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05/01/2012

La grande escroquerie de la droite américaine

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Un populisme au service des dominants :


 

« Un candidat,  M. James Richard ('Rick') Perry,  incapable de se souvenir du nom d'un ministère qu'il entend supprimer. Un autre, M. Herman Cain, qui semble tout ignorer de la stratégie américaine en Libye. Un troisième,  M. Newton ('Newt') Gingrich, n'hésitant pas à qualifier le peuple palestinien  d' 'invention'. Le spectacle offert par le parti républicain dans sa recherche d'un candidat suffisamment 'authentique' pour satisfaire sa base électorale ressemble parfois à un lent suicide... »

À ce constat du journaliste politique Thomas Frank (auteur du livre Pity the billionaire : the unlikely comeback of the Right1 - New York, 2012), on pourrait ajouter d'autres exemples : Michelle Bachmann ignorant que la Libye est en Afrique du Nord... Ron Paul, le vieux farceur ultralibéral, partisan de la suppression de l'Etat alors qu'il brigue la Maison Blanche... Ou, à un niveau moindre, Christine O'Donnell décrochant l'investiture à une primaire sénatoriale avec cette profession de foi (pour rassurer l'électeur) : « I'm not a witch »2...

« La droite américaine devient de plus en plus conservatrice », titrent les journaux. Encore faut-il s'entendre sur le sens du mot « conservateur » dans l'Amérique de ces dernières années. Là, il ne s'agissait pas de ce que Benoît XVI appelle « l'écologie humaine ». Il s'agissait de transformer la colère populaire contre Wall Street en révolte contre l'Etat, et de défendre « le modèle capitaliste » en passant sous silence le capitalisme réel : les crédits subprime, la dérégulation, l'emprise de Goldman Sachs et de toute la finance prédatrice, etc. Pour cela, il fallait faire croire aux petits entrepreneurs que leurs intérêts étaient ceux des requins de Wall Street, et que réguler Wall Street serait du bolchevisme :

 « 'La plupart des membres du Tea Party que j'ai rencontrés sont de petits commerçants', raconte le journaliste Matt Taibbi : 'ils tiennent des magasins de matériel informatique ou des restaurants. Ils assimilent la régulation à un inspecteur de l'hygiène qui viendrait les déranger et leur infligerait des amendes pour des broutilles. Voilà leur expérience de la régulation. Donc quand ils pensent à l'idée de réguler les banques, pour eux c'est la même chose.' » 3

À leurs yeux il ne doit pas y avoir de différence entre la sphère politique et les intérêts privés. D'où le vocabulaire spécialisé mis au point par le Tea Party, qui appelle ses dirigeants « entrepreneurs politiques », ses militants « acheteurs précoces », et son idéologie « coeur de compétences ».

Non seulement la droite républicaine veut hypnotiser les petits entrepreneurs, mais elle vise aussi les classes défavorisées. Selon l'universitaire Angelo Codevilla (The American Spectator, juillet 2010), signale la journaliste Sylvie Laurent, les inégalités sociales aux Etats-Unis se sont creusées d'une manière « effarante » : « [Codevilla] oppose une ruling class (classe dominante) qui aurait dépassé les ancrages partisans, et une classe populaire qu'il nomme country class, déconsidérée par l'élite et abandonnée des grands partis politiques. » Le Tea Party s'efforce de pousser cette classe aussi à voter pour le parti républicain, c'est-à-dire (en réalité) pour la ruling class ! On sait que le Tea Party a les mêmes sponsors que les libertariens : ce sont les multinationales, notamment le groupe industriel le plus pollueur d'Amérique, celui des pétroliers Koch.

La classe dominante échappe ainsi à ce qui aurait dû se passer après 2008, gigantesque échec de l'idéologie néolibérale et du capitalisme tardif... Pour empêcher l'instauration d'un nouvel ordre économique, les républicains de 2012 font comme ceux de 1936 qui hurlaient contre le « communisme totalitaire » du New Deal.

L'escroquerie de la droite US joue sur plusieurs fibres psychologiques. D'abord la mythologie – très deep America – du Petit Entrepreneur, personnification de l'Individu Héroïque... Jusqu'ici ce héros était irrité contre les banques ; grâce au Tea Party, le GOP a réussi à brouiller les cartes pendant un certain temps. (Il semblerait que ce brouillage prenne fin avec l'apparition d'un autre populisme : le mouvement Occupy, dirigé, celui-là, contre les fauteurs de crise et d'injustice. « On est passé des Tea Parties à Occupy Wall Street, des conversations sur le déficit budgétaire aux conversations sur les 99 % face au 1 % des plus riches », note Fabrice Rousselot, journaliste français à New York).

La droite US joue aussi, mais à la marge, sur une autre fibre : celle des chrétiens indignés par l'avortement de masse. Ils forment une partie de l'électorat. D'où les « éléments de langage » pro-life affichés par la droite dans les années 1990-2000...  Ce dispositif (purement verbal) n'a pas tout à fait disparu de la campagne actuelle, mais quelque chose a changé. Sur le forum en ligne des Tea Party Patriots, par exemple, « les discussions sur les sujets de société  [comprendre : l'avortement]  ne sont pas autorisées » : ce qui est prescrit, c'est de parler « diminution de l'Etat, rigueur budgétaire et libre-échange ». On voit à quoi la droite tient vraiment.

Que le GOP gagne en novembre, avec le mormon Romney ou quelqu'un d'autre, et le chrétien ou le petit entrepreneur seront dindon de la farce. (Dindon de Thanksgiving, bien sûr : God bless America !).

 

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 ps / Tout ça ne fait pas de Barack Obama autre chose que ce qu'il est : l'homme qui a trahi les espérances de l'Américain moyen.

 

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1. 'Ayez pitié du milliardaire' – L'improbable retour de la droite.

2.   « Je ne suis pas une sorcière. » Mme O'Donnell avait flirté avec le satanisme avant de passer à la Religious Right.

3.  Thomas Frank, Le Monde diplomatique, janvier 2012.

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Commentaires

LA MÊME STRATEGIE EN FRANCE

> Chez nous, c'est moins caricatural, mais l'attitude de l'UMP relève de la même stratégie de masquer la défense de la finance derrière celle des PME!
Sur les USA, il en circule une autre bien bonne remontant à la précédente campagne: une journaliste demande à Mc Cain ce qu'il pense de ce qu'Obama est un Arabe (!) ; et lui de répondre que ce n'est pas un Arabe mais un brave type...
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Écrit par : Pierre Huet / | 05/01/2012

NE JUGEONS POINT, ETC

> Pour équilibrer , il faudrait faire un article à charge et à décharge . Que vous n'aimiez pas la droite américaine , c'est votre droit et je suis d'accord sur le fait qu'il y a beaucoup à redire . Mais il me semble que vous tombez dans le fameux travers des westerns : les bons d'un côté et les méchants de l'autre ( même si dans ce cas précis les bons ne sont pas si bons puis que leur chef a trahi ses promesses ) : la réalité est toujours plus complexe et dans tout en ce bas monde , il y a du bon et du mauvais . Je puis accepter une analyse pro et contra dégageant une conclusion . Une conclusion basée uniquement sur des arguments contra me laisse perplexe .

BK


[ De PP à BK :
- Vous constatez vous-même que nous ne ménageons pas Obama. Où est alors notre manichéisme ?
- Vous ne nous convaincrez pas de trouver du "bon" et du "complexe" dans des réunions de masse où l'on hurle "Obama c'est Hitler" ou "l'Amérique doit mener le monde".
- Ce blog ne se prend pas pour un arbitre extérieur aux choses. Nous sommes en empathie avec les phénomènes de contestation du système ultralibéral dans le monde.
- Cela dit, vous êtes libre de ne pas partager notre point de vue.
- Permettez-moi tout de même une mise en garde : refuser de voir les choses comme elles sont, ne mène qu'à pactiser avec l'inadmissible. Ce défaut a été celui de plusieurs générations de catholiques français... Bernanos a écrit là-dessus des pages sévères dans 'Les grands cimetières sous la lune' et 'Le chemin de la Croix des Âmes'.]

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Écrit par : BrunoK / | 05/01/2012

SANTORUM

> Le très chrétien Santorum se moque d'Obama qui veut étendre la couverture sociale à tout le monde ...
http://thinkprogress.org/health/2012/01/05/398330/santorum-mocks-obama-for-extending-health-care-coverage-to-everybody/
Le même très chrétien Santorum est membre actif de la National Rifle Association. La bible dans une main, le colt dans l'autre. Comme le chantait Bob Dylan : "God is on our side".

FR


[ De PP à FR - Sans avoir à traverser l'Atlantique, vous avez ici même des sites "catholiques" qui conspuent tous les jours la notion de couverture sociale. Et qui osent se réclamer de la DSE, alors qu'ils contredisent l'Eglise... ]

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Écrit par : Frederic Ripoll / | 05/01/2012

EVIDEMMENT

> La même analyse pourrait être faite du parti démocrate cher Patrice! Un parti qui se fait passer pour le défenseur des "petits" alors qu'il ne représente que les catégories aisées acquises au liberalisme culturel façon Terra Nova! Et on pourrait dire la même chose du PS en France.
La vraie question là comme ailleurs est de comprendre pourquoi les catégories populaires ne votent plus démocrate aux USA et PS en France.
Là est la vraie question!
Jean-Claude

JC


[ De PP à JCP - Mais non, il n'y a pas une "vraie question" qui éclipserait toutes les autres... et qui donnerait évidemment raison à une certaine tendance. La réalité s'impose dans toutes ses composantes. Et le glissement du parti républicain vers l'extrémisme est l'une d'elles. Quant à Obama, excusez-moi de vous dire à vous aussi ce que je disais à un autre intervenant hier : n'avez-vous pas vu le post-scriptum de la note ? Etre lucide sur ce qui se passe à droite ne signifie pas qu'on soit aveugle sur ce qui se passe de l'autre côté ! Vous croyez que si ? ]

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Écrit par : jean-claude / | 06/01/2012

LE GLISSEMENT DU PARTI REPUBLICAIN

> Que penser d'un ex-grand parti politique qui se met à délirer ? Au GOP version 2012, le consensus c'est :
- nier le réchauffement climatique
- vouloir supprimer toute protection de l'environnement
- vouloir supprimer toute couverture sociale
- vouloir supprimer toute couverture santé
- ériger en dogme les coupes d'impôts pour les plus riches
- baisser tous les budgets de l'Etat sauf celui du Pentagone...
- ...car il faut se préparer à attaquer l'Iran !
Mitt Romney ne pensait pas comme cela avant.
Il professe ces folies maintenant, sinon il n'aura pas l'investiture.
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Écrit par : nevermore / | 06/01/2012

à Zorglub

> Je vous rassure : ici, la dinde est vraiment une dinde.
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Écrit par : PP / | 06/01/2012

CLAIR

> Ron Paul ne veut pas supprimer l'Etat mais le privatiser entièrement. Ce qui est déjà moins rigolo et impossible à mettre en place. Quant au futur vainqueur de la primaire, le millionnaire Romney, il figure comme un beau représentant des 1% de nantis. Ca a le mérite de la clarté, non ?
Enfin à lire sur le mythe de l'anti-étatisme américain :
http://alternatives-economiques.fr/blogs/behrent/2010/11/12/lanti-etatisme-un-mythe-americain/#more-72
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Écrit par : Thomas / | 08/01/2012

"KILL THEM"

> Je vous suggère de visionner le dernier débat républicain en Caroline du Sud. Ron Paul excepté, les candidats (dont deux au moins ont les faveurs de la "cathosphère réac") ont résumé leur politique étrangère à cet ordre simple: "kill them".
Paul, qu'on peut critiquer, mais pas tellement sur son indépendance d'esprit sur le sujet, s'est fait huer par un public déchaîné, prêt à se ruer en Iran à la sortie... Ils sèment le chaos à l'extérieur en croyant assurer leur sécurité intérieure, au nom des "valeurs" américaines, de la liberté, et de Dieu. Écœurant.
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Écrit par : Jov / | 17/01/2012

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