07/11/2012
USA : victoire des sceptiques sur les furieux
Plus personne ne croit en Obama, mais beaucoup ont eu peur de Romney-Ryan. D'où ce résultat, après la campagne la plus chère (et la plus vide) de l'histoire des présidentielles US :
Statu quo : la géographie politique des Etats-Unis reste quasiment la même. Seule inconnue : les républicains du Congrès pratiqueront-ils la même "politique du pire" qu'avant la présidentielle, stratégie d'aveugles (en période de crise mondiale) mais qui s'incarne en Paul Ryan, n° 2 du ticket qui vient de perdre la présidentielle ? "Après Ann [son épouse], Paul est le meilleur choix que j'aie fait dans ma vie", a proclamé Romney cette nuit, à Boston, devant le hall déserté par ses militants. La phrase était digne mais fausse. Le choix de Ryan a coûté à Romney plus cher qu'il ne croit, ou feint de le croire. Nous avons publié ici* des extraits de la mise en garde des milieux chrétiens pro-life contre le fantôme d'Ayn Rand [ci-contre sur un timbre], l'idéologue ultralibérale tendance Lucifer que Ryan revendique comme sa mère doctrinale ; les mêmes milieux avaient également des objections envers Romney, ex-"évêque" d'une religion que les chrétiens ne reconnaissent pas. Quant à l'électeur américain standard, les volte-face de Romney et l'ultralibéralisme aveugle de Ryan avaient de quoi le rendre perplexe. D'où la défaite républicaine.
Défaite d'une courte tête au niveau du corps électoral, mais défaite incontestable au niveau des grands électeurs. La victoire d'Obama est en effet le produit de la mégamachine du parti démocrate ; et Obama était aussi le candidat de Wall Street, où les analystes financiers expliquaient (le 4 novembre, sur les sites d'information économique) : "le marché pourrait apprécier une victoire d'Obama."
Pris dans le maelström de la crise mondiale, Brown, Zapatero, Berlusconi et Sarkozy, dirigeants occidentaux de gauche ou de droite, ont été engloutis. Le premier "sortant" à n'avoir pas été "sorti" par la vindicte populaire – vindicte sur fond d'angoisse – est Obama... Mais si le président américain (qui n'est pourtant qu'une déception ambulante aux yeux de ses électeurs) a pu quant à lui s'en tirer de justesse, c'est grâce à la mauvaise image des duettistes Romney-Ryan. L'un, Mitt Romney, voulait passer pour "l'homme d'affaires dont l'économie a besoin" : mais on voyait en lui le prédateur coupable d'avoir détruit des milliers d'emplois... [photo ci-dessus quand il présidait le fonds Bain]. Quant à l'autre, Paul Ryan, son extrémisme mammonolâtre ne plaisait qu'aux fous.
Four more years... Deux années seulement, en fait, avant d'être le lame duck (canard boîteux) que devient chaque président américain en fin de second mandat. Deux années pour faire quoi ? Obama n'est pas Roosevelt.
Qu'est-il, d'ailleurs ? Où est son originalité ? Nulle part sinon dans le fait qu'il soit métis : ce qui n'est pas un programme politique, n'en déplaise au politiquement-correct qui a connu de si spectaculaires débordements dans la presse parisienne lors de la première élection en 2008. Même chez les "afro-américains", l'origine d'Obama ne lui vaut que du ressentiment en 2012. Elle lui vaut en revanche, chez les hilllbillies de l'ultra-droite républicaine, une haine forcenée. Interrogé par un reporter français il y a une dizaine de jours, l'un d'eux déclarait : « Hussein Obama est là pour détruire l'Amérique. S'il est réélu, il va falloir l'arrêter ». (bruits de culasses en coulisses). Voilà où mène la surenchère fantasmatique : cuisine de sorcières, là-bas comme ailleurs.
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* Sur Ayn Rand : cliquez son nom dans la fenêtre RECHERCHER.
10:29 Publié dans En 2012, Société | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : obama, romney, ryan, ayn rand
Commentaires
ZERO POUR CENT
> La victoire de Mitt Obama sur Barack Romney m'inspire exactement le même sentiment qu'après la victoire de Nicolas Hollande sur François Sarkozy : 100% de soulagement, 0% d'illusion.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 07/11/2012
PROSKYNÈSE DEVANT L'EMPEREUR
> http://tempsreel.nouvelobs.com/topnews/20121107.AFP4269/hollande-dira-a-obama-que-ses-priorites-sont-aussi-celles-de-la-france.html
Convergence simple ou aplatissement idéologique et économique ?
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Écrit par : spooner / | 07/11/2012
> Vous êtes dur !
Christine
[ De PP à C. -Peut-être, mais dites-moi en quoi. ]
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Écrit par : Christine / | 07/11/2012
UN NON-MATCH
> Très bon article. On a simplement eu droit à un non match d'un président sortant qui ne déclenchait plus aucun enthousiasme, face à un ticket républicain ultra caricatural, à côté de qui Marine Le Pen semblerait une ultra modérée (et elle aurait gagné contre eux en France).
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Écrit par : ludovic / | 07/11/2012
POUR OBAMA
> Je trouve que vous êtes injuste envers Obama quand vous écrivez que "plus personne ne croit en Obama" et qu'il n'est "qu'une déception ambulante aux yeux de ses électeurs". La formulation est péjorative et excessive car tous ses électeurs ne sont pas fondamentalement déçus, même si certains avaient sans doute espéré davantage. La plupart ne s'attendaient pas à des miracles et, malgré la crise économique, le bilan d'Obama présente objectivement des points positifs, à commencer par la généralisation de l'assurance maladie. Il a aussi eu le courage de commencer à désengager les Etats-Unis d'Irak et d'Afghanistan. Sa loi de réglementation financière allait dans le bon sens même si on peut la juger insuffisante. Et même en ce qui concerne l'environnement, il a pris la bonne direction, ce qui n'allait pas de soi.
Il n'a pas été élu pour faire sauter le système. Mais tout en acceptant d'y prendre part, il a cherché à l'amender.
Je vous trouve injuste aussi quand vous dites que sa seule originalité est d'être métis. C'est faux. Je pense même que cela n'a pas joué tant que ça lors de ce dernier scrutin, et je trouve que c'est à mettre à son crédit. Ce sont d'autres que lui qui ont voulu en faire un symbole, et soit en jouer contre lui, comme de nombreux ultra-républicains ouvertement racistes, soit, au contraire pour certains voter « ethnique » et « corporatiste », mais ce ne sont pas les 13% de Noirs qui l'ont élu. Ce n'est pas vrai non plus que les Afro-Américains n'éprouvent pour lui que du ressentiment. Certains oui, mais pas tous.
Ceci dit, j'ai bien conscience que le monde politique et médiatique et que ce qu'on appelle "l'opinion publique" sont gangrenés et manipulés par des intérêts financiers sans aucune morale et que, de toute façon, seul le Christ sauve le monde.
And so what ? si on ne se retire pas au couvent, si on ne va pas ramasser les mourants à Calcutta, est-on condamné au cynisme, ou peut-on encore espérer, agir à son niveau, saluer des initiatives heureuses et parfois se contenter d'un moindre mal ?
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Écrit par : Christine / | 08/11/2012
LES CATHOLIQUES AMERICAINS
> les catholiques américains ne se confondent pas avec la "droite religieuse" comme vos et nos intégristes essaient de le faire croire. Bonne intervention du jeune jésuite français Grégoire Catta sur Radio Notre-Dame ce matin :
http://radionotredame.net/player/http://radionotredame.net/wp-content/uploads/podcasts/le-grand-temoin/le-grand-temoin-08-11-2012.mp3
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Écrit par : US catholic / | 08/11/2012
LE SEUL SIGNE VISIBLE DU CHRISTIANISME
> Mail d'une amie américaine, sur le catastrophisme des milieux "cathos"-conservateurs américains après la réélection de Barack "Hussein" Obama:
"Les martyrs de la Rome païenne désapprouveraient ceux qui pensent que le 7 novembre signifie la fin du monde aux Etats-Unis, et ils n'avaient pas le pouvoir de "voter contre Néron". Nous sommes juste comme nous avons toujours été. Cette nation s'est détournée de Dieu depuis des décennies, comme Dorothy Day l'a si bien remarqué en 1944, après la Seconde Guerre mondiale: "Toutes les nations se sont détournées de Dieu. Le seul signe visible du christianisme est l'amour fraternel. Où est-il maintenant ? Nous devons être convaincus par Jésus. Essayer d'imiter sa vie.""
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Écrit par : PJ / | 11/11/2012
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