12/10/2012
Quand l'Etat se fait pigeonner
Lancer une entreprise pour la revendre le plus vite possible, est-ce l'ultima ratio bobo de l'économie en 2012 ? Et comment expliquer la reculade-éclair du gouvernement ?
Libération, 11/10
Des "pigeons" trop pressés ?
par Philippe Askenazy, économiste
<< […] A l’image de la majorité des salariés et indépendants qui aspirent à partir au plus vite à la retraite, les entrepreneurs seraient pressés d’empocher leur plus-value dès le succès venu. Historiquement, les syndicats patronaux rejettent cette interprétation et soulignent alternativement les obstacles à l’expansion des entreprises : seuils sociaux, financements déficients, absence d’un small business act… Et de réclamer des politiques pro-entrepreneurs pour lever ces obstacles. Las, d’un coup d’aile, les «pigeons» balayent cet édifice. En s’élevant contre une fiscalité sur les plus-values alignées sur celle du travail, ils valident le portrait d’un entrepreneur dont l’objectif premier est de vendre son entreprise plutôt que de la faire croître. La naïveté de l’intervention de pigeons est déconcertante.
D’ailleurs, une fiscalité avantageuse sur les plus-values des entrepreneurs se justifie-t-elle ? Oui, d’après les bénéficiaires. […] Mais les entrepreneurs sont-ils si exceptionnels ? A voir le gouvernement reculer en quelques heures sur son projet de taxation, on ne saurait en douter. […] Pas sûr cependant que créer un site de rencontre sur Internet demande vraiment plus d’efforts que d’écrire un Goncourt. Et pourquoi le médecin qui enchaîne les gardes le week-end, l’ouvrier de l’équipe de nuit ou le rippeur ne devraient pas eux aussi bénéficier de privilèges fiscaux ? Pour Nicolas Sarkozy, le curé était au-dessus de l’instituteur. Face au psychodrame des pigeons, le gouvernement vient de dresser une hiérarchie sociale dont le sommet est l’entrepreneur. Un tournant historique pour la gauche de gouvernement. >>
Le Canard enchaîné, 11/10
<< Les pigeons savent voler : faussement modestes, ces professionnels de l'Internet connaissent la Toile comme leur poche... Ils se sont fait parrainer par quelques grands noms du milieu, qui ont diffusé leurs messages à travers leurs propres réseaux. Tel Xavier Niel (Free), qui a voulu ''aider ces gamins qui ont créé leur boîte'', ou Geoffroy Roux de Bézieux (Virgin Mobile), qui voit dans cette ''initiative spontanée'' un ''Mai 68 des jeunes patrons''. >>
18:03 Publié dans La crise, Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : capitalisme
Commentaires
DANS 'LE CANARD' AUSSI
> '' Il n'y a pas que les "pigeons" des start-up qui font reculer le gouvernement. Laurence Parisot a, elle aussi, réussi une opération similaire. [...] La patronne des grands patrons menaçait de quitter la conférence sociale si le groupe PS de l'Assemblée déposait une proposition de loi visant à obliger un industriel à céder une entreprise plutôt que de la fermer. Pour "ne pas emmerder Laurence Parisot" e éviter une guérilla avec le Medef, l'elysée et Matignon ont donc demandé aux députés socialistes de renoncer -pour le moment - à déposer leur texte quasi-révolutionnaire. Et Montebourg, quiu l'avait approuvé, a été sommé de la fermer. A part quoi, ce gouvernement n'aime pas les patrons. ''
('Canard enchaîné', 11 octobre).
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Écrit par : luça / | 12/10/2012
FLEUR N'AIME PAS LES JUDEO-CHRETIENS
> http://lexpansion.lexpress.fr/entreprise/pellerin-ne-croit-pas-a-la-lutte-des-classes-dans-les-pme_347775.html
Ca y est, tout rentre dans l'ordre, on peut se faire du pognon grave ! Parce que sinon, on est des horribles judéo-chrétiens bourrés de remords et perclus par les mortifications.
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Écrit par : spooner / | 15/10/2012
LE MERITE DE LA CLARTE
> Les propos de madame Pellerin ont au moins le mérite de la clarté: la France, débarrassée de l'évangile d'hier, se débarrasse également de tout ce qui peut empêcher d'accumuler les richesses au-delà de la décence, de gagner plus d'argent qu'il n'est besoin pour vivre raisonnablement.
Il n'apparaît pas tout à fait inutile de rappeler à madame Pellerin l'article 2 de la déclaration de principes du parti socialiste: "L’égalité est au cœur de notre idéal. Cette volonté n’a de sens que par et pour les libertés. Egalité et liberté sont indissociables. Aux injustices et aux violences du monde, l’idée socialiste oppose un engagement pour une humanité libre, juste, solidaire, fraternelle. Elle porte un message universel, dès lors qu’il s’agit de défendre les droits fondamentaux de chacun et de tous. Pour les socialistes, ces objectifs ne peuvent être atteints à partir du fonctionnement spontané de l’économie et de la société. La redistribution permanente des ressources et des richesses est nécessaire pour donner une réalité à l’égalité des droits, offrir à chacun les chances de conduire sa vie, réduire les écarts de condition et combattre la pauvreté."
Je ne sais pas si Fleur Pellerin est adhérente du parti socialiste, mais elle est membre d'un gouvernement qui est censé appliquer traduire en actes cette déclaration de principes. Visiblement, tout le monde a oublié ce texte.
Mahaut
[ De PP à Mahaut - " Fleur Pellerin rejoint l'équipe de campagne de Lionel Jospin en 2002, sous l'autorité de Pierre Moscovici, dans l'équipe des plumes. Ségolène Royal lui confie en 2007 la cellule chargée des relations avec la presse spécialisée.
Elle est responsable du pôle « Société et Économie numériques », lors de la campagne présidentielle de François Hollande, en 2012. Le 16 mai 2012, elle est nommée au gouvernement Jean-Marc Ayrault en tant que ministre déléguée chargée des PME, de l'Innovation et de l'Économie numérique, rattachée au ministère du Redressement productif. " (Wikipedia, avec sources et références détaillées)
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Écrit par : Mahaut / | 15/10/2012
@ PP
> On peut donc en déduire qu'elle est membre du PS. Plusieurs faits montrent que la déclaration de principes est oubliée par un certain nombre de membres et militants du PS, en voilà un de plus.
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Écrit par : Mahaut / | 15/10/2012
MOINEAUX OUI, PIGEONS NON
> Voir la tribune des Moineaux, http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/Tribune-Moineaux.pdf
Tout à fait d'accord avec elle ; j'étais gêné par cette histoire de Pigeons car, d'une part, et en accord avec M. de Plunkett, leurs arguments autant que leur idéologie me paraissaient douteux, mais d'autre part l'acharnement actuel du gouvernement contre les entrepreneurs est très dangereux.
Je peux parler un peu plus précisément que du reste de l'attaque -- dont les contours restent encore imprécis à l'heure qu'il est -- contre les auto-entrepreneurs.
J'en suis un moi-même et en connais un certain nombre d'autres. La plupart -- de ceux que je connais (attention cependant à ceux qui par ailleurs ont un emploi stable, les mettre parmi ceux qui gagnent peu fausserait la représentation) -- gagnent moins que le SMIC ; en optant pour ce cela, quasiment toujours contraint et forcé, pour ceux qui sont au chômage on perd une partie de l'allocation, retenue d'emblée même en cas de chiffre d'affaires zéro ; c'est pour certains une question d'honneur de gagner 600 euros en se bougeant plutôt que de dépendre ; pour d'autres leur boîte a fermé et ils ont pu grâce à ce statut reprendre quelques clients.
Je dois dire que face à cette réalité j'entends les idées agitées par l'actuel pouvoir de taxer sur la fiscalité personnelle (biens, taxe foncière) les auto-entrepreneurs -- c'est-à-dire qu'on vous punit sur vos biens propres ou via taxation parce que vous avez l'outrecuidance d'entreprendre --, je bouillonne... (Rappelons que le chiffre d'affaires -- pas le bénéfice ! -- est plafonné à 83 200 €, 33 300 € pour les services. On ne parle pas de riches ici.)
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Écrit par : Olivier / | 19/10/2012
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