28/03/2013
Jeudi Saint : le Corps du Christ
Peinture murales au Salvador : le P. Rutilio Grande et Mgr Romero, prêtres du Christ assassinés par l'oligarchie.
Dans son livre 'Eucharistie et mondialisation' (Ad Solem 2001), William Cavanaugh écrit :
<< Aujourd'hui, les théologiens de l'hémisphère Sud nous rappellent que la communion effective des chrétiens dans l'Eucharistie interdit que certains fidèles continuent à se nourrir de la faim des autres. L' "unité de l'Eglise" peut être une façade hypocrite, cachant les pires exploitations. Et que dire de nos célébrations eucharistiques, qui ont souvent échangé les exigences de la charité fraternelle pour un vague sentimentalisme humanitaire ? La logique de la mondialisation, sa conception de l'espace, du récit, de la solidarité, a pénétré la vie liturgique de l'Eglise. A quoi y communie-t-on, en effet : au Corps du Christ, ou à une certaine idée de l'homme, de l'humanité, du monde ? Or là où le Corps n'est pas convenablement discerné, nous a averti saint Paul, la réception de l'Eucharistie peut provoquer la maladie, voire la mort (1 Co 11,30). Ce qui expliquerait l'état moribond de communautés eucharistiques aujourd'hui. Contre cet esprit, il y a l'exemple des martyrs, notamment celui du père Rutilio Grande [1], dont [on connaît] l'homélie prononcée le 13 février 1977 dans le village d'Apopa, au Salvador :
« ...''Moi j'ai acheté la moitié du Salvador avec mon argent, donc j'ai le droit... » ? Non ! C'est une négation de Dieu ! Il n'y a aucun droit qui vaille face aux besoins des majorités ! Donc le monde matériel est pour tous, sans frontières. Donc une table commune avec de grandes nappes pour tous comme cette Eucharistie... Ce n'est pas pour rien que le Christ a parlé de son royaume comme d'un repas, et c'est un repas qu'il a célébré la veille de son suprême sacrifice... et il disait que ce repas était le grand mémorial de la Rédemption. Une table partagée fraternellement, une table autour de laquelle tous ont leur poste et leur place... C'est l'amour de la fraternité partagée, qui brise et jette à terre toutes les formes de barrières et de préjugés, et qui doit surmonter même la haine ! »
Moins d'un mois après avoir prononcé ces paroiles, Rutilio Grande était assassiné par un escadron de la mort à la solde du gouvernement salvadorien. Mgr Oscar Romero répliqua en décrétant qu'exceptionnellement, une seule et unique messe serait célébrée ce dimanche-là dans l'archidiocèse : la messe de requiem. Ce qui signifiait que tous les fidèles, riches et pauvres, indistinctement, allaient devoir partager le même espace autour de l'Eucharistie. L'élite cria au scandale, mais Mgr Romero tint bon. Il allait renverser les barrières spatiales […] de manière sacramentelle, en rassemblant tous les fidèles dans un espace commun autour de l'autel, manifestant ainsi l'universalité de la catholica en un certain lieu, en un certain temps. Ici-bas, sur la terre, autour du Christ-Roi, présent dans l'Eucharistie. >>
William Cavanaugh
[1] Jésuite alors au Salvador (comme Jorge Bergoglio en Argentine) le P. Grande était un ami de Mgr Romero, futur martyr de l'oligarchie lui aussi : le 24 mars 1980, l'archevêque allait être assassiné pendant qu'il célébrait l'Eucharistie. Du P. Grande, il avait dit : « Quand je vis Rutilio, étendu mort, j'ai pensé que s'ils l'avaient tué pour ce qu'il avait réalisé, alors moi aussi j'avais à avancer sur le même chemin. »
10:03 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jeudi saint, mgr romero, rutilio grande, salvador, pape françois
Commentaires
SANTI SUBITO !
> Santi subito ! Quand va-t-on cesser de bloquer les dossiers de béatification de ces martyrs (comme Mgr Angelelli et les siens en Argentine) ? Quand arrivera-t-on à faire comprendre à la Curie que Staline ne menace plus le Vatican ?
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Écrit par : churubusco / | 28/03/2013
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