n'y avait aucune réaction des habitants de Grenoble.
Mais mon mari en a recueilli à son travail : les citoyens eux sont plutôt unanimes, et trouvent que c'est une excellente chose.
Notre espace est beaucoup trop pollué par des "publicités" qui nous dé(sin)forment, et qui rendent les (vrais) panneaux de signalisation quasiment invisible, créant quantité de problèmes de circulation.
Merci M. Piolle, continuez longtemps au service des citoyens !
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Écrit par : Pema / | 25/11/2014

TRÈS FORT

> Le maire de Grenoble fait quelque chose de très fort en faveur de la libération - oui de la libération, j'insiste sur le terme - de ses administrés.
Le retrait de la publicité de l'espace public a quelque chose à voir avec une sortie de la servitude pour la population. Je suis convaincu qu'il y a là un acte saint, au sens fort du terme.
Cela fait des années que j'espère un maire qui ait ce courage et cette volonté.
Il ne s'agit pas de voir en la publicité la cause de tous les maux et l'archétype du mal, mais c'est un vecteur fort de l'esclavage moderne. En cela, sortir d'un environnement où la publicité est omniprésente s'apparente à sortir d'Egypte.
C'est une disposition riche d'espérance pour la population qui va en bénéficier. Même si c'est encore limité aux seuls affichages extérieurs dans l'espace public, c'est déjà un grand pas.
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Écrit par : Pneumatis / | 25/11/2014

DE LA VRAIE POLITIQUE

> Voilà de la politique, de la vraie, qui n'hésite pas à se confronter à la racine de tous les rapports de force qui structure notre société - le combat à mort entre la marchandise et le réel !
J'attends avec impatience les réactions (probablement outrées) de la droite "libérale-conservatrice"...
Laquelle, il est vrai a d'autres chats à fouetter : par exemple jouer les masses de manœuvre du très chrétien Sarkozy en allant siffler les meetings de Juppé (comme si le néant méritait qu'on le huât...).
Trêve de plaisanterie, quand trouvera-t-on le moyen de fédérer les réactions saines qui se font jour ici et là mais qui sont aussitôt brouillés/stérilisés par les réflexes partisans ?
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Écrit par : Benoît Girard / | 25/11/2014

SOURCE

> Je note que vous citez plusieurs extraits de notre interview de J. Seguela figurant dans l'article source http://www.placegrenet.fr/jacques-seguela-mefions-castrateurs-dimaginaire/
Les usages en journalisme, pour ne pas parler de déontologie, auraient voulu que vous citiez votre source. Il est encore temps.En vous remerciant d'avance
Joël Kermabon
JRI Place Gre'net


[ PP à JK - Voilà qui est fait. Je précise que les quelques lignes citées venaient d'une dépêche, qui ne les sourçait pas. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Joel Kermabon / | 06/12/2014

MENACES DE MORT

> Sentant sa petite affaire mal engagée, un afficheur publicitaire laisse un message téléphonique à un membre de l'association "Paysages de France". Cela donne ceci...
http://paysagesdefrance.org/spip.php?article821
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Écrit par : Serge Lellouche / | 27/12/2014

> c'est qu'ils mordraient, ces cons-là !
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Écrit par : alasbar / | 27/12/2014

@ Serge Lellouche :

> "Je vais vous défoncer la tête, que ce soit n’importe où, n’importe quand", dit l'afficheur à "Paysages de France" - mais les publicitaires ne le font-ils pas déjà ?
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Écrit par : sven laval / | 27/12/2014

@ Sven Laval,

> Faites attention à l'extrême violence de vos propos contre le monde publicitaire, la très sainte inquisition pour la bienveillance sous contrôle Medef vous scrute aux jumelles.
D'ailleurs je crois que dans cette affaire entre le publicitaire et «Paysages de France», ils sont probablement déjà sur les rangs, via Mutadis, pour rétablir enfin la concorde et la bienveillance à Grenoble. Les différentes parties seront réunies autour d'une table dans un esprit de confiance, de concertation et de dialogue, en vue du bien commun. La démocratie participative quoi!
Ainsi proposera-t-on à «Paysages de France», outre une coupe de champagne et deux petits fours, que les cadres des panneaux publicitaires de Grenoble soient repeints en vert, et décorés de jolies fleurs des champs par les enfants des écoles maternelles avoisinantes (afin de favoriser la convivialité locale).
Ainsi, grâce à l'esprit de bienveillance, tout le monde sera gagnant, et les paysages de France fleuriront partout de publicités éthiques et durables, au nom d'un développement éthique et durable.

PS : précisons-le, en matière de publicité comme en matière de nucléaire ou de Center Parc, Mutadis est évidemment totalement impartial, ni pour ni contre, bien au contraire !
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Écrit par : Serge Lellouche / | 27/12/2014

@ Bergil

> Pas bête, ou encore, intégrer la publicité et quelques dépenses somptuaires dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
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Écrit par : Pierre Huet / | 27/12/2014

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