04/06/2012
Manuel Valls s'en prend à "l'appartenance religieuse"
< Un Rambo des Lumières, muni de son désintégrateur à religions ?
Une méthode : incriminer le "religieux" plutôt que d'évaluer les problèmes politiques entre les communautés...
Après la papophobie de droite (Alain Juppé : « ce pape Benoît XVI commence à être un problème »), voici l'antireligiosité de gauche avec le nouveau ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. Commentant l'agression de trois jeunes juifs par une dizaine de personnes à Villeurbanne le 2 juin, Valls a déclaré sa détermination « à lutter contre toute agression à caractère religieux », et ajouté – pour se faire bien comprendre – que l'attaque de Villeurbanne visait une appartenance « religieuse ». Or les services du Crif soulignent que les actes de ce type commis récemment en France sont des répliques de « l'affaire Merah » ; et l'on se souvient que le tueur de Toulouse et Montauban avait proclamé agir pour venger « les Afghans et les Palestiniens », donc pour deux raisons politiques : la présence militaire française en Afghanistan et le problème israélo-palestinien. L'agression de Villeurbanne ressemble à celle de Toulouse, les attaquants ayant choisi eux aussi de s'en prendre à des jeunes d'une école juive... Certes ces écoles juives sont religieuses, les imitateurs de Merah sont des musulmans, et l'aspect religieux est forcément impliqué sur le terrain en Afghanistan et en Israël / Palestine ; mais les religions ne sont que l'une des données en présence : et (quoi qu'en disent les médias) elles sont une donnée de second rang, derrière la politique qui les utilise. Utilisation évidente dans le cas de l'islamisme... dont les excités de Villeurbanne et d'ailleurs sont des mimes.
D'où la question : que cherche le ministre de l'Intérieur en qualifiant de « religieuse » l'affaire de samedi dernier à Villeurbanne ?
Si « religieux » redevient le terme correct pour désigner les heurts inter-communautaires1, les questions de société ne vont pas s'éclaircir ; et l'on peut s'attendre (par ailleurs) à de fausses symétries qui les obscurciront un peu plus.
PS / Pour nuancer le propos, notons que Vincent Peillon est allé prendre la parole le 1er juin au congrès des parents d'élèves de l'enseignement libre (800 000 adhérents, catholiques en grande majorité). Le ministre de l'Education nationale leur a garanti que leurs écoles auront une part des nouveaux postes d'enseignants annoncés par François Hollande.
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1. Comme à l'époque où le ministre de droite Luc Ferry inventait – pour les désigner à la méfiance publique – des « lycéens portant de grandes croix », censés créer des troubles en s'opposant aux lycéennes voilées.
09:06 Publié dans L'Afghanistan, Monde arabe, Religions, Société | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : manuel valls, communautarisme, religions, islam, judaïsme, villeurbanne, lyon, banlieues
Commentaires
PHILOSOPHE
> Manuel Valls est issu du GODF, brevet de super-laïcisme. Mais ça ne lui vient pas de sa famille : à Barcelone pendant la guerre civile, son grand-père directeur d'un journal républicain mais catholique cacha des prêtres traqués par les milices de la FAI et du POUM.
Dans les années 50, son père, le peintre Xavier Valls, a collaboré avec Fernand Léger à la réalisation des vitraux de l'église d'Audincourt.
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Écrit par : cénété / | 04/06/2012
> La religion n'est pas la cause mais le moyen, comme ce ne sont pas les armes qui tuent mais ceux qui s'en servent. Il faut donc bien les contrôler et limiter leur potentiel de dangerosité.
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Écrit par : pashine / | 04/06/2012
GRAINE DE SARKO
> Valls: graine de Sarkozy, nerveux, narcissique et approximatif. Comme disent les médecins à propos des kystes: "à surveiller" !
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Écrit par : B.H. / | 04/06/2012
AU COIN DE LA RUE
> Mais peut-on dissocier le communautaire du religieux? Un évêque ou autre responsable catholique dira OUI. Et encore, certains fidèles suivront en traînant les pieds.
Mais quand, au coin de la rue de Trifouilli-les-Oies, Meriem, Slimane et Yousssef rencontrent Myriam, Shelomo et Iosseph, ne peut-on supposer qu'ils pensent en schémas à la fois religieux et communautaires? et que ce cela ne changera que lorsque leurs parents les appelleront Marie, Salomon et Joseph?
PH
[ De PP à PH - Tout à fait d'accord. Le défaut de francisation est une défaillance de l'Etat. Faire porter la responsabilité des troubles aux diverses religions est une aberration intellectuelle. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Pierre Huet / | 04/06/2012
@ Pashine
> « La politique »/ « la religion », « la cause »/ « le moyen »…
Manipuler de telles abstractions, s’amuser à les ordonner en oppositions binaires, c’est inévitablement s’aveugler sur la situation concrète que nous offre l’actualité. La politique serait donc la cause… et pas le moyen ? la religion… un moyen qui ne serait pas une cause ? ce genre de répartition des tâches soigneusement cloisonnée entre des principes eux-mêmes très généraux ne peut qu’aboutir à une pétition de principe invérifiable. Le goût du vague et la séparation artificielle entre la cause et l’effet sont évidemment utiles pour démontrer à la fois tout et son contraire.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 04/06/2012
CAVANAUGH
> La question des rapports entre religion et politique a été abordé de manière magistrale et iconoclaste par W Cavanaugh dans "le mythe de la violence religieuse".
Entre autres: le vrai sujet n'est pas religion/politique mais système capable de distinguer les pouvoirs (en gros, christianisme) / les autres où il y a confusion (le mot religion n'étant d'ailleurs qu'une essentialisation de l'occidental christianisé: il n'est pas pensable avant le christianisme).
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Écrit par : ludovic / | 04/06/2012
CAVANAUGH
> Effectivement, ce livre de Cavanaugh est un chef-d'oeuvre. Pour la petite anecdote, lors de son passage à la Procure, l'un de ses interlocuteurs annonçait que "Le mythe de la violence religieuse" était étudié à Sciences Po.
Il s'agit en fait du développement d'un des chapitres d'Eucharistie et Mondialisation. Et pour les plus impatients, qui attendaient de longue date la sortie du Mythe de la violence religieuse, quelques conférences en langue anglaise permettaient de se sustenter.
William Cavanaugh nous permet de saisir à quel point nous sommes aujourd'hui encore dominés par des schèmes néo-platoniciens, qui remontent aux humanistes des XVe et XVIe siècles. Ce néo-platonisme diffus a d'ailleurs gagné l'islam : il suffit de lire ou d'écouter certains libéraux arabes lorsqu'ils dissertent sur la religion pure, spirituelle, qui n'aurait rien à voir avec ses rites "extérieurs" et matériels. A les croire, la majorité des musulmans serait composée de "psychiques" encore très éloignés de l'illumination authentique.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 04/06/2012
@ Blaise JL
> Je ne parle pas de politique dans mon message, je commente un évènement précis, ou la religion est le moyen et non la cause, j'abonde donc dans le sens de PP . Maintenant, il me semble indéniable que certains se servent des religions et de la politique pour asservir leurs contemporains et assouvir leur soif de pouvoir. Quand un gourou fait se suicider les adeptes de sa secte ou qu'un barbu demande à des gamins d'aller se faire exploser sur une tour, on peut dire, sans exagérer, que la religion peut être un instrument à ne pas confier à n'importe qui. Quand Hitler jette son peuple dans une guerre inhumaine, on peut aussi penser que la politique peut être une arme de destruction massive, quand le pouvoir tombe dans de mauvaises mains. Quand vous donnez le pouvoir à un Gândhi, vous obtenez des résultats bien plus heureux. Sur le principe, ça peut paraître simpliste à vos yeux, mais c'est seulement simple aux miens. Ce n'est en rien une critique de la croyance ou de la démocratie en politique, c'est plutôt une constatation générale.
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Écrit par : pashine / | 05/06/2012
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