Après la manif du 26 / le ministre Valls en porte-à-faux / mauvaise foi à gauche, enfumage à droite ? / début d'une prise de conscience

Tout commence maintenant !  Attention aux enfumages :

 

   

Manuel Valls claironne le chiffre : "plus de 350 interpellations" aux Invalides après la manif familiale d'hier ! On n'y a pourtant pas détruit d'autobus ni attaqué de passants, comme au grand saccage du Trocadéro où il n'y eut que 21 interpellations. Vaut-il mieux se livrer à des violences contre les citoyens, comme les pillards du 13 mai, que de résister à la police, comme les gamins du 26 mai ? J'écris "gamins" en pensant au gros des interpellés des Invalides, constitué de lycéens propres sur eux et chantant des refrains scouts sur les pelouses deux heures après la fin de la manif officielle ; à ne pas confondre avec le très petit nombre de castagneurs, près de la rue de l'Université, qui s'était – lui – sérieusement frité avec la police une heure après la fin de la manif. De toute façon, le vocabulaire de la préfecture (qualifiant ces heurts de "très graves") était inapproprié à la qualification des faits : comme le disait un journaliste à BFM-TV hier soir, si quelques bastons flics-groupuscule sont déclarées "très graves", alors la préfecture aurait dû déclarer "très très très grave" ce qui s'était passé au Trocadéro. Ce qu'elle n'a pas fait ce jour-là, préférant minimiser les faits dans l'espoir de de se justifier.

Manuel Valls était d'ailleurs obligé de forcer la note hier soir, pour tenter de ne pas perdre la face. Depuis trois jours, oeil dur et mâchoire crispée (on aurait dit Jules Moch en 1947 s'apprêtant à écraser la grève des charbonnages du Nord), il annonçait que la manif allait être le lieu de tous les dangers. Mais le 26 à 18 heures, chacun pouvait constater que cette manif – encore un succès d'affluence – s'était déroulée dans le plus grand calme. Le seul incident signalé (minime) n'avait eu aucun rapport avec elle : une poignée de membres d'un groupuscule avaient posé une banderole "Hollande démission" sur la façade du PS, geste aussitôt exploité jusqu'au mélodrame par Harlem Désir ! Sous peine d'être encore plus en porte-à-faux qu'après l'affaire du Trocadéro, Manuel Valls se retrouvait dans l'obligation de monter en épingle des affrontements d'après-manifestation : épisodes pourtant classiques, exécutés par des "autonomes" en marge des manifs de gauche, et désormais aussi par des "identitaires" en marge des manifs de droite. Les autonomes sont quelques milliers. Les identitaires, quelques centaines. La République n'est pas en danger.

J'ai dit : "manifs de droite" ? Oui, je sais, la cause de la famille et de la filiation n'est "ni de droite ni de gauche", etc. Mais la sociologie du mouvement anti-loi-Taubira montre qu'une très grande partie des manifestants sont l'électorat de l'UMP ; raison pour laquelle M. Copé (dont la loi Taubira est le moindre souci) a pris pendant trois mois la posture du manifestant. Certains en déduisent que le mouvement de masse LMPT serait "libéral-conservateur" : ce label, revendiqué en avril par deux ou trois billettistes, ne correspond pas à la réalité. C'est un oxymore. Le libéralisme disloque la société, il ne la "conserve" pas. Et cette évidence commence à être aperçue par un nombre grandissant de manifestants...

En effet la loi Taubira n'est que l'une des étapes de la dislocation sociétale voulue par le modèle économique libéral (je le rappelais vendredi matin à Radio Notre-Dame). Modèle qui, par ailleurs, mène à la pauvreté et au désespoir ambiant : "devoir lutter pour vivre, et souvent pour vivre indignement", disait le pape François l'autre jour.

Cela, Manuel Valls ne veut pas qu'on le comprenne.

Les milieux économiques dominants non plus ; rappelons qu'ils soutiennent Terra Nova, matrice de la loi Taubira.

Mais des dizaines de milliers de manifestants, quelle que soit leur origine politique et sociale, commencent à s'en apercevoir. Par rapport à ce phénomène d'avenir, les incidents d'hier soir n'ont aucune signification : ne laissons pas M. Valls en faire l'arbre qui cache la forêt. Mais ne laissons pas non plus certains, à droite, empêcher la prise de conscience de progresser ! La question qui se pose au mouvement est : par où continuer ; la réponse ne saurait être : "repli général sur la bioéthique et les bons sentiments". La bioéthique est l'un des combats, mais elle doit, comme tous les combats, remonter des effets aux causes. On ne saurait se contenter de dire que ces causes sont exclusivement "idéologiques", comme si les idéologies tombaient de la Lune ; comme si elles n'étaient pas liées à l'infrastructure du système économique (c'est ce que nous indique le pape). Les avocats de ce système, c'est-à-dire ses communicants, seraient mal placés pour nous dire comment le changer.

Voilà de quoi discuter tous ensemble, à partir de maintenant.