La foi et la culture : ce soir à Notre-Dame de Paris, une veillée de prières sur la Passion du Christ

À partir de 20 h à la cathédrale de Paris, le peuple catholique est invité à une veillée de prières et de vénération de la Couronne d'épines du Christ. Voici comment l'Eglise catholique présente la veillée de Notre-Dame (au moment où commence le spectacle paranoïaque Gólgota Picnic) :

 

(site du diocèse de Paris)

<< Alors que le spectacle Gólgota Picnic, programmé à Paris à partir du 8 décembre prochain, insulte la personne du Christ en croix, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, invite jeudi 8 décembre à 20h ceux qui le veulent à une veillée de prière à Notre-Dame de Paris au cours de laquelle seront proposées une méditation de la Passion du Christ et la vénération de la sainte couronne d’épines. Cette veillée sera retransmise en direct sur KTO.

 

Benoît XVI vénérant la Couronne d'épines à Notre-Dame de Paris.

 

Entretien avec Mgr Eric de Moulins-Beaufort,

évêque auxiliaire de Paris

Paris Notre-Dame - Pourquoi tant d’agitation autour de spectacles parlant du Christ ? N’y a-t-il pas d’autres supports qui abordent le sujet de façon critique (bandes dessinées, musique) ?

Mgr Éric de Moulins-Beaufort – À la fin de l’été, l’information circulait sur internet que deux spectacles programmés cet automne à Paris offensaient gravement le Christ. L’information était rédigée pour provoquer. Elle a réussi. Première leçon : réfléchissons à notre manière de recevoir une information par internet. Qui l’émet ? Pourquoi me l’envoie-t-il ? Son information est-elle vraie ? Abordons le fond : un spectacle n’est pas un livre qu’on lit chez soi ; il a une certaine face publique. Il cherche à créer une réaction collective.

P. N.-D. - Quels différents niveaux peut-on distinguer dans la façon de traiter d’un tel sujet ? Par quel filtre doit-on s’efforcer de décrypter ces expressions artistiques ?

EMB – Des spectacles ou des mises en scène utilisent la symbolique religieuse. C’est légitime : la religion est une composante essentielle de la vie. Quand cette utilisation est provocante, tourne en dérision ce en quoi des personnes croient, la question doit être posée : pourquoi un auteur ou un metteur en scène utilise-t-il la provocation ou se permet-il la dérision ? Il n’est pas exclu que ce soit pour appâter des spectateurs. Mais peut-être ce que cette manière brutale exprime mérite t- il d’être entendu ? Un spectacle devrait être apprécié selon son texte, la mise en scène, le talent des acteurs. Il ne faudrait pas qu’à cause de la polémique, les spectateurs se prennent pour des héros de la lutte contre l’intolérance et n’exercent plus leur sens critique. La fascination de certains artistes pour le « sale », pour une sexualité banalisée ou même violente, mériterait une analyse. Mélanger tout cela à la religion n’est pas nouveau. Faire réfléchir à la misère humaine ou à la corruption de la société est toujours nécessaire. Pourtant, d’un strict point de vue artistique, est-il vraiment audacieux de « tout » montrer ?

 P. N.-D. - Faut-il réagir systématiquement face à de telles mises en scène ? Si oui, de quelle façon ?

 EMB –Sûrement pas systématiquement. Que la figure du Christ attire des regards critiques, c’est un risque que le Seigneur a voulu courir. Si, nous chrétiens, considérons qu’il est bafoué, ce sentiment doit nous conduire à nous rapprocher de lui. Dans le cas présent, puisque la croix du Christ est présentée comme n’ayant pas apporté de bien, voire comme ayant provoqué des maux, notre archevêque nous invite à vénérer les reliques de la Passion, le soir du 8 décembre. Nous confesserons les bienfaits de la croix.

P. N.-D. - Quelle peut-être la juste réaction des chrétiens ?

EMB – Ayant la chance de vivre dans un État de droit, nous bénéficions des garanties que la loi accorde à tous, nous n’avons pas à réclamer davantage ni à nous résigner à moins : une société a besoin que ses membres se respectent, y compris dans leurs différences de pensée. Comme chrétiens, le plus important est que nous fassions resplendir le visage du Christ par tout notre comportement, que ceux qui le refusent aujourd’hui puissent découvrir un jour son pardon et sa vérité. >>

 (Paris Notre-Dame, 1er/12).

 

 Avec plusieurs milliers de Parisiens, nous serons à cette veillée. Nous adhérons bien entendu à l'analyse de l'évêque auxiliaire de Paris, avec ses nuances et ses précisions : l'écoute et l'adhésion sont le devoir des diocésains  – et Mgr de Moulins-Beaufort décrit la réalité.

La pièce de Castellucci avait divisé l'opinion catholique [1]. Mais le spectacle de Rodrigo Garcia, Gólgota Picnic, s'attire l'indignation unanime des chrétiens, plus le mépris d'une partie des critiques de théâtre : ce spectacle, disent-ils, est à la fois mauvais sur le plan scénographique et paranoïaque sur le plan mental. Il attaque tout ce qui relève du vivre-ensemble. Un critique connu nous dit : « Ce spectacle pousse à la haine générale et à la misanthropie, c'est fâcheux en période de crise et de peurs. »

Face à cela, la veillée à Notre-Dame n'est pas une réplique au spectacle. Elle se situe sur un autre plan. Comme le dit Mgr de Moulins-Beaufort, elle mettra en lumière « les bienfaits de la Croix » : là, et là seulement, est le témoignage des croyants.

Tout le reste est agitation trouble, manipulations groupusculaires, voire –  ce qui est plus grave – naufrage de catholiques (jusque là pondérés) dans le réflexe communautariste et le refus de penser. Ce qui les met en douteuse compagnie... Il est temps pour eux de reprendre leurs esprits, et de se souvenir qu'ils étaient plus lucides il y a quelques années !

 

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[1] Division non seulement tactique mais spirituelle. Elle a opposé : 1. ceux qui, n'ayant pas vu la pièce de Castellucci, ont sauté sur l'occasion de crier à "l'insulte aux chrétiens" (étrange grief de la part de chrétiens : "bienheureux serez-vous si on vous insulte à cause de moi...") ; 2. ceux qui, ayant vu la pièce, ont réfléchi qu'il fallait plutôt répondre à la question qu'elle posait : celle de la déréliction humaine et de la place du Christ dans notre société athée. Parmi le courant de ceux qui réfléchissent, on remarquait le philosophe, théologien et auteur dramatique Fabrice Hadjadj, l'abbé Hervé Grosjean et de nombreux catholiques français lucides devant l'évangélisation du monde tel qu'il est. Ils ont alors été accusés, par les manifestants, de « trahison » (?) et de sabotage de la « mobilisation » !  Une mobilisation contrôlée par le schisme lefebvriste, et dont le rôle d'agitation ne se comprend que par rapport à la confrontation actuelle entre Ecône et le Vatican : confrontation que le Vatican voit comme un dialogue, mais Ecône comme un hold-up avec prise d'otages. (On en verra encore un exemple lors de la parade de dimanche prochain dans Paris : les lefebvristes font venir des cars d'extrémistes de toute l'Europe, mais ils font aussi un marketing viral auprès des braves paroissiens normaux. Objectif : opérer l'amalgame).