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27/05/2014

La France qui "part en morceaux", et le "réflexe de classe" des partis bourgeois

Chronique de Guillaume de Prémare (Radio Espérance, 26/05) :

 


Tandis que l’UMP ne s’occupait que de son dérisoire nombril, Jean-Christophe Cambadélis a dit une chose très juste hier pendant la soirée électorale européenne : « La France entre dans une zone où tout est possible. » J’ajouterais que tout et son contraire sont possibles. Non pas tant à propos du jeu des partis, mais d’une réalité cruciale pour comprendre ce qui se joue au plan historique : La France se morcelle, la France part en morceaux.

Dans une interview récente au Nouvel Obs, le géographe Christophe Guilly s’exclame :« Le vivre-ensemble c’est fini ! » et explique comment ce morcellement dépasse le cadre ethnico-religieux pour présenter également un visage sociogéographique :

« La révolte gronde dans ce que j'appelle la France périphérique, c'est-à-dire les territoires qui sont à l'écart des grandes métropoles : bourgs, petites villes, la plupart des villes moyennes, une partie du périurbain et le monde rural. C'est une immense partie du territoire qui accueille 60 % de la population et 80 % des nouvelles catégories populaires : ouvriers, employés, petite classe moyenne en voie de paupérisation, jeunes et retraités issus de ces catégories. »

Pourquoi la révolte gronde-t-elle ? Pour répondre à cette question, il faut comprendre les aspirations vitales de cette France profonde et laborieuse :

♦ la protection, notamment des emplois ;
 ♦ la sécurité des biens et des personnes ;
 ♦ les repères éducatifs et d’identité ;
 ♦ l’autorité dans la famille, à l’école et bien sûr dans la sphère politique ;
 ♦ la stabilité, car le peuple n’est pas nomade mais sédentaire.

Ajoutons que ce peuple vomit l’assistanat parce que le travail est pour lui une culture profonde et le moteur d’éducation des enfants.

Ces aspirations ne sont pas une idéologie mais se forgent avec bon sens et lucidité à partir de ce que les gens vivent à Saint-Omer, Fresnoy-Folny ou Carhaix. Ici, on a les yeux ouverts quand, à Paris, Strasbourg ou Bruxelles, on les ferme.

Les élites expliquent – en décalage complet avec les besoins du peuple - qu’on n’a pas d’autre choix que de « peser dans la compétition mondiale », que la mondialisation est « irréversible », qu’il faut aller chercher « la croissance avec les dents », qu’il faut « être mobile », etc. Le tout agrémenté de promesses d’égalité jamais réalisées et d’incantations morales inopérantes sur le vivre-ensemble.

Les élites sont en panique morale et voudraient exorciser le diable 'populisme'. Voici que le peuple – jadis mythifié sous l’étendard de la liberté, de l’égalité et de la fraternité – devient soudain une incongruité, voire un monstre à contenir, quand il réclame protection, frontières, sécurité, repères, identité, stabilité et autorité.

Ce peuple ne se contente plus de la providence de l’État pour adoucir la perception de son sort, pour accepter l’abandon dont il est l’objet. Cette providence ne suffit plus à empêcher les gens de dire « ça va péter », comme en témoigne Jean Lassalle, le député qui marche. On a envie que « ça pète » quand on n’a plus grand-chose à perdre.

À l’inverse, à Paris, Strasbourg ou Bruxelles, on a beaucoup à perdre : la monnaie et les bourses sont stables, l’inflation est faible, l’immobilier continue de grimper et l’or est au plus haut. Bref, le patrimoine et l’épargne sont protégés. Voici donc nos élites urbaines accrochées à leur conservatisme, rétives au moindre renversement de perspective.

Ce conservatisme n’est pas d’abord idéologique, mais social et patrimonial. Il est un instinct grégaire de conservation, un réflexe de classe. « Depuis des années, on entend des partis bourgeois, qui font du gras », disait Eric Brunet hier soir sur BFMTV. C’est tellement vrai…

La France en état de choc vacille donc entre un ras-le-bol pré-révolutionnaire et un conservatisme patrimonial pré-totalitaire.

Il y a urgence : la France part en morceaux, le bien commun est en miettes. Mais la lutte des classes est un poison, pas une solution. L’urgence n’est pas de faire de la "pédagogie" afin que le peuple comprenne enfin, non. Il y a urgence pour que la France urbaine aisée lève le nez de son relevé de patrimoine, ouvre les yeux, tourne le dos à son conservatisme, s’intéresse au peuple et assume enfin ses responsabilités.

Elle a une responsabilité compte tenu de son niveau de vie, de culture et d’instruction, mais aussi compte tenu de sa position et de son pouvoir. L’égalité n’existe pas dans le corps social, mais la justice doit exister.

Qui défendra le faible sinon le fort ? Qui protégera le peuple des prédations sinon ceux qui ont un pouvoir ? Qui donnera les repères sinon ceux qui sont le plus instruits de la sagesse des siècles ? Qui assumera la véritable autorité ? Qui restaura la substance politique qui est de servir et protéger ?

 

Guillaume de Prémare
Analyse diffusée sur Radio Espérance du 26 mai 2014.

 

Commentaires

> Merci d'avoir diffusé cette chronique ! Prémare Président ! ;-)
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Écrit par : Alex / | 27/05/2014

GRANDES ET PETITES VILLES

> Ce que vous dites est juste, mais ne séparez pas trop artificiellement les grandes villes des petites.
Je vous cite le cas de la mienne : Marseille, qui est peut être
un cas spécial, mais pas isolé.
Nous ne sommes pas dans le conservatisme, l'immobilier n'est
pas une valeur sûre, et tout fiche le camp.
Les gens sont loin de se sentir rassurés.
Bien cordialement,
D.Marsault
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Écrit par : marsault danielle / | 27/05/2014

ABANDON DES PÉRIPHÉRIES

> Les annonces de regroupement de régions et de suppression des département n'ont pu qu'aggraver ce sentiment d'abandon des périphéries (tiens, le contraire de ce que dit le pape...). Car ou les gens feront-ils leurs démarches? On retire déja des tribunaux, des hôpitaux, des maternités - au nom du sacro-saint "niveau"-, des postes, des gendarmeries. Peut-être faut-il supprimer les départements, mais c'est parce qu'ils sont trop grands pour la vie quotidienne et non trop petits. L'échelle de la vie courante, c'est le "pays" , le terroir, proche par la taille des arrondissement. Mais voilà, on ferme déja des sous-préfectures.
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Écrit par : Pierre Huet / | 27/05/2014

LA LOI LIBÈRE

> Je lis:
"Qui défendra le faible sinon le fort ? Qui protégera le peuple des prédations sinon ceux qui ont un pouvoir ?"
Et me souviens du Père H-D Lacordaire:
« Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère »

Si l'on admet que le libéralisme trans-étatique consiste à briser le maximum de barrières juridiques au profit de la loi de la jungle-marché, alors il faut bien reconnaitre que nous sommes absolument seuls, dans un monde occidental libéral-libertarisé, très seuls à figurer dans le camp d'en face, et guère taillés pour vaincre, ce n'est pas une perte d'espérance, juste un constat.

Pour le reste, cette polichinellerie médiatico-politique ne devrait pas attrister, il ne se passe rien ou si peu au Parlement Européen, on parlera aussi peu des décisions de la nouvelle législature que des précédentes, non vécues, à tort ou à raison, comme des enjeux réels, et puis le pouvoir (européen, comme français) est ailleurs, au chaud sous un anticyclone qui indique météo stable pour les décennies à venir...
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Écrit par : Aventin / | 27/05/2014

SAGESSE DES SIÈCLES

> Excellent !
Mais, juste à la fin : "Qui donnera les repères sinon ceux qui sont le plus instruits de la sagesse des siècles ?"
Font-ils vraiment partie de la "France urbaine" décrite ici, ceux-là ?
Il y a bien souvent plus de "sagesse des siècles" dans un petit vieux campagnard qui bine consciencieusement ses patates que dans un jeune cadre dynamique "instruit" dans la "déconstruction" (destruction, devrait-on dire) de tout.
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Écrit par : PMalo / | 27/05/2014

PAS INSTRUIT

> Un jeune cadre dynamique n'est pas instruit, et je pense que Prémare ne pense pas aux HEC et sciences-potiches.
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Écrit par : Maud / | 27/05/2014

NOUVELLE DONNE ?...

> Pierre Larrouturou vient d'affirmer sur son compte Twitter @larrouturou "Au delà de la question économique, on est dans une crise anthropologique. Parlons à notre intelligence".
J'observe que Nouvelle Donne, créé par ses soins en novembre 2013, a réuni plus de 3% des suffrages dimanche et affiche déja 8 500 membres cotisants soit plus que EELV.
Gaël Giraud l'éminent économiste, prêtre jésuite de surcroît, a affiché formellement son soutien à ce nouveau parti.
Ne serait il pas temps que les chrétiens indignés s'y intéressent ?

PH94


[ PP à PH94 - Ils s'y intéressent, je vous le confirme ! Et j'ai voté Nouvelle Donne. Après m'être abstenu aux dernières législatives, présidentielles et européennes... ]

réponse au commentaire

Écrit par : PH94 / | 27/05/2014

ETAT D'ESPRIT

> Je ne comprends ce que fait une telle chronique sur un blog chrétien, le Christ n'a t'il pas dit "mon royaume n'est pas de ce monde" ?
C'est un manque d'espérance vous faites de la politique, c'est pas bien.

(Rassurez-vous, je ne crois pas ce que je viens d'écrire : mais c'est ce qu'on entend à longueur de temps dès qu'en tant que chrétien on se préoccupe de la situation.
Il y a une conversion à faire / dire merde au Dieu-concept, à la religion aseptisée, au demi-engagement, arrêter de concubiner avec la foi et épouser l'Eglise.
L'état d'esprit petit-bourgeois doit être remplacé par un esprit chevaleresque.
L'état d'esprit petit-bourgeois c'est vivre en ayant peur de ce qu'on pourrait perdre, de prendre des coups.
L'état d'esprit chevaleresque, c'est avoir peur d'être lâche, de ne pas avoir assez de cicatrices comme des stigmates.
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Écrit par : E Levavasseur / | 27/05/2014

GRANDE RÉFORME POUR PETITE AMBITION

> Je ne sais pas vous, mais moi je trouve ça curieux, cette réforme territoriale de grande ampleur (le terme est faible ! ) qui sort du chapeau, totalement hors de propos, comme une envie de p…er.
Je ne suis pas parano, pas complotiste plus que ça, mais est-ce être complètement stupide que de penser que ça irait tout à fait dans le sens d'une "simplification" des structures à même de faciliter l'application du futur traité de libre échange transatlantique ?
Un peu comme ces réorganisations qui ont lieu dans les boîtes privées, dans le cadre de fusions acquisitions...
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Écrit par : Feld / | 27/05/2014

FERME

> Ce que vient d'exprimer Mr de Prémare résonne "ferme" pour qui circulant dans la France profonde observe et voit !
- Axel Kahn, bien nanti parisien et ne craignant rien pour lui-même et les membres de sa famille, le rapporte très justement dans la première partie de son livre 'Des Ardennes au pays Basque' .
Les bien servis de la nomenklatura française se moquent depuis si longtemps de la profonde réalité de notre pays !
Une poudrière contenue maintenant difficilement - les dernières élections européennes sont la mesure de la fièvre prise sur le "malade" avec le thermomètre du résultat de cette consultation électorale !
...Quand on est à 40° , ça urge !
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Écrit par : Yves . M / | 27/05/2014

P Malo,

> je pense que "les plus instruits de la sagesse des siècles" sont justement les anciens, qui ont vécu, expérimenté et réfléchi, nourris pas la réflexion et l'expérience de leurs propres aînés, et non les hyper-diplômés persuadés de tout savoir.
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Écrit par : Barbara / | 28/05/2014

@ PH94 et PP

> J'ai également voté Nouvelle Donne (après une foultitude de votes blancs…hors municipales).
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Écrit par : Feld / | 29/05/2014

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