"François Hollande incarne la figure de l'insouverain"

 

Le Monde constate que "le système politique français est à bout de souffle". Dans Libération, Christian Salmon (Les derniers jours de la Ve République, Fayard) autopsie notre postdémocratie :

 

Libération fait tardivement une découverte  : la crise actuelle du politique « dépasse l'homme [Hollande], ses erreurs politiques et de communication ». Le quotidien interviewe donc l'auteur des Derniers jours de la Ve République, Christian Salmon. Celui-ci fait un constat :  par delà  l'effondrement de Hollande, il discerne la crise de souveraineté qui affecte non seulement la France mais « tous les Etats »  occidentaux.

Si « tous les Etats » sont concernés, c'est que le politique en Occident a été vampirisé par une autre force : la finance (qui a aussi vampirisé l'économie réelle).  La crise de souveraineté, explique Salmon, « est aggravée en Europe par la construction européenne qui a, de manière concertée, organisé des abandons massifs de souveraineté : la monnaie et le contrôle des frontières* » : « mais nulle part elle n'est ressentie de manière aussi aiguë qu'en France où le chef de l'Etat, à qui sont dévolus tous les pouvoirs constitutionnels, apparaît aujourd'hui comme un homme sous influence, soumis aux marchés et aux agences de notation, et qui doit négocier ses marges de manoeuvre avec la Commission de Bruxelles ou la chancellerie de Berlin. »

« Nous vivons dans un régime politique nécrosé qui ne satisfait plus à un minimum de critères démocratiques », souligne Salmon : François Hollande « incarne une réduction techniciste de la fonction présidentielle inscrite dans la perte de la souveraineté nationale [...] Il assure maladroitement ses fonctions de représentation [...] Il incarne la figure de l'insouverain sans états d'âme, presque avec abnégation. »

Vidée de son pouvoir sur les événements, la fonction présidentielle s'est engluée dans le people, se livrant ainsi à la dévoration par la meute des consommateurs de scandales ; c'est ainsi que fonctionne la médiacratie. Question de la journaliste : « La politique se serait réduite peu à peu à un ''marketing narratif'' ? » Réponse du chercheur : « C'est la longue dérive du storytelling, qui mène d'EuroDisney à la rue du Cirque et de l'adultère de ''Cécilia Karénine'' aux ''liaisons dangereuses'' de Valérie Trierweiler. Ce phénomène a été amplifié par l'apparition des chaînes d'information en continu, Internet et les réseaux sociaux qui ont eu pour effet de surexposer la vie privée des hommes politiques. Paradoxe : plus les tenants du pouvoir sont médiatisés, plus leur impuissance est devenue visible. »

 

La Ve coule ; il faut mettre les chaloupes à la mer, c'est-à-dire, selon Salmon, faire une révolution de « l'imaginaire » pour retrouver « le pouvoir de se constituer en sujets vivants d'une aventure commune ».

Quelle aventure au juste ? C'est tout le débat. 

Mais on s'étonne de voir surgir cette question dans des journaux qui ont poussé de toutes leurs forces, depuis vingt ans, au démantèlement de la République au profit d'une euro-technocratie réduisant les démocraties à un rôle d'apparat ! On peut parler d'infernal culot de la part du Monde, organe de tous les technocrates depuis un demi-siècle, quand ce journal se permet (le 14/10 : page 13, colonne 4) de déplorer « la dévitalisation du politique dans un pays qui y a toujours cru ».

 

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*  et même aujourd'hui le budget de la nation.