06/02/2013
Loi bancaire + loi Taubira
= l'univers kafkaïen de la postdémocratie :
Rapprochons deux informations d'hier : a) la classe politique refuse de scinder les banques pour séparer dépôt et casino ; b) mais elle s'apprête à scinder le livret de famille, pour séparer filiation et reproduction naturelle.
D'un côté, l'Etat abdique sa propre nature politique (la responsabilité du bien commun) ; de l'autre, il se voue à combattre la nature biologique. C'est le décor kafkaïen de la postdémocratie.
La postdémocratie [1] est née à la fin du XXe siècle. Quand le capitalisme occidental s'est cru seul maître à bord (après la disparition de l'URSS), il lui a suffi d'imposer en Europe l'idée que toute politique – même modérée – devait disparaître aussi, tout Etat étant (forcément) totalitaire [2]. Le tour était joué : le "local" (chaque peuple) s'assujettissait au "global", (la sphère financière). La crise actuelle vient de cette situation. [3]
Cette crise n'est pas seulement celle de la finance virtuelle ruinant l'économie réelle. C'est aussi le scandale de la démission du politique, de plus en plus visiblement roi nu, détournant l'attention de sa scandaleuse nudité en organisant des tapages comme la loi Taubira.
Mais cette loi et ses dégâts collatéraux (destruction de la filiation, etc), c'est aussi la bataille contre le naturel, bataille qui caractérise la postdémocratie.
La postdémocratie, c'est en effet la démocratie détournée et dénaturée :
- détournée de sa finalité politique (animer l'Etat et résister à la finance) vers une autre finalité : le communautarisme, qui est la subversion du public par le privé et réciproquement (inspirée du marketing commercial régentant la planète) ;
- donc une démocratie dénaturée, et même vouée à combattre la nature dans tous les domaines, pour obéir – notamment – aux pressions de l'industrie... comme on le voit dans la loi Taubira à propos du biotech.
À ce stade, on ne s'en sortira que par une révolution.
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[1] Notons que le mot « postdémocratie », flétrissant le nouveau système occidental, fut forgé – quelques années avant sa mort en 2006 – par le philosophe russe Alexandre Zinoviev, qui avait été le plus profond critique du système soviétique ! (Mais ce signe des temps ne fut pas aperçu à l'Ouest). Oeuvres de Zinoviev en français :
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L'Avenir radieux, L'Âge d'Homme (1978)
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L'Antichambre du paradis, L'Âge d'Homme (1979)
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Notes d'un veilleur de nuit, L'Âge d'Homme (1979)
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Sans illusions, L'Âge d'Homme (1979)
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Cette fiction dite scientifique in Univers (anthologie périodique) n°17, ed J'ai Ju, 1979 (ISBN : 978-2-277-11958-6)
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Nous et l'Occident, L'Âge d'Homme (1981)
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Le Communisme comme réalité, L'Âge d'Homme (1981)
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Homo sovieticus, L'Âge d'Homme (1982)
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La Maison jaune, L'Âge d'Homme (1982)
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Ni liberté, ni égalité, ni fraternité, L'Âge d'Homme (1983)
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Katastroika, L'Âge d'Homme (1984)
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Le Héros de notre jeunesse, L'Âge d'Homme (1984)
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L'Evangile pour Ivan, L'Âge d'Homme (1984)
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« 1984 » et 1984 in Science-Fiction 2 : politique, éd Denoel, juin 1984, (ISBN : 978-2-207-33002-9)
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Va au Golgotha, L'Âge d'Homme (1986)
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Para bellum, L'Âge d'Homme (1987)
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Le Gorbatchévisme, L'Âge d'Homme (1987)
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Ma maison, mon exil, L'Âge d'Homme (1988)
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Vivre, Éditions de Fallois (1989)
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Confessions d'un homme en trop, Olivier Orban (1990)
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Perestroïka et contre-perestroïka, Olivier Orban (1991)
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Tsarville, Plon (1992)
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L'Occidentisme - Essai sur le triomphe d'une idéologie, Plon (1995)
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La Grande rupture, L'Âge d'Homme (1999)
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Gaités de Russie, Éditions Complexe (2000)
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La suprasociété globale et la Russie, L'Âge d'Homme (2000)
[2] Stupidité des intellectuels occidentaux prétendument « anti-totalitaires » (1970-1990) : tournant contre les gouvernements de l'Ouest les concepts critiques (pourtant intransposables) qui avaient servi à saper l'empire soviétique, ils ont créé le climat mental qui allait permettre le démantèlement du politique au profit du financier, enfermant les peuples dans l'impasse actuelle... dont on ne sortira que dans des conditions dramatiques.
[3] Et bêtise des libéraux : ils ne décrivent pas le monde actuel, mais un autre (imaginaire), à l'aide des dogmes de business school d'il y a vingt ans.
10:38 Publié dans Idées, La crise, Société | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : crise, postdémocratie, taubira, libéralisme, zinoviev
Commentaires
PESSIMISME
Analyse très juste et cohérente... Le drame, c'est qu'une minorité pense cela et qu'elle prêche dans le désert. Ce qui amène à s'interroger sur la valeur du concept de démocratie : les médias manipulent la majorité de la population pour anesthésier toute réflexion et les idéologues de tout poil organisent la police de la pensée. Il n'y a pas de quoi être optimiste...
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Écrit par : Pierre / | 06/02/2013
BERNANOS
> Effectivement il n'y a pas de quoi être optimiste, mais comme disait Bernanos : la plus haute forme de l'espérance, c'est le désespoir surmonté.
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Écrit par : Gilles Texier / | 06/02/2013
LEUR COMBAT CONTRE LA NATURE
> Citation : "une démocratie dénaturée, et même vouée à combattre la nature dans tous les domaines".
Loin d'être une conséquence fâcheuse ou imprévue (un dégât "collatéral") des entreprises législatives actuelles, le combat contre la nature est objectivement et consciemment revendiqué par nos idéologues, avatars sociétaux du Dr. Folamour. Un des arguments récurrents au sujet de la ruine programmée de l'institution du mariage consiste à marteler que l'homme est moins "nature" que culture. Puisqu'il se construit tout seul, tout lui est permis, et plus particulièrement, tout ce qui peut l'éloigner de sa "nature".
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Écrit par : Fondudaviation / | 06/02/2013
PREPARER LA SUITE
> Oui. Nous entrons dans un monde où la réalité est construite par les puissants. La vérité y est la parole du plus fort. Ce monde est le produit de la volonté des hommes. Cela ne se limite absolument pas aux relations humaines.
Une théorie récente veut que notre univers est un ordinateur. Ce qui s'y passe n'est qu'échange d'informations. Cela évacue l'univers matériel de l'équation. Je ne parle naturellement pas de la transcendance. Dans mon univers, l'information est ce que je sais sur une question et que je peux transmettre. Dans ce monde en gestation, il n'y a aucune différence entre les mots qui se forment dans mon esprit et la réalité. C'est absolument la même chose. L'ordinateur universel devient réalité.
L'univers devient aussi un produit de la volonté humaine.
Dans cette optique, détruire la famille comme notion basée sur les relations biologiques est une nécessité. Elle est un obstacle au monde soumit à la volonté des hommes. Dans cette optique, soutenir la banque et les banquiers est une nécessité car c'est un produit de la volonté des hommes.
L'univers comme réalité étant hors de nous (ex - istante) disparaît. Le bien commun devient un non-sens absolu car il dépasse les individus. Le réchauffement climatique ne peut pas exister car ce serait une révolte de la nature contre la volonté humaine. Le sexe doit être une création des hommes, pas un fait naturel. Une simulation informatique d'un phénomène (absolument n'importe lequel) doit décrire la réalité dans cette optique. Le virtuel devient une composante de la réalité des hommes. Un geste tendre ne peut pas être désintéressé. Il affirmerait que son auteur croit que l'autre est digne d'amour. Etc... Ce ne sont que quelques exemples qui montrent la même chose. La réalité au sens des scholastiques (par exemple) est en voie de disparition chez les hommes occidentaux.
Dans ces conditions, parler de Jésus Christ devient folie. Poser l'amour du prochain comme de soi même comme une valeur cardinale des relations humaines n'a plus de sens. Faire un bout de chemin avec un ou une autre n'est que tolérable.
Nous entrons dans un monde produit par la volonté humaine. Il est sans humilité (j'ai choqué un socialiste en disant que c'est une chose à mettre dans tout dialogue), conquérant, fait de rapports de forces, sans aucun amour, ne contenant que des relations contractuelles.
J'ai le vertige. Et pourtant, je crois qu'il faut préparer ce qui vient après ce monde. Croire en Dieu, vous en exclut radicalement. S'affirmer catholique fait de vous un ennemi de ce monde. Je me sens rejeté par ce monde. Ce n'est pas grave. Ce qui le serait, serait de le croire.
La réalité existe. Elle est pleine de choses qui me dépassent. Chaque humain est plus grand que ce que j'en vois avec mes yeux. Il cherche tout le temps à faire le bien. Chaque humain est plus petit que ce qu'il pense. À ce titre, il ne faut pas trop en attendre et beaucoup lui pardonner. Une relation, un dialogue, une rencontre me permettent d'aller où je ne serais jamais allé par mes seuls moyens. Se mettre en position de faiblesse par rapport à un autre devient de plus en plus dangereux mais cela lui offre une occasion de se montrer bon. J'ai des surprises agréables dans ce domaine.
Finalement, je crois pouvoir résumer tout cela en quelques mots :
"Jésus-Christ est ressuscité".
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Écrit par : DidierF / | 06/02/2013
> Si la réalité n'existe pas, la science non plus !
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Écrit par : PMalo / | 06/02/2013
GRAND VIDE
> Bonne analyse, comme toujours. Le plus dur c'est de ne pas désespérer dans ce grand barnum, et pourtant ! Quand on voit l'évolution de ces trente ou quarante dernières années, il y a de quoi être saisi de vertige et de dégoût : chômage monstrueux, énormes déficits, familles éclatées, logements inaccessibles sauf pour les riches, ... et ce malgré des technologies de plus en plus impressionnantes. C'est bien la preuve qu'il ne s'agit nullement d'un problème de moyens, mais d'intelligence au sens politique le plus noble. Et là, malheureusement il y a un grand vide...
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Écrit par : BCM / | 06/02/2013
Merci DidierF,
> ...j'adhère pleinement à votre analyse d'un monde en haine du réel, obstacle à ma toute-puissance, et vous rejoint dans ce désir d'abaissement, chance donnée à l'autre de se découvrir bon. C'est l'heure de choisir audacieusement la vulnérabilité et le non-pouvoir, pour simplement témoigner, comme Etty Hillesum en camp de concentration: oui "La vie est belle"! confiants qu'elle a déjà triomphé dans ce petit matin de Pâques.
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Écrit par : Anne Josnin / | 07/02/2013
ENCORE
> A chacun son chemin : les uns choisiront l’abaissement, une « minorité franciscaine » priante et silencieuse, d’autres tendront la joue eux aussi, mais ne se tairont pas pour autant après avoir pris une ou deux baffes – voire davantage, en fonction du nombre des lois scélérates à venir.
Parler encore, agir encore malgré les coups reçus, c’est à mon avis la meilleure voie.
Le paysage politique et médiatique se clarifie d’ailleurs pour les opposants au « mariage pour tous », notamment ceux qui affichent leurs convictions chrétiennes.
Dans les déclarations et écrits de M. Peillon ou de Mme Taubira, de M. Attali (pour celui-ci sur son blog : « Il convient (…) d’enlever de notre société laïque les derniers restes de ses désignations d’origine religieuse ») et de maints éditorialistes en vogue, se fait jour une nouvelle espèce de destructeurs et profanateurs de notre culture et de notre civilisation, de nouveaux talibans à la française : révolution du genre contre la nature sexuée, embrigadement de la jeunesse dans cette théorie et dans une éducation « civique » ultralaïcarde, volonté permanente de manipuler la vie commençante ou finissante voire d’y attenter (PMA, GPA, recherche sur l’embryon, euthanasie, avortement), proposition (Attali donc) de supprimer du calendrier laïque les fêtes religieuses ou de les rebaptiser…
Peillon, Taubira, Attaliban et les autres, au train où vont les choses, exigeront bientôt la destruction des clochers de nos églises, attentatoires au paysage citoyen, au murmure intérieur des loges maçonniques et surtout au bien-être du bobo parisien…
Une certitude donc, face à ces talibans des médias et de la représentation nationale : c’est à une œuvre de résistance, tant écologique que spirituelle, et certainement populaire et citoyenne, que nous sommes appelés.
Pour ma part, je suis prêt à m’y engager, même si ce mouvement incluait dans son horizon l’action politique. J’espère et j’attends bien évidemment beaucoup, sur ce plan, du collectif de « La Manif pour tous » !
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Écrit par : Denis / | 07/02/2013
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