Déchaînement de la droite US contre le pape François

Là-bas et à Paris, les masques tombent :

 

 

Les pages économiques et sociales de l'exhortation apostolique La joie de l'Evangile (ici, notes des 08/12, 07/12, 03/12, 26/11) déchaînent une rage spectaculaire chez des ténors de la droite conservatrice et du Tea Party aux Etats-Unis.

Samuel Gregg de la National Review laisse entendre, sur le  ton (faussement respectueux) des pseudo-papistes, que le pape raconte n'importe quoi et que ce qu'il critique n'existe pas : il n'y a pas de règne du marché, ni de dérégulation, ni de financiarisation, etc.

Point de vue confirmé – sur un ton plus snob – par Tim Worstall : le chroniqueur de Forbes (magazine de l'establishment) regarde de haut ce malheureux pape, «bon gentleman catholique bien éduqué par les bénédictins » et qui n'a donc « pas compris le monde dans lequel nous vivons », un monde dans lequel il n'y a pas eu de putsch ultralibéral mais « une libération des exigences du collectivisme ». Fermez le ban.

A côté des éditorialistes chic, la droite populiste... La blogosphère conservatrice se répand en caricatures sur le bon vieux thème puritain du no popery (à bas le papisme), qui n'avait plus servi depuis les défilés orangistes de Belfast : mais cette fois au service de Wall Street. Dans son émission Le Salon, talk-show le plus écouté du pays (sur Premiere Radio Networks), Rush Limbaugh accuse le pape de « pur marxisme » : ce qui montre que Limbaugh ne connaît ni le marxisme, ni le pape. Ni la doctrine sociale de l'Eglise catholique [*]... Un chansonnier a pointé les innombrables bourdes de Limbaugh, dans un livre intitulé Rush Limbaugh is a Big Fat Idiot and Other Observations ; ça n'empêche pas la droite de prendre le big fat idiot pour un « grand pourfendeur du politiquement correct ». 

Chez Fox Business Networks, l'éditorialiste financier – d'origine anglaise – Stuart Varney, produit typique de la London School of Economics, a fait une sortie antipapiste lors de son show Varney & Co : Bergoglio, a-t-il proclamé, est un « néo-socialiste ! ». A quoi un autre animateur de télévision, Jon Stewart, a riposté en évoquant (sur le mode de l'allusion obscène) les liens de Varney avec l'industrie financière...

Quant au Tea Party, qui aurait manqué dans cette fête, il proclame que le pape n'y connaît rien et que « Jésus ne pouvait pas être un socialiste puisque c'était un capitaliste ». Quand il y a une stupidité à dire, ce parti est toujours là.

Pourquoi faire écho à ces choses ? Pour obliger la droite catholique de l'Hexagone à ouvrir les yeux. L'a-t-on assez entendue, depuis six mois, répéter qu'elle devenait « un Tea Party à la française » ? Si c'est le cas, voilà dans quelle direction elle risque de s'embarquer... Et c'est peut-être déjà fait, si j'en juge par les propos sur François entendus depuis quelques semaines  – et qui faisaient écho aux dédains de catholiques institutionnels, tel Philippe Chalmin expliquant que la position de François n'est "pas éclairée" et que, "sans contester au pape le droit de faire de telles déclarations" (monsieur est trop bon), l'establishment lui conseille d'acquérir "des connaissances plus approfondies" [**]. Ces gens sont déjà à bord du train fatal. Auront-ils l'inspiration d'en descendre avant le départ ?  Prions pour eux.

 

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[*] Le tonitruant Limbaugh n'a visiblement pas eu l'exhortation apostolique entre les mains : ce qui ne l'empêche pas d'y voir du marxisme. Et même, du marxisme pur.

[**]  Ce mépris affiché envers le pape empêchera-t-il M. Chalmin d'être guest star à de très catholiques colloques du genre de celui-ci (je n'invente rien) : "Comment transformer l'innovation en business" ?