Le chrétien et l'objecteur de croissance

Dans le courrier de La Décroissance de mai, cette lettre de Gilles Texier (lecteur et intervenant de notre blog) :

 

<< Jeune catholique pratiquant, je ne peux pas m'empêcher de réagir un peu à votre BD sur Blandine au pays des cathos. Non pas sur le fond : il existe effectivement une part non négligeable de bourgeois catholiques plus bourgeois que catholiques, et cherchant sans cesse à accommoder l'Evangile avec leur cupidité, ou plutôt leur médiocrité. Ceux-là vous expliqueront qu'il s'agit d'être libre « en esprit » vis-à-vis des biens matériels, et ils continueront à se gaver, au mépris des paroles du Christ que vous citez. Cette tendance guette tout chrétien, et nous en mettre en garde ne peut nous faire que du bien.

Mais il me semble que deux rappels s'imposent néanmoins.

Le premier vient du fait qu'on entend toujours le même son de cloche dans les médias. Une personne qui ne met jamais les pieds dans une église a sans doute l'impression que les abbé Pierre et Mère Teresa ne sont que des exceptions, des étoiles éparpillées dans la vaste étendue froide et sombre de l'Eglise. Ou oublie les dizaines (voire centaines) de milliers de catholiques qui se battent pour améliorer la condition de leurs frères, à des degrés divers et dans des domaines différents, souvent bien loin des projecteurs. S'ils n'effacent pas les pourris, bien sûr, les pourris n'ont pas à les faire oublier.

Le deuxième rappel est encore plus important, et porte sur la doctrine de l'Eglise : même si certains la trahissent par leurs paroles ou leurs actes, elle est dans son essence la plus anti-libérale qui soit. Je crois même (c'est en partie pour ça que je me suis intéressé puis converti à l'Eglise) qu'elle est la seule entièrement cohérente dans sa critique du libéralisme, car elle l'attaque à tous les plans : économique (critique du consumérisme et de la cupidité), moral (critique du libertarisme, qui n'est rien d'autre que la consommation des corps), et surtout métaphysique (critique du relativisme). En effet, le capitalisme déteste la notion de Vérité ; les hommes de conviction, non malléables, le gênent. Détruire les peuples pour en faire des agglomérats d'individus désunis et désorientés, sans projet commun et prêts à tout accepter, à tout consommer, bref prêts à devenir les animaux qu'on nous demande d'être, voilà son objectif, et c'est aussi l'une des raisons de la haine de ce monde vis-à-vis de l'Eglise.

Tout ça pour en arriver à cette conclusion : de même que votre journal m'apporte beaucoup dans la mise en oeuvre concrète de ma foi, un objecteur de croissance pourrait gagner beaucoup à s'intéresser à l'Evangile et l'Eglise, et il aurait tort de passer à côté du Christ en raison de l'image renvoyée par une partie des catholiques et mise sans cesse en avant par les médias.

Gilles Texier, Paris XVe  >>