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13/11/2012

L'affaire de Notre-Dame-des-Landes : "Monsieur le président, c'est un nouveau Larzac"

Lettre de Patrick Warin (PS, directeur général du groupe Enass*) à François Hollande, son ex-camarade de l'ENA :

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<< Monsieur le Président, mon cher camarade, cher François,

...Sur le territoire prévu pour accueillir le futur aéroport de Nantes Grand-Ouest,  des hommes et des femmes qui, pour l’écrasante majorité  d’entre eux ont voté pour vous, doivent se confronter une nouvelle fois à un déploiement de forces de police dépêchées par un gouvernement de gauche, dirigé par l’ancien maire de Nantes. Alors que depuis des années ces femmes et ces hommes, tous non violents, tous soutenus par une solidarité locale, régionale et nationale demandent simplement à être entendus au-delà des procédures légales et formelles dont ils estiment à juste titre qu’elles ont été menées de manière tronquées, et trompeuses, la seule réponse que votre gouvernement leur apporte est celle de l’emploi de la force. Cette attitude, Monsieur le Président, cher camarade est inacceptable.

Parmi bien d’autres je me suis engagé pour assurer votre élection, puis vous garantir une majorité solide. Dans notre circonscription du Maine-et-Loire tenue par la droite depuis plusieurs dizaines d’années, nous avons failli à 86 voix près envoyer l’ancien ministre Marc Laffineur  à une retraite bienvenue. Nous sommes fiers d’avoir mené ce combat et de nous retrouver dans cet Ouest déjà largement conquis par la gauche en terre de futures conquêtes  en compagnie de nos alliés écologistes.

Cher François, la manière dont le pouvoir que vous incarnez gère le projet Notre-Dame-des-Landes va totalement bouleverser ces positions politiques chèrement acquises, car vous n’imaginez pas l’immense potentiel de sympathie, de soutien militant, de soutiens politiques  à la base dont bénéficient ces personnes en lutte, alors que la technostructure du parti socialiste et des grands élus régionaux est en train de s’isoler.

Monsieur le Président je vous l’affirme avec la conviction d’un sympathisant socialiste de longue date, de tradition enracinée auprès de mes proches (mon père Jacques Warin, qui collabora avec Pierre Mauroy au moment de l’alternance en 1981) : vous êtes face à un nouveau Larzac !

Déjà au moment de votre élection je vous avais alerté discrètement, par l’intermédiaire de nos amis communs de 'Démocratie 2012' dont  Pierre-René Lemas, pour éviter qu’en pleine campagne la situation ne provoque des conséquences électorales néfastes. Il me semblait  avoir, avec bien d’autres qui avaient intercédé,  été entendu.

Aujourd’hui il est temps que vous ne vous contentiez plus de répondre aux lettres qui vous sont adressées à ce sujet par des formules standards qui renvoient  à votre ministre Monsieur Cuvillier le soin de traiter le dossier.  Outre que cette attitude peu respectueuse de l’écoute citoyenne ne vous ressemble pas, vous êtes face à une situation qui  exige une attitude d’homme d’Etat.

La révision du Schéma national des infrastructures de transport, l’emploi parcimonieux de la dépense publique, le souci de la transition écologique, l’application loyale de la Loi sur l’Eau, dans sa dimension universelle et a fortiori européenne,  sont autant de motifs pour rouvrir le dialogue et éviter que votre quinquennat ne soit entaché par un abcès de fixation politiquement désastreux. Cela vous fait courir compte tenu de la manière utilisée aujourd’hui, des risques sérieux de dérapages, de provocations dont vous porterez seul la responsabilité face à des personnes dont la conviction s’exprime de manière pacifique, non violente, respectueuse de la loi républicaine dès lors que celle-ci s’exerce elle aussi dans le respect du dialogue citoyen.

Monsieur le Président, cher camarade, j’ai eu le privilège de vivre un parcours professionnel dont tous ceux qui furent mes supérieurs, collaborateurs, collègues, partenaires s’accordent à dire qu’il fut toujours ouvert à l’innovation, à l’adaptation au monde changeant, à la recherche de nouveaux paradigmes et à la réalité de la concurrence globalisée. Je continue en tant qu’enseignant universitaire à stimuler la créativité de mes étudiants, dans le monde entier, tout en leur transmettant mon expérience de dirigeant du  service public puis d’homme d’entreprise. Je ne suis pas un nostalgique, ni un tenant de la décroissance**, ni un « illuminé anti progrès ». Ces traits de caractère sont partagés par les personnes que je côtoie lors des réunions d’information sur le projet Notre-Dame-des-Landes. En vérité, c’est nous qui incarnons la modernité et l’ouverture au 21e siècle.

En effet, qui peut croire que  les opérateurs aériens vont implanter dans le Grand Ouest des infrastructures aéroportuaires renforcées et surdimensionnées, au moment  où nous atteignons le pic de l’énergie fossile et alors que leur modèle économique est de ramener les passagers vers quelques hubs majeurs soit par des avions qui rallient Nantes à Orly, ou Charles-de-Gaulle, ou Francfort ou Londres, ou Amsterdam ou Madrid…. ? A partir de ces plateformes le modèle est alors de procéder au remplissage maximum de très gros porteurs économes en carburant. Sauf à souffrir d’une mégalomanie ridicule, qui peut croire qu’un Grand Ouest aujourd’hui  déjà bien relié par TGV aux plates formes parisiennes en cours de modernisation a besoin d’un équipement nouveau, coûteux, détruisant plusieurs milliers  d’hectares de terres agricoles, déracinant aux propre et au figuré paysages et hommes attachés à leur territoire ?
Nantes a déjà deux aéroports qui figurent dans les codes internationaux de l’IATA : Nantes-Atlantique qui croît sans que cela permette de justifier le transfert coûteux, et… la gare SNCF de Nantes qui est utilisée dans la tarification aérienne  pour acheminer les passagers vers les plateformes parisiennes et retour. Nantes-Atlantique va devoir de toutes façons être conservé pour les besoins logistiques de la fabrication d’Airbus sur l’usine nantaise, et la gare de Nantes me parait être  une bonne solution  pour les voyageurs de notre région pour leur transfert vers les hubs parisiens. Posons donc la question à Air France sur sa vision  du transport aérien au 21e siècle, et remettons-nous autour d’une table pour réexaminer les prévisions de trafic utilisées pour justifier le transfert !

Monsieur le Président, cher camarade, vous qui êtes aujourd’hui soucieux que vos hautes fonctions  et votre agenda ne vous coupent pas de la réalité que vivent nos concitoyens, vous qui vous entourez des avis et opinions issus de la société civile, comme en témoigne la mission confiée à votre proche Bernard Poignant (qu’en dit-on à Quimper ?), je vous conjure d’écouter ce qui se vit dans notre région auprès de personnes qui vous soutiennent, qui partagent vos valeurs, qui se mobiliseront autant qu’il le faudra et aussi longtemps qu’il le faudra pour que leurs argument soient écoutés une fois que les gaz lacrymogènes de ce matin se seront dissipés.

Cher François, le Larzac a rencontré son homme d’Etat, le magnifique film qui a retracé cette lutte  rend hommage à des Français ordinaires, femmes et hommes de conviction mais aussi à l’homme d’Etat qui les a entendus. Ceux de Notre-Dame-des-Landes et ceux du Larzac sont de la même trempe de Français, nous serons des millions à les soutenir pour qu’on les écoute.

Monsieur le Président, cher François Hollande, nous attendons de vous  que vous soyez  à notre rendez-vous citoyen comme l’a été François Mitterrand.

Je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments respectueux et de mon cordial souvenir,

                                                                                                Patrick Warin

 ENA promotion Voltaire

 

Copie : Monsieur Jean-Marc Ayrault, Monsieur Pierre-René Lemas, Monsieur Michel Sapin, Monsieur Jean Pierre Jouyet, Monsieur Bernard Poignant, Monsieur le Préfet de la Région Pays de la Loire. >>

 

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* Evole nationale d'assurances, institut du Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) qui délivre des titres et diplômes inscrits dans le schéma européen LMD.

 ** Personne n'est parfait.