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04/06/2012

Milan - Le cardinal Vingt-Trois et la défense de la famille : pas au nom du catholicisme mais de la société

À Milan (8e rencontre mondiale des familles), le cardinal Vingt-Trois s'est adressé en particulier aux Français :


 

« Nos choix en matière familiale n’expriment pas une sorte de particularisme ; ils ne sont pas seulement confessionnels, mais il engagent un choix de société. Nous avons le droit de les défendre socialement, non pas au nom de la foi, mais au nom du bien de la société... Nous avons une mission particulière pour rendre ce témoignage, non pas comme une secte égarée dans la société, mais comme des précurseurs qui annoncent quelque chose qui relève, désormais, de l’inconnu. S’il est normal de ne pas être entendus, voire d’être combattus, nous avons le devoir de proposer des arguments humanistes audibles par tous les hommes de bonne volonté. Nous ne demandons pas aux gens de les accepter parce que c’est l’Eglise qui le dit, mais parce qu’il s’agit d’une expérience de l’humanité. »

 

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Commentaires

FORCE DE TEMOIGNAGE

> Evidemment ! dans la mesure où la vision chrétienne de la famille est conforme au dessein de Dieu pour l'homme, lorsque l'Eglise défend sa vision de la famille, elle ne s'enferme pas dans le particularisme. Ce qui est bon pour l'homme n'est pas bon seulement pour quelques chrétiens.
A nous de faire comprendre, par le témoignage et si c'est possible par des arguments convaincants, que l'expérience de l'universel vécue dans les familles chrétiennes est la plus apte au développement complet de la personne, et la seule profitable au bien commun de la société.
Les adversaires libéraux de l'Eglise ont beau jeu de faire valoir la diversité des modèles familiaux, pour mieux se réfugier derrière le sacro-saint principe de neutralité. La véritable question est celle-ci: quel est le type de famille conforme aux besoins de l'homme et à son accomplissement moral?
Dans tous les cas, nous devrions tenir les deux bouts de la chaîne sans nous laisser intimider : la conception chrétienne de la famille s'inscrit dans la tradition de l'Eglise; elle s'alimente à la source jamais épuisée des Ecritures, sans cesse actualisée pour répondre aux signes des temps. – Mais cette conception chrétienne a une portée universelle et peut être discutée à l'aide d'arguments qui convainquent même ceux qui refusent l'autorité des Ecritures. Enfin n'oublions pas la force du témoignage d'une famille chrétienne... puisqu’elle est la mise en acte concrète de ce que disent et affirment les chrétiens.
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 04/06/2012

LES VRAIS SECTAIRES

> Le cardinal Vingt-Trois évoque la « secte égarée » que nous ne sommes évidemment pas en tant que catholiques – et de fait, l’accusation d’ « homophobie » (concept éminemment pervers) qui nous est couramment opposée lorsque nous contestons le mariage et l’adoption pour les homosexuels tend précisément à ce but, nous rejeter dans une marge sectaire.
Je pense que cette expression de « secte égarée » conviendrait en revanche pour qualifier le modèle social déréalisateur que souhaite imposer la morale libérale-libertaire avec ce mariage homo assorti d’un droit à l’adoption.
Sur le plan anthropologique, on pourrait en outre parler de « sexe égaré ». Imposer à un enfant l’absence du vrai père, ou de la vraie mère (et dans tous les cas d’un parent décisif dans le processus d’identification, ou tout simplement d’épanouissement personnel, de l’ado) satisfait peut-être les désirs de liberté, d’égalité et de fraternité des homosexuels… Mais quid de la liberté accordée à l’enfant qu’ils adopteront, quid de l’égalité des chances qui lui sera offerte, quid de la fraternité due à ce petit appelé à grandir dans l’horizon homosexuel, et ce, pour satisfaire un égoïsme amoureux ou une parenté phantasmée ?
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Écrit par : Denis / | 04/06/2012

CORRELATION

> Très concrètement, l'enseignante en collège que je suis fait le constat d'une corrélation quasi systématique entre comportement des élèves, résultats et situation familiale. Il est clair que les enfants de familles recomposées ou monoparentales sont très souvent plus instables car ils doivent gérer des situations compliquées, source de souffrances. En ce qui concerne l'absence de père je résume souvent cela ainsi d'une formule sans doute un peu trop lapidaire : "pas de père, pas de repères".
Mgr Lustiger disait "Il y aura de moins en moins de personnes allant bien pour porter celles qui vont mal". Heureusement, dans l'établissement où je travaille les enfants allant bien sont suffisamment nombreux pour aider leurs camarades moins chanceux.
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Écrit par : Isabelle / | 04/06/2012

DISCUSSION

> Si l'opposition au mariage homo est dans l'unique but de la protection de l'enfant, pourquoi ne demandez vous pas l'interdiction de l'adoption aux personnes seules et la permission pour les couples hétéros pacsés? Ou alors concéder la mariage sans possibilité d'adoption pour les gays? Pour le reste les démonstrations sont formidables mais rendues caduques par leur base de pensée, vous partez d'une morale chrétienne, certes respectable, mais pas universalisable, pour arriver à des conclusions contestables, si on prend une autre morale, tout autant respectable, comme socle de réflexion. Je ne conteste, à personne, le droit de suivre un modèle dicté par sa foi, mais je m'insurge contre la volonté de vouloir l'imposer à tous.

@ Denis

On peut être libertaire sans être libéral, comme on peut être moralement liberticide et farouchement libéral, comme G.W.Bush et les républicains américains en général.

P.


[ De PP à P. - Si vous voulez contester la position des catholiques, il faut vous fonder sur ce qu'elle dit, non sur ce que vous voudriez qu'elle dise. Or elle souligne avec force que le couple parental homme-femme ne vient pas du christianisme, et qu'il est - précisément - une donnée anthropologique universelle ! Je vois mal quel argument on peut opposer à ça, sauf à quitter le domaine du réel pour celui des sophismes. ]

réponse au commentaire

Écrit par : pashine / | 04/06/2012

DECONNEXION DU REEL

> J'ai l'impression que les égarements autour de "l'homoparentalité" et autres visions libérales de la famille sont tout simplement l'aboutissement d'une déconnexion du réel biologique et du corps qui découle elle-même de la négation de toute transcendance : mon corps étant son propre aboutissement, la seule façon de fuir la mort qui l'attend est alors de me réfugier dans une représentation tronquée de ce corps polarisé autour de la jouissance.
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Écrit par : Vigourt Damien / | 04/06/2012

MILAN

> Cela a un rapport plus ou moins éloigné, mais voici ce que Benoît XVI a dit des relations entre l'économie actuelle et la famille à Milan:
http://www.challenges.fr/monde/20120603.FAP4279/benoit-xvi-celebre-une-messe-en-plein-air-a-milan-devant-850-000-fideles.html

Écrit par : Nicolas Dangoisse / | 04/06/2012

INTO THE WILD

> Le film "Into the Wild", dont beaucoup de jeunes sont fans, est pour moi riche d'enseignements sur ce qu'est une famille authentique. On y découvre que, sous l'apparence d'une famille américaine "modèle", socialement bien intégrée, ayant réussie l'éducation de ses deux enfants, se cache un mensonge honteux qui, une fois découvert, fait s'écrouler le monde sur lequel s'est construit le héros. Si il comprend enfin la cause de tous ces malaises diffus qui ont endoloris son enfance, il ne peut plus faire confiance en rien ni personne dans cette société qui lui apparaît tout entière bâtie sur des apparences trompeuses. Il lui faut alors rebâtir à partir du seul socle qui reste, la nature. Sauvage. Au cours de son périple vers le Grand Nord, il croise un couple de beatniks, qui l'accueillent comme leur fils. Il va aider la femme à se réconcilier avec sa douleur de mère abandonnée par son fils, né d'une relation antérieure malheureuse. Et l'autoriser à accueillir le bonheur de se vivre aimée de ce géant si doux, son compagnon en marginalité. On comprend par le titre de la séquence que c'est là la vraie famille que s'est trouvée notre héros, famille qui lui donne la force de s'ouvrir à la fille qui va peu à peu habiter son coeur quand il se reconstruira dans la grande solitude de mère Nature. Une famille n'est pas d'abord une image lisse, où les apparences sont sauves, tout dans les normes et les clous, mais ce foyer-creuset où chacun peut se construire, aussi profondes soient ses blessures, parce qu'on est dans l'authentique, sans fard, et même les rides, les vergetures, les boiteries et les déchirures du coeur y sont belles parce-que prises dans des bras aimants. Où est respecté l'éloignement, ces dilatations du corps et de l'esprit nécessaires à l'accession par chacun à sa vie d'adulte, ce qui n'est jamais fini!, et où chaque retour, même sans explication, est toujours fête joyeuse.
Il nous faut descendre la famille de son piédestal, tuer en nous toute prétention à singer le "Père", le "Maître", puisque Jésus lui-même nous l'interdit,comme la "Mater", et de fait nous n'avons véritablement qu'une seule Maman, comme "l'héritier" ou "la fille de"; pour commencer à accueillir humblement et en vérité le projet universel de Dieu pour nos familles. Avant d'imposer d'autorité la nécessité pour un enfant d'avoir à ses côtés un homme de gène xy dûment contrôlé hétéro et un autre de gène xx idem, regarder plutôt si l'enfant a face à lui des adultes au clair avec eux-mêmes, qui acceptent d'accueillir leurs failles intimes, et pourront alors aider l'enfant à s'accueillir lui-même, quelles que soient ses difficultés, souffrances, différences éventuelles, comme cadeau, non comme fardeau honteux à cacher des autres. Le premier fondement de la famille, ce me semble, c'est l'authenticité du regard d'amour qu'on y échange, ce qui ne peut se faire que dans le renoncement au paraître et l'accueil des blessures. Concrètement: maintenir haut l'idéal de la famille, tel que nous le révèle dans le secret l'humble famille de Nazareth, et montrer un amour infini pour toutes nos ébauches de famille, cabossées par la vie, la société et nos propres limites. Quelles qu'elles soient, nos familles peuvent chacune, à leur manière, être un éclat de l'icône trinitaire. Y compris les plus brisées et les plus hétérodoxes. A compris qu'on ne fasse pas semblant. Ce qui est la tentation de nos familles labellisées pures cathos, comme des couples homosexuels: dans les deux cas on veut jouer à "papa-maman", en se disputant pour savoir qui a le droit. En fait, personne. Mais on peut tous avancer, à partir de là où l'on est, dans la découverte de cette vocation qui consiste à devenir creuset intime de notre humanité, spécifiquement dans cette double vulnérabilité bouleversante: d'enfant et d'amant.

AJ


[ De PP à AJ - Mais la fin de 'Into the wild' est navrante : garçon trop incompétent pour survivre dans une nature meurtrière... ]

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Écrit par : Anne Josnin / | 04/06/2012

CHESTERTON

> On dit de Chesterton qu'il est le maître du paradoxe. Mais ces paradoxes apparents ne sont jamais que la manifestation de l'écart entre la réalité telle qu'il nous la dévoile et celle que nous pensions avoir comprise. Voici donc une amusante et profonde défense "paradoxale" de la famille tirée de son pamphlet "Hérétiques" :
"Il est bon pour un homme de vivre en famille de même qu'il est beau et agréable pour un homme de se retrouver bloqué par la neige dans la rue. Toutes ces situations l'obligent à se rendre compte que la vie ne vient pas de l'extérieur, mais de l'intérieur. Elles soulignent surtout le fait que la vie, si tant est qu'elle soit vraiment stimulante et fascinante, est une chose qui, de par sa nature, existe en dépit de nous-mêmes. Les écrivains modernes qui ont suggéré, d'une manière plus ou moins ouverte, que la famille est une mauvaise institution, se sont généralement bornés à suggérer, avec beaucoup de cruauté, d'amertume ou de pathos, que la famille n'est peut-être pas toujours très harmonieuse. Bien entendu, la famille est une bonne institution précisément parce qu'elle n'est pas harmonieuse. Elle est saine précisément parce qu'elle comporte tant de divergences et de variétés. Elle est, comme le disent les sentimentaux, pareille à un petit royaume, et comme la plupart des petits royaumes, elle se trouve en général dans un état proche de l'anarchie. C'est précisément parce que notre frère Georges ne s'intéresse pas à nos préoccupations religieuses, mais au restaurant Trocadéro, que la famille possède certaines des qualités tonifiantes du Commonwealth. C'est précisément parce que notre oncle Henry n'approuve pas les ambitions théâtrales de notre soeur Sarah que la famille ressemble à l'humanité. Les hommes et les femmes qui, pour de bonnes et de mauvaises raisons, se révoltent contre la famille ne font que se révolter, pour de bonnes et de mauvaises raisons, contre le genre humain. La tante Elizabeth est déraisonnable comme le genre humain. Papa est irascible comme le genre humain. Notre frère cadet est malicieux comme le genre humain. Grand-père est stupide comme le monde ; il est vieux comme le monde.

Ceux qui souhaitent, à tort ou à raison, échapper à tout cela, souhaitent manifestement entrer dans un monde plus étroit. Ils sont consternés et terrifiés par l'ampleur et la variété de la famille. Sarah espère trouver un monde où l'on ne joue que des pièces de genre; George veut voir tout un cosmos dans le restaurant Trocadéro. Je ne dis pas un seul instant que la fuite vers cette vie plus étroite ne soit pas ce qui convient le mieux à un individu, non plus que je ne le dirais de la retraite dans un monastère. Mais j'affirme que c'est une chose néfaste et artificielle que de chercher à abuser ces gens en les berçant de l'étrange illusion d'accéder à un monde en réalité plus vaste et plus varié que le leur."
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Écrit par : luc2 / | 05/06/2012

à Anne

> Désolé, Anne, d’avoir à vous dire ceci : votre poétique est charmante, mais votre volonté d’opposer et de renvoyer dos à dos « familles labellisées pures cathos » (ça existe ? et comment cela, « pures » ; cela veut-il dire qu’on ne s’y reconnaît pas pécheur ?), bref de mettre sur un même plan ces familles et les couples homosexuels me semble largement artificiel. Au reste, il suffit de constater la mission surnaturelle du couple parental qui, à partir d'« une seule chair » (Gn 2:24), met au monde des enfants qui portent avant tout la marque du Créateur et qui donc ne lui « appartiennent » pas (non à la chosification-possession de l’enfant !) pour, comme vous dites, « descendre du piédestal ». En regard, il ne me semble pas que la conception qui se fait jour d’une famille composée par des parents homosexuels, par son artificialité même et sa négation de l’altérité sexuelle, présente les mêmes garanties de « non-chosification » de l’enfant et de respect de son caractère radicalement « autre » – car autre grâce à Dieu !
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Écrit par : Denis / | 05/06/2012

@ PP

> Biologiquement, pour la conception, tant que le clonage n'est pas réalisable, il faut un homme et une femme, mais comme il n'est plus nécessaire d'avoir des relations sexuelles, le couple n'est plus indispensable. Je ne prétends pas que c'est un progrès, mais c'est une réalité. Quand j'écris que vous partez d'une base morale religieuse pour argumenter, c'est dans votre définition de la famille, vous liez conception et éducation, les parents biologiques devraient forcément élever, ensemble, leurs enfants. Mais quand un couple hétéro adopte, il n'est pas lié biologiquement à son enfant, et ça ne l'empêche pas de l'aimer. Dans certaines régions, les enfants sont élevés uniquement par les femmes, ou en groupe par la tribu et dans d'autres religions, le père peut avoir plusieurs épouses, l'enfant ayant alors une unité familiale composée d'un père, d'une mère, de frères, demi-frères et belles-mères. Le modèle familial que vous défendez, est donc, à mon sens, basé sur un apriori religieux. Si anthropologiquement, il faut un homme et une femme, n'est-ce pas contradictoire de ne pas vous opposer à l'adoption par des personnes seules? Vous estimez que les pères/mères célibataires et veufs/veuves ne peuvent pas réussir l'éducation de leurs enfants? J'espère avoir éclairci le sens de mon intervention, je me fonde bien sur ce que votre religion dit et pas sur ce que vous pensez savoir de ce que je voudrais qu'elle dise(perso je serais très heureux de voir des religions moins interventionnistes dans les lois qui concernent aussi les irréligieux).

@ Vigourt Dalien

Un athée pourrait vous répondre que de croire en l'au-delà est une autre façon de nier la mort. Le concept de la vie après la mort n'est il pas la plus pure des réfutations de la mort? Les humains, croyants ou incroyants, n'ont ils pas tous besoin d'évacuer cette question?

P.


[ De PP à P. :
- Veuillez me dire pourquoi les croyants seraient les seuls exclus du débat, et ce qui vous scandalise tellement à l'idée qu'ils soient (eux aussi) admis à donner leur avis ! (Je vous propose de lire ce qu'en dit le cardinal Vingt-Trois (note en ligne ici ce matin).
- Je ne suis pas certain qu'invoquer des singularités ethnographiques anciennes soit de nature à faire avancer le débat, et je m'en tiens modestement à ce que disent les pédiatres. Quiconque a élevé des enfants et des petits-enfants sait que le binôme masculin-féminin est nécessaire à leur croissance psychique... Une personne seule peut élever et aimer un enfant, mais le manque de père ou de mère aura inévitablement une incidence sur le "roman personnel" de cet enfant et futur adulte. Pour nier cela il faudrait être terriblement abstrait.
- Pensez-vous vraiment que substituer la biotechnologie de laboratoire à la reproduction charnelle est au dessus de toute discussion ? Je préfère être de l'avis de Jacques Testard - qui a une certaine légitimité dans ces domaines, et qui n'en plaide pas moins contre l'emprise du biotech sur l'humain.
Si l'admirable irrésistible indiscutable "avancée des technosciences" - sur fond de business - en vient à supprimer aux gens le droit de débattre, on peut avoir quelques inquiétudes pour l'avenir. ]

réponse au commentaire

Écrit par : pashine / | 05/06/2012

@ PP

> comme j'aime bien la provocation (merci à ce propos à Luc2 pour sa citation de Chesterton!), que pensez-vous d'appliquer votre point de vue sur la fin tragique du héros à celle, non moins tragique, de la petite Thérèse? Car quoi, n'est-ce pas navrant de mourir si jeune, en partie en raison d'une incapacité coupable de sa communauté à lui procurer un mode de vie sain, tout cela en raison de convictions catholiques obscurantistes, alors que, comme le héros, sa quête de Vie semble enfin trouver le sens qui peut l'apaiser? Sa vie est-elle bêtement ratée? Plus profondément je me demande dans quelle mesure nous ne sommes pas sur terre uniquement pour y découvrir à quoi nous sommes réellement appelés, à quoi nous aspirons vraiment derrière tout les désirs intermédiaires qui font écran, et à transmettre précieusement ce secret, souvent sous forme de mystère; et non pour vivre sa réalisation, si ce n'est sous forme d'esquisse. C'est alors que nous sommes prêts pour la Grande Naissance,("Je ne meurs pas, j'entre dans la vie"). De ce point de vue notre héros non plus n'a pas raté sa vie, et son secret recueilli et transmis par sa soeur peut éclairer notre propre questionnement( voir la phrase finale, clef de son odyssée).

@Denis

> Oui je renvoie volontairement dos-à-dos deux attitudes qui consistent à se présenter en modèle. Le christianisme, il est temps de le comprendre, est la religion qui nous libère de tout modèle. Nos saints se sont réalisés dans le renoncement à être copie conforme de qui que ce soit, mais dans la docilité au travail du Créateur pour se laisser façonner comme chef d'oeuvre unique, aussi tordu soit le matériau de base. Chaque vie est dessin ( et dessein) unique, à la ressemblance de celle du Christ. Paradoxal! Imiter le Christ, c'est être frère du Fils Unique, c'est devenir à notre tour Fils et Fille Unique. Sortir du piège du mimétisme. Je suis autant contre la fécondation in vitro chez les couples hétéro qu'homo, le débat ne se situe pas à ce niveau. Et je suis pour qu'on appelle un chat un chat, et pas papa une femme ni maman un homme.
Mais de fait la réalité biologique (elle-même complexe, ne serait-ce que parce que nos garçons sont féminisés par la pollution des eaux avec la pilule!) est loin d'épouser toujours totalement les autres niveaux de réalité, psychologique sociologique,...Et vouloir faire coincider d'autorité "modèle" naturel (selon notre conception occidentale étroite) et données singulières peut devenir un totalitarisme redoutable, qui a par le passé forcé implicitement des hommes et des femmes à se faire violence en épousant une personne de l'autre sexe, et de ce genre de famille, extérieurement "dans les clous", mais où tout sonne faux et secrète une douleur qui ne peut se dire, il peut en sortir des enfants autrement dénaturés. On ne construit pas sur le sable des apparences; mais, sur la vérité, même si celle-ci n'est pas conforme, on peut élaborer un projet de vie qui, à défaut de se présenter en modèle (mais vous avez compris ce que j'en pense, des modèles)soit accueil de chacun, dans sa vulnérabilité et ses richesses. Vous comprenez aussi que je ne fais que lancer le débat, non proposer des solutions clé en main; et je vous remercie pour votre avis, qui permet de chercher ensemble,tant il est vrai que, sur ce point tout particulièrement, je suis intimement persuadée que le christianisme ne fait que commencer.
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Écrit par : Anne Josnin / | 05/06/2012

@ PP

> Ou aurais je prétendu que les croyants ne pouvaient pas participer au débat? Jamais je n'affirme pareille opinion. Ou lisez vous que je suis scandalisé? Je ne le suis pas vite et surtout pas dans un échange de vue, ne lisez pas ce que vous voudriez que j'exprime quand ce n'est pas le cas. Je pense seulement que c'est bien un débat religieux (ce qui est respectable et ne pose aucun problême) et que le fait de s'opposer à l'adoption par des couples homos en l'acceptant pour les personnes seules est une contradiction qui tend à le prouver. J'ai lu votre note sur le cardinal 23, mais je ne me sens pas concerné par le reproche, j'ai beau relire mes interventions, je n'y vois jamais l'ombre du début de la suggestion de l'idée que les chrétiens n'auraient pas le droit d'exprimer publiquement une opinion ou de soutenir une loi. Il est aussi évident que je reconnais aux athées, musulmans, agnostiques, panthéistes etc... un droit égal à défendre un point-de-vue opposé au mien ou au votre.
- La polygamie est ancienne mais, malheureusement, elle éxiste encore. Les autres exemples ne sont la que pour montrer que d'autres modèles sont ou ont été envisagés et pratiqués, dans un débat sur l'universalité d'un modèle, ça me semble pouvoir être cité.
- Il y a beaucoup de pédiatres et psychiatres qui ne le pensent pas, les études disponibles disent même le contraire. L'amour et l'écoute sont les deux principaux critères nécéssaires à un possible futur équilibre de l'enfant, qui ne sera jamais garanti dans aucun modèle du reste.
- J'ai bien précisé que je ne prétendais pas que c'était un progrès, je trouve, tout autant que vous, l'idée même du clonage humain totalement absurde et ridicule. Je ne suis pas partisan de la fécondation in vitro non plus. J'ai juste fait un rappel de ce qu'est la réalité actuelle.
P.

[ De PP à P. - Encore une fois, le débat ne concerne ni la polygamie, ni la polyandrie, ni les veufs, ni les veuves, ni les mères célibataires. Il ne concerne que le "mariage gay", anthropologiquement inconnu depuis l'aube des temps. Et les religions se contentent d'abonder dans le sens du réel. ]

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Écrit par : pashine / | 05/06/2012

La référence à « into the wild » est intéressante, néanmoins elle peut être lue de manière différente. C’est l’histoire d’un échec pitoyable.
La mort du personnage principal a trois causes.
La première des causes est, effectivement l’incompétence du personnage face à la nature. On ne s’improvise pas trappeur. La nature est complexe, hostile à qui ne la comprend pas. Le savoir est aussi indispensable à la vie au contact direct de la nature qu’à la vie dans la société, peut-être même plus encore : l’homme est ainsi fait : il n’a pas d’instinct. Ce qui est surprenant est même une aussi longue survie.
Ce constat nous amène à la seconde cause : la solitude recherchée, le refus de la société. Paradoxalement, ce qui permet la survie, c’est ce qui rattache le héros à la société : le fusil, les livres et même cet abri dans lequel il trouve refuge. Tout cela permet de suppléer l’absence d’instinct de l’homme. Justement, Christopher a voulu briser toute relation, allant même jusqu’à rejeter le nom qu’on lui a donné, refusant tout amour qui lui est offert, tout attachement aux personnes ou aux lieux (Alexander Supertramp) au nom d’un idéal de pureté qui l’apparente à la quête libertarienne (Murray Rothbard est un disciple de Thoreau, un des inspirateurs de McCandless), celle d’un être autonome, non dépendant. Au fond, ce dont il meurt, c’est d’avoir voulu être jusqu’au bout ce qu’un certain individualisme libéral nous présente comme idéal : un être sans relations, un individu, là où l’anthropologie chrétienne pose l’homme comme une personne ; un être de relation.
Christopher McCandless est-il en révolte contre notre société? Je suis porté à penser qu'au contraire il en pousse la logique jusqu’au bout. Un exemple : si nous devons être des individus autonomes, pourquoi donner tant aux apparences ? Il y a une certaine logique à son attitude : c’est encore une façon de vivre pour les autres que de vivre devant leurs yeux. Et sa mort lamentable est la conséquence de ce refus de vivre sous les yeux des autres. Lamentable et plus encore émouvante parce qu’il avait enfin compris : « Happiness only real when shared » et renoué symboliquement avec la relation en reprenant son nom… En redevenant une personne…
La troisième cause, matrice de la seconde, c’est effectivement la blessure du héros concernant le comportement de son père à l’égard de sa première famille. Les pathologies de la famille sont en effet la cause première de l’incapacité à nouer des liens. C’est au sein de la famille qu’on apprend l’ouverture à l’être différent, à la confiance, à l’amour mais surtout à l’imperfection comme l’a bien exprimé Chesterton. D’où l’insistance de l’Eglise à défendre la famille notamment dans l’altérité homme-femme qui la fonde et révèle l’in-suffisance foncière de toute personne et son besoin de l’autre en tant qu’autre.
Pour revenir à la blessure de Christopher, elle n’est pas dans la volonté de ses parents de donner une image lisse. Seul le cynique étale ses turpitudes en public et l’histoire de Noé ivre est révélatrice : on ne doit pas contempler la nudité de son père. La blessure de Christopher est dans cette question : que vaut cet amour d’un père qui a abandonné ses autres enfants ? Question qui rejoint celle que se posent les enfants dont un frère ou une sœur a été avorté : « l’amour des parents serait-il conditionnel ? » Dès lors comment prendre le risque de l’amour ? Mieux vaut ne pas trop s’exposer…
Alors quelle leçon tirer de cette histoire ? Oui, la famille est le creuset d’une sociabilité fondée sur l’amour, la confiance et l’ouverture à l’autre... C’est pour cela que les blessures liées aux dysfonctionnements de la famille sont si prégnantes… Raison de plus pour ne pas en rajouter. On parle sans cesse de principe de précaution, appliquons-le, c’est urgent, à la famille. Et rappelons-le : il y a davantage de couples qui voudraient adopter que d’enfants à adopter… Alors continuons de réserver l’adoption à de vrais couples : un homme, une femme… Ne jouons pas avec le sort d’enfants déjà marqués par la vie. Ce n’est pas une question de religion, c’est une question de bon sens.
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Écrit par : Hubert Houliez / | 05/06/2012

@ Pashine

> Puisque je ne vous avais pas répondu la dernière fois, je profite de cette seconde occasion.
Au sujet des études que vous citez et qui montreraient que "c'est l'amour qui compte", je pense que nous sommes tous deux dans la même situation: nous ne sommes pas des spécialistes. Nous savons ce que nous en disent les médias et peut-être, un peu de recherche personnelle. Pour ma part, je ne fais quasiment aucune confiance aux médias sur ce genre de sujet (j'ai en réserve sur la question un échange de mails avec un animateur de France Culture qui m'avouait combien il était difficile de traiter du mariage gay de manière équitable tant était forte la pression culturelle du "milieu"). Reste donc un peu de recherche et je vous recommande par exemple, le livre du professeur Xavier Lacroix "La confusion des genres". Il s'est amusé à faire ce qu'hélas on ne peut espérer de nos journalistes, à savoir aller voir de plus près le contenu desdites "études qui montreraient etc ...". Remarquons d'abord qu'il faut distinguer la science de l'usage militant et médiatique qui peut en être fait. Mais même, la nature de ces études avait de quoi surprendre. Aucune tout d'abord ne portait sur le long terme (i.e. ne dépassait le stade de l'enfance). Autre caractéritique intéressante: elles prenaient en général comme point de comparaison les enfants de couples divorcés (plus proches selon elles de la situation des enfants de couples gays, mais comprenez aussi avec des barêmes moins élevés sur les crières de comparaison - réussite scolaire, taux d'enfants consultant pour des problèmes psychiques, taux de maltraitance etc ... ). La plupart portaient aussi sur des échantillons très restreints (une dizaine parfois) dont la sélection pouvait surprendre (couples gays recrutés par petites annonces dans des revues militantes). Etonnante aussi, parfois, la méthodologie, les "parents" devant remplir eux-même les questionnaires (avec des questions du genre: "votre enfant est-il moins sociable que les autres?"). Je n'ai dès lors pas été très étonné quand, posant la question à un spécialiste suédois de la famille - assez éloigné par ailleurs des positions de l'Eglise, il venait de terminer une intervention expliquant que le divorce n'affectait pas les enfants - j'ai obtenu comme réponse: "on n'a pas d'études concluantes montrant que d'être élevé par un couple de même sexe ne fait pas de différence."
Quant à l'association de pédiatres américains que vous citez, je vous remercie de mettre en avant, comme une preuve, le nombre de ses adhérents. Parce que c'est exatcement le biais de raisonnement que je voulais pointer: ce chiffre n'a aucune pertinence puisque l'on ignore combien de membres approuvent réellement la prise de position de l'association sur l'adoption par les couples gays. Position, pour ce que j'en sais, décidée simplement au vote (méthode scientifique bien connue).
En résumé: un débat honnète sur cette question n'aura pas lieu, parce que hélas, notre société - et en particulier nos politiques et nos médias - n'ont pas la maturité suffisante. En fait, parce que c'est un sujet "religieux", mais entendez par là "qui relève de la religion majoritaire désormais dans nos contrées: le religion du progrès". Sur cette religion du progrès, ses tenants, ses dogmes, je vous renvoie à la dernière émission Répliques où Alain Finkielkraut recevait Jean-Claude Michéa. Je vous invite aussi à méditer sur les crises d'hystérie bigote et obscurantiste qu'ont pu provoquer les déclarations récentes de Christian Vanneste sur la déportation des homosexuels (dont personne n'a pu contester la véracité) ou, sur un autre registre, le cirque grotesque suite aux déclarations du pape sur le préservatif il y a quelques années. Dans tous ces cas, il y avait matière à un débat scientifique sérieux (avec dans le camp du pape rien moins que, parmi d'autres, le directeur du projet de recherche sur la prévention du sida de Harvard, Edward Green) que notre société n'a pas même été capable d'envisager, réagissant plutôt comme une foule de barbus pakistanais devant un blasphème.
Et pour finir de soulever un peu le couvercle sur des sujets tellement sensibles que seuls des gays peuvent prendre le risque d'en parler, je vous renvoie au blog http://www.araigneedudesert.fr/ et aussi à la récente inteview de notre Richard Fourneaux national au 'Vif l'Express' où, tout en regrettant que le MR ne soit pas plus "progressiste" sur l'homosexualité, il avouait néanmoins: "sur la question de l'adoption, je suis tout de même réservé: il faut bien reconnaître que la fidélité dans un couple gay, ça n'est pas tout à fait ça" (je cite de mémoire).
Cordialement
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Écrit par : luc2 / | 05/06/2012

@ PP

-Nous sommes en accord sur ce point, le débat est bien uniquement le mariage gay, l'intérêt de l'enfant et le reste ne servent qu'à essayer de trouver des arguments pour et contre qui justifient les opinions préalablement arrêtées.
-Le mariage n'a rien de naturel, il est une pure invention humaine qui suit des codes fixés par l'homme. Si biologiquement, il faut un homme et une femme pour procréer, affirmer que le mariage a pour unique objectif la procréation n'a rien d'anthropologique, c'est simplement un choix. Mais alors, pourquoi permet-on aux couples hétéros inféconds de se marier? Sinon par un nouveau choix? Mais alors le débat ne serait-il pas simplement l'homosexualité et comment la "gérer" dans la religion?
P.


[ De PP à P. - Pourquoi nous faire dire que le mariage a uniquement pour but la procréation ? L'Eglise catholique dit exactement le contraire (cf la théologie de la sexualité de Jean Paul II ; si vous ne la connaissez pas, lisez le livre d'Yves Semen).
Ce qui exclut le "mariage gay" n'est pas le catholicisme, mais l'anthropologie, qui repose sur la reconnaissance de l'altérité homme-femme (d'où la nécessité du double pôle masculin-féminin pour l'éducation des enfants). Expliquez ça comme vous voudrez, ou ne l'expliquez pas ; vous finirez par nier l'identité sexuée qui caractérise les espèces évoluées - mais c'est votre affaire. Pour le reste :vous vous exprimez ici avec la plus entière liberté et tout le monde a compris que vous récusez notre point de vue quel qu'il soit ; ne tournons pas en rond, s'il vous plaît. ]

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Écrit par : pashine / | 06/06/2012

A Hubert Houlliez,

> L'argumentaire que vous déployez efficacement m'apparait comme un concentré des contre-sens et non-dits que la psychologie collective n'en finit pas d'entretenir quant aux rapports de l'homme à lui-même, à la nature et à la famille.
Une spirale mentale qui a quelque chose d'assez glaçant tant elle tourne froidement en vase clos, et qui ici consiste à voir dans le parcours de Christopher, le symbole d'un échec individuel pitoyable pour mieux se préserver d'y voir le symptôme de la pathologie civilisationnelle révélée en arrière-plan.
L'« incompétence » et « le refus de la société » dont vous parlez, c'est le paravent du déni, c'est le langage policé, codé et universitaire par lequel on se protège de Christopher, à la fois révélateur de la maladie de notre civilisation et signe d'un sursaut de vie.
La mort de Christopher serait du à son manque de savoir au contact de la nature, face à laquelle l'humanité serait dénuée d'instincts, dites vous. Votre discours vissé vous permet de contourner La question qu'il s'agit je crois de poser: en quoi sa mort est-elle signe tragique des processus mortifères par lesquels la civilisation s'est développée contre la nature, comme arrachement à cette part instinctive de nous même, profondément lié à un obscur déni du corps sensible ?
Revoyons « 2001 l'odyssée de l'espace », le chef d'oeuvre de Kubrick : l'impasse tragique d'une humanité qui s'est arrachée au réel de ses sens, qui a poussé jusqu'au bout l'anesthésie de ses instincts, l'erradication de toutes traces de cette poussière, de ce sang, de ces excréments, qui nous relient au concret vivant et viscéral de notre condition terrestre. Impasse tragique de cette humanité au langage, aux émotions et au corps sous-contrôle, devenue aérienne et spatiale, protégée de tout contact avec l'humus du réel incarné.
En ce sens oui, la mort de Christopher est avant tout l'image de la mort d'une civilisation qui a cru mesurer sa grandeur à sa capacité à s'arracher entièrement à l'ordre des instincts. Tragique illusion. Il y a une réalité humaine instinctive que le transhumanisme nano-bio-technologique fantasme de dépasser, mais ce qu'il y a de viscéralement instinctif en nous va brutalement se rappeller à notre bon souvenir d'occidentaux refroidis et attiédis au bout du rouleau et du processus de civilisation des moeurs. Ne pressentez-vous pas ce retour du refoulé instinctif que nous allons sauvagement prendre en pleine poire ?
Mais par-dessus tout, son parcours, inachevé, est le signe d'une intuition de vie, non pas d'un « retour en arrière », d'une « régression », d'une « nostalgie d'un paradis perdu », mais d'une tentative de réajustement, d'une ardente revivification, de l'amorce incertaine d'un redéploiement, d'un sens retrouvé de la vie.
La mort de Christopher serait du également selon vous à sa solitude, son refus de la société et de toute relation.
Ici encore, vous formulez une analyse enfermante et profondément érronée du parcours de Christopher. Vous dites « il refuse la société », ce qui vous évite cette interrogation : qu'est-ce qui dans son choix radical, est habité par la conviction et l'intuition intime d'un mystère de vie dépassant l'entendemment, qu'il cherche à découvrir, à se réapproprier, dans cette phase on peut dire biblique de traversée du désert qui caractérise ce moment de son parcours ? Vous semblez imperméable et insensible à cette dimension de l'exode, à cette part prophétique que peut parfois revêtir une solitude plus ou moins momentanée, parfois vitale.
Qu'est-ce qui dans cette société qu'il a fui, fut étouffement permanent de ce mystère de vie?
Et puis dans le fond, par ce « refus de la relation » que vous lui prêtez, vous contournez, une fois encore des questions très lourdes : Où est le refus et la peur de la relation ? La bonne société libérale individualiste qu'il a fui dans un élan vital, n'est-elle pas par excellence celle de la pathologie de la relation ? L'espace de la relation vraie et vivante ne s'ouvre-t-il pas enfin dans l'indéterminé providentiel des rencontres qui se présentent sur son chemin ? Eu égard à cette anthropologie chrétienne de l'être en relation dont vous parlez, Christopher ne fait-il pas enfin l'expérience bouleversante de l'altérité, de l'inattendu humain ?
L'histoire d'un pitoyable échec dites-vous? Rien ne vous interdit en effet de penser a contrario qu'une vie réussie, pleine, habitée par la grâce, eut supposé de sa part qu'il renonce à son "projet fou, et qu'il se fonde finalement, dans le moule tout traçé, sans saveurs, sans odeurs, sans éclat, et avec beaucoup d'honneurs, d'une brillante carrière universitaire.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 07/06/2012

@ PP

> Nous avons compris, l'un et l'autre, que nous ne changerons pas d'avis et même si nos réserves d'arguments sont loin d'être taries, nous perdrions nos énergies à les étaler sans fin. Je ne suis, du reste, pas ici, pour diaboliser une opinion ou convertir quiconque, j'essaye juste de comprendre. J'ai donc une ultime question à poser: quand bien même vous auriez raison, qu'est ce que ça peut vous faire que des athées ou des adeptes d'autres croyances puissent se marier entre personnes du même sexe? J'ai aussi lu dans votre note sur la déclaration de 23, qu'il était fait mention du changement de sexe, la aussi pourquoi voudriez vous interdire les transgenres ou intersexués? Vous allez me dire que biologiquement et génétiquement on nait homme ou femme, je n'entrerai pas dans le débat des genders studies, ce serait inutile et ce n'est pas le sens de mon interrogation, de nouveau, même si tout ceci est vrai, en quoi le mariage gay ou le transgenre dérange ou dénigre quoi que ce soit? Un mariage hétéro perdrait de sa valeur parce que les homos peuvent se marier? Une femme serait moins femme parce qu'un homme peut le devenir sur ces papiers d'identité? Ce n'est en rien de la provocation, mais en tant qu'athée libertaire, je ne m'oppose jamais aux libertés individuelles qui ne nuisent pas collectivement et je ne vois pas dans ces cas les possibles nuisances. Mais je dois avouer que je peux me tromper aussi.
P.


[ De PP à P. :
Où avez-vous vu que l'on veuille "interdire" quoi que ce soit ? La question n'est pas là du tout.
La question est : toute revendication privée doit-elle devenir loi, opposable aux revendications privées contraires ?
Cette dénaturation du législatif est une extension abusive du domaine du marketing, et une dépolitisation de la démocratie. Donc c'est le nouvel opium du peuple.
Et le stade suprême du libéralisme.
Un anti-libéral conséquent ne peut pactiser avec ça. ]

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Écrit par : pashine / | 07/06/2012

Monsieur Lellouche,

> Lisez moi posément vous verrez que je ne suis pas si loin de ce que vous écrivez. Pardonnez moi de vous retourner l'argument du contre-sens...
La lecture que je fais de cet échec est certes inspirée par un certain bagage universitaire qui me permet justement de dire que l'échec de Cristopher McCandless signe l'échec de l'individualisme libéral étouffant de la société dans laquelle le héros a grandi: dénué d'autres moyens pour exprimer sa révolte que de pousser jusqu'au bout certains principes de cette société individualiste, faute d'avoir pu boire à une autre source que celle de l'individualisme. A chaque fois que la rencontre de l'altérité s'offre, il la fuit...
Echec pitoyable, cela signifie qu'il inspire la pitié pour n'avoir pu rencontrer à temps - ou pour n'avoir pas su reconnaître à temps car il a une part de responsabilité- l'autre (ou l'Autre) qui aurait pu l'arracher à sa solitude. Donc j'incrimine avant tout l'individualisme ambiant que, faute d'un je ne sais quoi, il ne sait que pousser au bout de sa logique.
Quant à notre société coupée de la nature, j'entends bien l'argument, je ne suis pas sur cependant que l'homme d'avant la révolution galiléo-cartésienne, celle qui nous promettait de devenir maître et possesseur de la nature, je ne suis pas sur que cet homme ait pû survivre mieux que McCandless... L'homme est un animal social, pour vivre hors de la société, il lui faut être soit sous-humain, soit sur-humain. Ce n'est pas le libéralisme qui dit cela, c'est Aristote puis Thomas d'Aquin. A cette vision des choses, les penseurs chrétiens ont donné le nom de personnalisme.
Et pour finir: tout échec est donc à la fois individuel et social. Le héros n'aurait pas été ce qu'il est sans la dissociété individualiste, mais il n'aurait pas échoué ainsi sans son péché personnel. Et nous échouons TOUS pour ces deux raisons.
Il n'empêche: une certaine réussite humaine, moyennant la Grâce, est possible à condition de ne pas fuir l'ici et maintenant où Dieu nous a placés. Avec l'humilité d'accepter les imperfections de cette société où nous vivons et qui sont liées à un système de structures de péché, nourri par nos propres péchés, avec la force de les changer sans vouloir pour autant construire une société parfaite qui nous conduirait en enfer. L'humilité d'être dans le monde sans être du monde. C'est plus dur qu'une révolte qui confine parfois à la posture. Car McCandless est aussi victime d'intellectuels qui ont prôné ce qu'ils n'ont pas eu le courage de vivre eux-mêmes et que lui a voulu vivre à fond. Ce qui est à la fois sa grandeur et peut-être aussi sa faute.
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Écrit par : Hubert Houliez / | 07/06/2012

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