UE : pendant l'effondrement, l'élargissement continue

< Zagreb : manifestation contre l'UE et contre la classe politique croate.

Le Parlement européen vient d'approuver (564 voix pour, 38 contre, 32 abstentions) l'élargissement de l'UE à la République de Croatie :

 

Les eurodéputés demandent poliment à ce pays de bien vouloir faire le ménage dans le domaine de la corruption, du crime organisé, des crimes de guerre et de l'expulsion de milliers de Serbes pendant la guerre de l'ex-Yougoslavie. Mais « ces  recommandations n'ont pas de caractère contraignant », précise le texte. Quant au reste, nous dit-il, la Croatie est prête pour l'adhésion.

Ce n'est pas l'avis des experts. « Vue de Zagreb, de Rijeka, de Split ou d'Osijek », expliquait en 2011 le Pr Joseph Krulic (université de Marne-la-Vallée) dans une note CERI/CNRS, c'est « la révolte sociale et le désarroi politique » ; climat aggravé par la mémoire des crimes de masse d'hier [1].  Les derniers semestres ont été chaotiques en Croatie : chute du gouvernement sous le poids des scandales de corruption, grèves, émeutes sociales dans les grandes villes, manifestations contre les deux partis de gouvernement (le HDZ et le SDP) sur le modèle des « mobilisations Facebook » en Egypte et en Israël... Selon l'opinion publique croate, le chômage et la pauvreté galopante sont le résultat de l'incompétence de la classe politique « tous partis confondus ». Pour 83 % des Croates (sondage de mars 2011), le pays va « dans la mauvaise direction » ; ils s'insurgent d'avance contre une adhésion à l'UE avec son corollaire : l'ouverture au marché. Adhésion voulue cependant par la classe politique croate, pour des raisons que ne semble pas partager la population.

Quant à la classe politique européenne de Strasbourg, en fonction de quels critères déclare-t-elle que la Croatie « satisfait désormais aux normes de l'UE » ? On se le demande. La Cour européenne des droits de l'homme a sous le coude 1437 affaires de violation des droits fondamentaux par la justice croate : « chiffre considérable pour un pays de 4,5 millions d'habitants », souligne le Pr Krulic.

L'économie croate est malade, la politique croate aussi ; on ne voit pas l'urgence d'ajouter un membre de plus à la liste des soucis européens.

Et pourtant les eurodéputés – en novembre 2011, malgré la panique  en Europe – demandent que l'on coopte la Croatie ! L'idéologie de l'élargissement persiste sur sa lancée, bien que la survie de la zone euro (voire de l'Union européenne) devienne incertaine. Depuis 1990, la construction européenne, devenue succursale de l'ultralibéralisme global, est une négation des réalités.

 
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[*] Le 28 février 2011, à Zagreb, des milliers de « vétérans » des carnages de 1991-1995 ont défilé pour protester contre l'arrestation d'officiers croates, recherchés par le TPIY pour « crimes de guerre et crimes de droit international ». La Croatie est dénoncée par Amnesty International pour son refus de livrer au TPIY les documents sur l'épuration ethnique contre les Serbes de Krajina (1995).