Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/09/2014

"Les Etats-Unis et leurs alliés d'Europe portent la principale responsabilité dans la crise ukrainienne..."

...explique l'un des meilleurs spécialistes américains

des relations internationales :

 180px-John_Mearsheimer.jpg


John D. Mearsheimer, 67 ans, est professeur de sciences politiques à l'université de Chicago. Spécialiste des questions de relations internationales, de sécurité et de dissuasion, il incarne le courant des experts réalistes.

Mearsheimer fut violemment attaqué par les néoconservateurs en 2007, lors de la parution de son enquête Le lobby israélien et la politique étrangère américaine (La Découverte, Poche 2009) : un livre d'une lucidité peu commune aux Etats-Unis.

Le voilà de nouveau attaqué, en cette rentrée 2014, pour l'analyse qu'il publie dans la revue Foreign Affairs (septembre-octobre). Intitulé Pourquoi la crise ukrainienne est de la faute de l'Occident, cet article d'une autorité américaine confirme ce que les Européens de bon sens ne cessent de dire contre vents et marées – tandis que les journalistes du Monde et de Libération dansent leur ronde de guerre au son des tambours du bataillon Azov...

 

Extraits de l'article du Pr Mearsheimer :

 

<< Selon la vulgate dominante en Occident, la crise ukrainienne est imputable quasi-entièrement à une agression russe. Le président Vladimir Poutine, assure-t-on, a annexé la Crimée en vertu de son constant désir de ressusciter l'empire soviétique, et il s'en prendra au reste de l'Ukraine ainsi qu'à d'autres pays en Europe de l'Est. […] Mais cette version est inexacte. Les Etats-Unis et leurs alliés d'Europe portent la principale responsabilité dans cette crise. La racine du trouble est l'élargissement de l'OTAN, élément central d'une stratégie d'ensemble visant à extraire l'Ukraine de l'orbite russe et l'intégrer à l'Occident. L'expansion de l'UE vers l'Est [et le soutien à la "révolution orange" en 2004] ont aussi été des éléments cruciaux. Depuis la moitié de la décennie 1990, les dirigeants russes se sont opposés catégoriquement à l'élargissement de l'OTAN ; durant ces dernières années, ils ont souligné qu'ils ne laisseraient pas l'Ukraine, leur voisin le plus important stratégiquement, devenir un bastion de l'OTAN. Pour Poutine, le renversement illégal d'un président d'Ukraine démocratiquement élu – et pro-russe – par ce que l'on peut qualifier de "coup d'Etat", fut le seuil décisif. Il répliqua en prenant la Crimée, péninsule qu'il craignait de voir transformer en base de l'OTAN, et en travaillant à déstabiliser l'Ukraine jusqu'à ce qu'elle renonce à ses efforts pour passer à l'Ouest... >>

 

La réaction de Poutine ne devrait donc pas nous étonner, explique le Pr Mearsheimer, dans la mesure où "l'Occident" (le système atlantique) avait entrepris de s'installer dans l'arrière-cour de la Russie et de menacer ses intérêts stratégiques essentiels, problème que Poutine avait souvent et fortement signalé.

Or les dirigeants occidentaux, c'est-à-dire la classe politico-médiatique, réagissent aux événements d'Ukraine en affichant une stupeur hyperbolique. Pourquoi ? Parce qu'ils ont "une vision défectueuse de la politique internationale", explique Mearsheimer : "ils croient qu'au XXIe siècle la logique réaliste ne s'applique plus." lls imaginent que l'interdépendance économique, la globalisation et les lois du marché ont remplacé la vieille realpolitik.

Cette utopie libérale est réfutée par les événements d'Ukraine. La réplique de Poutine montre que la realpolitik continue à s'appliquer, "et que les Etats qui veulent l'ignorer le font à leurs risques et périls" :

 

<< Les dirigeants américains et européens ont commis une bourde en prétendant transformer l'Ukraine en place-forte occidentale aux frontières de la Russie. Maintenant que les conséquences sont mises à nu, ce serait une faute encore pire que de continuer cette politique bâtarde... >>

 

Il faut être aussi mal informés que mes confrères du Monde, pour croire que le refus russe de l'otanisation de l'Est a commencé avec Poutine ! Boris Eltsine lui-même (pour lequel notre presse commerciale manifeste une bizarre tendresse rétrospective) avait tiqué en 1995 lorsque l'OTAN bombardait la Serbie : « Voilà le premier signe de ce qui arriverait si l'OTAN s'installait aux frontières de la Russie », avait-il dit : « les flammes de la guerre exploseraient d'un bout à l'autre de l'Europe. »

En 2008, l'OTAN annonçait qu'elle allait accueillir l'Ukraine et la Géorgie. Le Kremlin faisait alors savoir que ce serait "une menace directe contre la Russie", donc "une énorme faute stratégique, avec de sérieuses conséquences pour la sécurité pan-européenne".

On en eut un aperçu en 2008 quand le président géorgien, se croyant déjà couvert par l'OTAN, entreprit contre deux régions séparatistes ce que Kiev allait entreprendre en 2014 contre le Donbass ; le résultat fut l'intervention russe, qui étrilla l'armée géorgienne et annexa les deux régions rebelles. Mais Washington ne comprit pas le message, et poursuivit sa politique d'élargissement de l'OTAN... En 2009, l'incertaine Croatie et la mafieuse Albanie devenaient membres de l'Alliance atlantique. Parallèlement, l'UE affichait son intention d'absorber l'Ukraine. A partir de l'élection du pro-russe Yanoukovitch à la présidence ukrainienne (2010), les budgets d'aide US et l'action des ONG américaines à Kiev basculèrent en faveur des divers mouvements d'opposition pour déstabiliser l'élu – sans dissimuler qu'il fallait en faire autant à Moscou. Le Kremlin en tira les leçons. L'engrenage était en marche.

 

 

[à suivre]

 

 

Commentaires

> Bien. Mais assez peu original. Enfin, vu d'ici...
______

Écrit par : JG / | 02/09/2014

QUESTION

> Y aurait-il une déstabilisation de la Russie en cours à Saint Pétersbourg ? C'est ce qu'affirme le député Evgeny Fedorov, conseiller d’état de la Fédération de Russie qui occupe le poste stratégique à la Douma d’état, l’équivalent de l’assemblée nationale française, de « Directeur du Comité pour la politique économique et l’entreprise ». https://www.youtube.com/watch?v=WNAPbuwLMHg
______

Écrit par : isabelle / | 02/09/2014

MEA CULPA

> Un mea culpa en politique, est-ce que ça déjà existé dans l'histoire des hommes ?
______

Écrit par : Théophile / | 03/09/2014

INVERSION DES RÔLES

> On pourrait ajouter que l'armée ukrainienne et ses milices supplétives ont créé un exode des populations par leurs bombardements de villes. Les Russes en ont accueillis mais ne souhaitaient pas d'une part voir ce flux grandir, ni d'autre part assister ainsi à une dé-russification de l'est de l'Ukraine.
L'Ukraine a aussi repoussé le projet de fédéralisation du pays.
La Rusie se souvient aussi des engagements de l'OTAN quant à l'intégrité territoriale de la Serbie et ce qui s'en est suivi (reconnaissance du Kosovo en tant que pays à part entière, et installation de base au Kosovo).

Je ne cautionne pas l'action russe mais j'adhère à la phrase de Bossuet qui disait déjà que "'Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes".
Hier dindon de la farce, la Russie a-t-elle choisi d'inverser les rôles ?
______

Écrit par : franz / | 03/09/2014

L'AN 2000

> Bien sûr, comme exemple de mea culpa public, il y eut celui de l'Eglise pour le Jubilé de l'an 2000, à travers la voix de Jean-Paul II !

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/homilies/2000/documents/hf_jp-ii_hom_20000312_pardon_fr.html
______

Écrit par : Théophile / | 06/09/2014

Les commentaires sont fermés.