30/06/2012
Le "saut fédéraliste" : hold-up néolibéral à l'allemande ?
C'est l'avis de l'économiste Benjamin Coriat (Paris-XIII) dans son entretien avec Vittorio de Filippis, Libération 28/06 :
L’Europe fait-elle fausse route ?
Je ne crois pas que le fédéralisme dont on nous parle nous protégera des crises. Si l’on considère les propositions avancées en Europe, [...] elles laissent aux marchés financiers le contrôle des dettes publiques. Tout se passe comme si le "fédéralisme" n’était avancé que pour consolider et garantir l’ordolibéralisme.
C’est-à-dire ?
A la différence du libéralisme au sens usuel du terme, l’ordolibéralisme ne fait pas confiance à la "main invisible". Dans la vision ordolibérale des choses, qui nous vient de l’école de pensée néolibérale allemande, le jeu du marché ne permet pas de converger spontanément vers l’équilibre. Il n’y aurait donc pas d’harmonie naturelle des intérêts. Résultat, pour que le marché puisse fonctionner et que les équilibres soient atteints, les Etats doivent mettre en place un cadre institutionnel et juridique contraignant, censé permettre aux mécanismes de marché de fonctionner. Les ordolibéraux croient en la sagesse des experts à qui est donc confiée l’élaboration des règles...
Iriez-vous jusqu’à parler de contre-révolution libérale ?
C’est un peu excessif. Mais il s’agit d’un nouveau moment de l’offensive néolibérale. Après que la déréglementation financière des années 80-90 a totalement modifié les rapports de forces entre capital et travail, nous vivons actuellement une seconde phase où la finance a pris le contrôle des dettes souveraines. Tout se passe comme si nous n’avions rien appris de la crise de 2008 [...]. Le hold-up intellectuel qui consiste à présenter la crise actuelle comme une crise des dettes publiques provoquée par un laxisme des Etats se poursuit.
En quoi les solutions seraient, comme l’affirment les économistes atterrés, «antidémocratiques» ?
Nous pensons essentiellement au Pacte de stabilité, à cette règle d’or qui n’autorise qu’un maximum de 0,5 % de déficit [...] Cette règle de 0,5 %, qui n’a aucun fondement économique, est sur le point d’acquérir un fondement juridique suprême, puisqu’elle doit être introduite dans la Constitution. Le Pacte vise en réalité à amoindrir le pouvoir des élus locaux, au risque de miner encore l’image d’une Europe déjà mal en point.
Que faire alors ?
[...] Il faut vraiment désarmer les marchés financiers, de sorte qu’ils ne puissent plus spéculer sur la faillite d’un Etat. Il faut que la BCE garantisse les dettes publiques afin que les taux d’intérêts des dettes souveraines baissent, mettre fin à la concurrence fiscale, réformer en profondeur le système bancaire en recentrant les banques sur la distribution de crédit, financer la transition écologique…
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(1) Vient de paraître : Benjamin Coriat, L’Europe maltraitée, éd. Les Liens qui libèrent.
17:08 Publié dans Europe, Idées, La crise | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : europe, crise, fédéralisme, libéralisme
Commentaires
UNE PETITE PHRASE D'HUBERT VEDRINE
> Invité hier de BFM Business, le toujours excellent Védrine a eu cette petite phrase que l'intervieweuse (trop occupée à le couper de "hmm" et de "ouais") n'a pas semblé entendre :
"...le saut fédéral ? bien sûr tous les journalistes trouvent ça épatant, mais dans la réalité...", etc.
Je voudrais qu'on m'explique pourquoi la nécessité de nier et dissoudre les "Etats-nations" (comme on disait en 1990) est un dogme chez les journalistes, y compris chez des jeunes gens qui ont peu voyagé et sortent d'une école très locale.
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Écrit par : louis rossel / | 30/06/2012
PRAGMATISME ?
> J'ai entendu hier H. Védrine et ce que j'ai retenu c'est qu'il fallait éviter le mot, trop polémique, mais au final faire la chose, car derrière ce fameux pragmatisme dont il se réclame que trouve-t-on ? Je vous laisse constater la situation et les actions réelles.
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Écrit par : BCM / | 30/06/2012
TROMPERIE DES BANQUES
> http://leblogalupus.com/2012/06/30/royaume-uni-les-banques-vont-devoir-dedommager-leurs-clients-pour-tromperie/
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Écrit par : Christine / | 30/06/2012
Le Salut par -et pour- les marchés financiers.
> Tout ceci me fait penser à une "petite phrase" prononcée par un cadre de Goldman Sachs : "je suis un banquier qui fait le travail de Dieu".
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Écrit par : Feld / | 01/07/2012
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