26/08/2014
L'Europe n'est pas innocente du drame ukrainien
...comme l'éditorial du Monde semble le penser :
Chute de l'éditorial du Monde daté de demain :
« La chancelière Merkel, en première ligne sur ce dossier, a raison de souligner que ce conflit ne saurait être réglé que par des moyens militaires. Les Européens ont raison de chercher une issue négociée. Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne, a raison de participer au sommet de Minsk, mardi 26 août, où M. Poutine et M. Porochenko devaient se rencontrer, pour la première fois depuis leur bref entretien du 6 juin en Normandie. Mais que peut-on attendre de tels entretiens si les chars russes sont en opération sur le territoire ukrainien ? Confuse, la situation en Ukraine est aussi explosive. Le monde ne manque pas de crises graves, mais celle-ci est au cœur de l'Europe. Il est de la responsabilité des dirigeants européens de la gérer, avec fermeté et unité, sans se laisser abuser par les ruses de M. Poutine. »
Passons sur le ton sentencieux, assez comique – en politique internationale – de la part du journal qui voyait dans l'invasion de l'Irak en 2003 une opération judicieuse, et qui ne fut pas capable en 2010 de discerner la montée de Marina Silva dans la campagne présidentielle du Brésil.
Examinons plutôt les quatre dernières lignes. L'éditorialiste croit savoir que l'armée de la Russie est en action sur le sol ukrainien. Quelle est sa source ? « La Maison Blanche », dit-il : autrement dit, l'ennemi conventionnel du Kremlin. Sachant que l'hostilité stratégique de Washington envers Moscou depuis le départ d'Eltsine est la cause de la crise actuelle, s'en remettre à la Maison Blanche du soin de nous informer sur cette crise est une plaisanterie.
Plaisanterie également, que d'appeler Mme Ashton « chef » d'une diplomatie européenne inexistante ; et de résumer les intérêts européens à une sorte de combat contre M. Poutine – tout en appelant les dirigeants de l'UE à « gérer » une crise qu'ils ont contribué à déclencher : 1. en se plaçant depuis dix ans à la remorque de la stratégie belliqueuse des Etats-Unis ; 2. en prétendant, l'an dernier, exclure la Russie d'une négociation économique (avec l'Ukraine) qui menaçait directement les intérêts commerciaux russes ; 3. en se laissant engrener par Washington dans une posture de quasi-guerre, depuis le printemps dernier.
Et pourquoi cette posture ? Parce que, dit Le Monde, tout cela se passe « au coeur de l'Europe »... Affirmation doublement fausse ! Primo : l'Ukraine ne fait pas, ni probablement ne fera, partie de l'Union européenne. Secundo : la société ukrainienne n'a rien à voir – de près ni de loin – avec les sociétés d'Europe occidentale ou centrale ; elle considère par exemple comme normales (voire vertueuses) des attitudes, des opinions, des actions, qui seraient considérées comme anachroniques, criminelles et intolérables en Europe ; on en trouve un exemple glaçant dans notre note d'hier sur le bataillon Azov, formation patronnée par le ministère de l'Intérieur de Kiev.
Voilà des faits. Mais sans doute ont-ils tort, aux yeux d'un manichéisme de newsroom.
17:40 Publié dans Europe, Russie-Ukraine-etc, USA | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : russie, ukraine, europe, états-unis
Commentaires
'LE MONDE' EST MAL ÉCRIT
> La première phrase de la citation vaut déjà, à elle seule, le détour: "...que ce conflit ne saurait être réglé que par des moyens militaires" (sic). Pour dire, en fait, que ce conflit ne saurait être réglé par les seuls moyens militaires. Sur un sujet aussi grave, dire le contraire de ce qu'on voudrait dire ! Où donc est le temps où "Le Monde" était un journal bien écrit ?
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Écrit par : Salamito / | 26/08/2014
@ Salamito
> Êtes-vous sûr que ce soit une erreur ?
J'avais bel et bien compris que Merkel ne voyait qu'une issue militaire. Cela était tout à fait logique puisque les opposants à l'Ukraine de Maidan sont vus par l'Occident comme des terroristes, que l'Otan fournit des armes, des mercenaires et des conseillers pour gagner la guerre plus vite, que la manière de traiter les Russes est purement guerrier, etc.
Cela fait disparaître l'information étonnante de la deuxième phrase : que l'UE cherche une solution négociée. Ce serait bien nouveau et il est bien normal que Le Monde n'arrive pas à y croire. Supprimer cette petite phrase et l'article se tient parfaitement dans un sens agressif : Poutine ne cherche qu'à nous rouler, la guerre sera la seule issue.
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Écrit par : Guadet / | 26/08/2014
@ Guadet
> Les trois premières phrases me semblent cohérentes sur le fond: l'expression "avoir raison" y est par trois fois employée à propos de négociations. Je crois donc devoir maintenir, au sujet de la première phrase, l'hypothèse d'une curieuse maladresse d'expression.
Je partage les griefs de Patrice de Plunkett contre ce texte, qui, toutefois, n'est pas aussi belliciste que vous semblez le dire. Mais j'avoue humblement que vous m'avez un peu fait peur. Reste que les problèmes, comme nous le savons vous et moi, ne font que commencer.
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Écrit par : Salamito / | 27/08/2014
@ Salamito
> Je voulais faire de l'ironie, même s'il est vrai que j'ai d'abord compris la première phrase dans son sens logique… et qu'il n'empêche que cette bévue est sans doute un acte manqué.
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Écrit par : Guadet / | 28/08/2014
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